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Intervention de Yves Deniaud

Réunion du 7 novembre 2008 à 15h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Deniaud, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l'économie générale et du plan, pour le programme « Politique immobilière de l'état » et pour les comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l'état » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés :

La politique immobilière de l'État ne fait l'objet d'un contrôle du Parlement que depuis peu. Mais depuis le premier rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la Commission des finances en 2005 sur le sujet, cette politique a été suivie de près : un rapport spécial et un deuxième rapport d'étape de la MEC ont été présentés en juin dernier. Nos collègues sénateurs ont également accompli un travail important sur le même thème.

Devant cette mobilisation du Parlement, le Gouvernement a fourni un effort indéniable, tout particulièrement vous-même, monsieur le ministre, pour avancer dans la réforme avec l'abrogation annoncée du régime de l'affectation des immeubles, l'extension du mécanisme des loyers budgétaires et la mise en place de France Domaine, organisme qui mérite d'être encore renforcé et professionnalisé. L'objectif est qu'à terme il n'y ait plus qu'un propriétaire unique, l'État, représenté par France Domaine, afin que chaque ministère ne se comporte plus comme le propriétaire exclusif des locaux qu'il occupe. Hélas, l'immense majorité des ministères et des hautes administrations opposent une forte résistance à cette réforme : j'aurai l'occasion d'en donner des exemples précis.

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » prévoit 1,4 milliard de recettes de cessions immobilières en 2009 – inutile de dire que l'état actuel du marché immobilier rend incertaine l'atteinte de cet objectif. Sur ce total, un milliard devrait provenir de la restructuration des sites militaires, somme qui reviendra intégralement au ministère de la défense. Ce dernier, je tiens à le souligner, a des projets de qualité aux montants crédibles, ce qui n'est pas le cas de tous les ministères.

La nouveauté cette année est que si 15 % des recettes de cessions sont toujours affectés au désendettement, seuls 65 % reviendront au ministère cessionnaire, 20 % étant mutualisés entre l'ensemble des ministères de façon à assurer une sorte de péréquation entre ceux ayant la chance de posséder un important patrimoine à forte valeur marchande et les autres. Les ministères, au demeurant assez nombreux, qui bénéficiaient d'un régime dérogatoire le conserveront. C'est le cas du ministère des affaires étrangères pour toutes ses opérations hors de France.

Notre souhait est que disparaisse totalement à terme le droit de retour. L'État doit être le propriétaire unique et déléguer la gestion de l'intégralité de son patrimoine à France Domaine, organisme professionnalisé qui exercera les droits et prérogatives du propriétaire, chaque ministère s'adressant à cet opérateur unique pour toute cession, acquisition, prise de bail et résiliation de bail.

Une autre difficulté tient à l'entretien insuffisant du patrimoine immobilier de l'État. Chaque ministère propriétaire de ses locaux en assurait jusqu'à présent l'entretien, si bien que selon la situation financière de chacun, cet entretien a été très inégal et pas toujours optimal. Je salue donc la création prévue l'an prochain d'un programme « Entretien des bâtiments de l'État », placé sous la responsabilité de France Domaine. C'est un premier pas intéressant. En effet, l'absence d'entretien annuel régulier conduit à terme à des rénovations lourdes, beaucoup plus coûteuses. Je ne citerai que l'exemple de l'immeuble Ségur-Fontenoy du ministère de la santé qui, ayant été négligé durant des décennies, a fait l'objet d'une réhabilitation qui a déjà coûté 175 millions d'euros, autant ou presque restant à engager, alors même que l'opération n'a fait l'objet d'aucune décision politique, n'émanât-elle que d'un simple ministre, ce qui est proprement scandaleux. Des engagements d'un tel montant devraient avoir l'aval du Premier ministre. En tout cas, voilà un exemple de ce qui ne doit plus jamais se reproduire.

Les crédits d'entretien se monteront à 77 millions d'euros en 2009, soit 12 % du montant total des loyers – budgétaires ou non – des différents ministères. Les professionnels estiment généralement qu'un ratio de 20 % des loyers est nécessaire pour financer un entretien convenable. À l'évidence, 77 millions pour entretenir un patrimoine se montant à quelque 50 milliards d'euros, c'est fort peu – sans parler de la mise aux normes induite par le Grenelle de l'environnement qui devrait coûter quelque 24 milliards d'euros pour l'ensemble du patrimoine immobilier de l'État. Vu les disponibilités budgétaires, peut-être mes petits-enfants ont-ils chance de la voir réalisée…

J'en viens aux trois ministères sur lesquels nous avons plus particulièrement concentré nos travaux. Tout d'abord, le ministère de la défense, duquel nous n'avons pas obtenu de réponses très précises. Il faudra suivre de très près ses opérations immobilières à partir de 2009, car les mouvements vont être considérables. Notre jugement sur les opérations envisagées est a priori positif, mais il faudra surveiller de très près leur exécution.

Au ministère des finances, la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique aura des conséquences immobilières, sur lesquelles nous n'avons pas obtenu beaucoup de précisions. Nous ne relâcherons pas l'effort, mais d'après les éléments dont nous disposons, il semble qu'il n'y ait pas d'inquiétude particulière à nourrir. Je ne doute pas que le ministère, appelé à exercer sa tutelle sur France Domaine, veillera à ce que ces opérations immobilières soient irréprochables.

J'en viens au ministère de la justice – je reviendrai sur les conséquences de la réforme de la carte judiciaire lorsque je traiterai des schémas prévisionnels de stratégie immobilière. Pour l'heure, je m'en tiens aux trois missions de contrôle que j'ai effectuées sur des immeubles de ce ministère et à la politique de location de ce dernier. En effet, le ministère de la justice loue tous ses locaux, à l'exception du prestigieux immeuble de la place Vendôme et d'un seul autre.

Ses effectifs d'administration centrale ont crû rapidement ces dernières décennies, si bien qu'il a essaimé, hélas, autour de la place Vendôme, c'est-à-dire dans un des quartiers les plus chers de Paris. Et quand il a dû s'en éloigner, il a quand même tenu au « prestige » de ses locaux – le terme n'est pas de moi, mais figure dans ses propres documents. Le ministère a ainsi loué l'ancien siège de Canal Plus sur le front de Seine.

Quant au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, il a renouvelé en début d'année son bail rue des Italiens dans l'ancien immeuble du Monde. Ce bâtiment a été racheté en 2007 par un fonds de pension qui, six mois avant l'échéance du bail, a laissé au ministère de la justice le choix de quitter les lieux ou d'accepter une augmentation de loyer d'un tiers. Comme l'échéance n'avait pas été anticipée et qu'il n'existait pas de solution de rechange, le ministère a dû se résoudre à s'acquitter du nouveau loyer, très supérieur au prix du marché.

J'ajoute que le renouvellement de ce bail s'est fait alors que perdure le projet de construction, pour 800 millions, d'un immeuble regroupant tous les services du TGI de Paris – un véritable serpent de mer. En réalité, toute la gestion des baux du ministère m'a paru défaillante. La chancellerie a dépensé quelque 26 millions d'euros en loyers en 2007 pour ses seuls sites parisiens, et pour cinq de ces sites, les loyers versés sont supérieurs à 1 000 euros le mètre carré. Pourriez-vous me dire, monsieur le ministre, si France Domaine sera chargé de contrôler les baux des locaux de l'État et s'il aura les moyens de le faire ?

J'en viens aux schémas pluriannuels de stratégie immobilière – les SPSI - pour constater que les ministères n'ont pas tiré toutes les conséquences de la révision générale des politiques publiques. Sur seize ministères, seuls ceux de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur et de la recherche ont chiffré les réductions d'effectifs induites par la RGPP. Je donnerai à cet égard trois exemples particulièrement éloquents, le premier étant celui du ministère de l'écologie qui envisage, pour rassembler tous ses services, sur la base de ses effectifs actuels, de faire construire une tour à La Défense pour un coût supérieur à 700 millions. Est-il là vraiment dans son rôle ?

Quant au ministère des affaires étrangères, il prévoit d'utiliser l'ancien immeuble de l'Imprimerie nationale pour en faire un simple centre de conférences « ministérielles » pour des raisons de sécurité et au motif que le bâtiment doit héberger un effectif de 1 400 personnes.

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