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Intervention de Georges Tron

Réunion du 7 novembre 2008 à 15h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Tron, rapporteur spécial de la Commission des finances pour le programme « Fonction publique :

Aborder des questions aussi larges en quelques minutes relève de la gageure, mais je ferai de mon mieux…

En ce qui concerne les questions proprement budgétaires, la forte augmentation des crédits du programme « Fonction publique », qui passent de 223 à 456 millions, est due en grande partie aux crédits de l'action sociale – mais il ne s'agit en réalité que de jeux d'écriture et de changements de périmètres, dus, pour l'essentiel, à des renouvellements de marchés de prestations sociales. Le point fondamental concerne les aides ménagères à domicile : on passe d'un dispositif sans limite et sans condition de ressources, à une enveloppe fermée, qui ne sera attribuée qu'en dessous d'un certain plafond de ressources. Une telle rationalisation me paraît loin d'être incongrue.

Je suis en revanche très dubitatif, comme plusieurs autres parlementaires, pour ce qui est de la gestion de l'École nationale d'administration. La dotation de l'ENA a augmenté de 3,7 millions cette année, mais l'école, qui doit être assujettie au compte d'affectation spéciale « Pensions » et aligner son taux de cotisation sur celui de l'État – ce qui coûtera 5 millions au total – devra faire des économies sur le reste. Nous nous sommes souvent battus pour que ses dotations ne soient pas amputées, mais en contrepartie l'école, symbole de la République, se devrait d'être exemplaire. Or, par exemple, le contrat d'objectifs et de performance de l'ENA n'est toujours pas conclu, alors que les instituts régionaux d'administration en sont déjà à leur deuxième génération de contrats.

L'indicateur concernant la dépense consacrée à la formation initiale par l'ENA ne prend pas par ailleurs en compte, contrairement à celui des instituts régionaux d'administration, la totalité du coût, puisqu'il ne comprend que les coûts de fonctionnement et non d'investissement. Pourquoi les IRA sont-ils plus performants ? Et n'oublions pas la gestion pour le moins particulière par l'ENA de ses opérations immobilières, puisque la vente à la Fondation des sciences politiques des locaux de la rue de l'Université accroîtra la dette de l'État de 22 millions.

Il me semble en outre toujours indispensable de regrouper l'ensemble des crédits qui concourent à la fonction publique. La situation actuelle est contraire à l'esprit de la LOLF. Il faut rattacher au programme « Fonction publique » les crédits de personnel de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, ce qui, non seulement, serait en conformité avec l'esprit de la LOLF, mais améliorerait la lisibilité du programme. Pourquoi, depuis quatre années que je pose la question, n'est-ce toujours pas le cas ?

J'en viens aux questions de fond relatives à la politique de la fonction publique.

En ce qui concerne la réduction des effectifs, je ne comprends même pas que l'on puisse encore entretenir des polémiques : la question est aujourd'hui totalement dépassée. Il en est ainsi de l'objectif de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux dans les effectifs de l'État. On pourrait gloser sans fin sur la question de savoir si la réduction de 30 529 ETP est ou non justifiée. Elle est en tout cas appliquée avec discernement, certains ministères voyant leurs effectifs diminuer, et d'autres augmenter – je pense notamment à celui de la justice. Dans mon rapport, j'ai surtout cherché à savoir ce que ce chiffre dissimulait.

Entre 1996 et 2006, on constate que les effectifs de la fonction publique d'État ont progressé en moyenne annuelle de 0,5 % par an. L'essentiel de cette hausse est à imputer à la croissance des établissements publics administratifs. Les effectifs des EPA ont en effet augmenté, en moyenne, de près de 4 % par an, contre 0,2 % pour ceux des ministères. Ces établissements ont ainsi contribué pour 66 % à la croissance des effectifs de la fonction publique d'État entre 1996 et 2006 – car ces effectifs ont augmenté, malgré les transferts générés par la décentralisation. On ne peut que se demander pourquoi, pendant tant d'années, on a laissé dériver les effectifs des établissements publics, de même qu'en matière immobilière on a laissé dériver la gestion par les EPA de leur patrimoine.

Je me réjouis donc que, pour la première fois cette année, et conformément à l'article 64 de la loi de finances pour 2008, le projet de loi de finances pour 2009 fixe un plafond des emplois des opérateurs. L'annexe jaune sur les opérateurs de l'État estime que les emplois sous plafond augmenteront de près de 49 000 ETP, mais diminueront de plus de 1 100 à périmètre constant.

Le rapport rappelle à cet égard certains chiffres intéressants. Ainsi, après la prise en compte des transferts de décentralisation sur la période 2006-2009 – qui concernent 116 180 ETP travaillés –, la baisse des effectifs de l'État s'établit en réalité à 110 010 emplois entre 2006 et 2009, soit beaucoup moins que ce qu'affiche le Gouvernement. En effet, simultanément, l'augmentation cumulée des effectifs des opérateurs est de près de 80 000 emplois sur la même période. Si l'on tient compte de cette évolution, on s'aperçoit donc que les effectifs de l'État et de ses opérateurs ne sont réduits que de 31 000 emplois entre 2006 et 2009. Pourquoi la règle de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux n'a-t-elle pas été, jusqu'à présent, pleinement appliquée aux opérateurs ?

Par ailleurs, quelles sont les actions entreprises pour rendre les décomptes d'emploi des opérateurs plus fiables ? En effet, pour l'État, le décompte s'établit en équivalents temps plein travaillé, et, pour les opérateurs, en équivalents temps plein. Ne pourrait-on pas disposer d'une présentation moins opaque dans l'annexe jaune ? Enfin, question fondamentale, comment le Gouvernement s'assurera-t-il que les opérateurs respecteront les plafonds d'emploi ?

S'agissant du coût des réformes, nous devons réfléchir aux moyenx de rendre un service public de meilleure qualité à un coût modéré, voire réduit. Dans ce domaine, l'approche politique doit passer derrière l'approche financière.

Malgré la réduction des effectifs, les dépenses de personnel de l'État ne diminuent pas : elles représenteront 119,8 milliards d'euros en 2009. Le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux en 2010 et 2011 devrait permettre d'aboutir en quatre ans à une économie totale brute de 3,1 milliards d'euros. Mais il ne faut pas oublier que le Gouvernement a pris l'engagement de rétrocéder aux fonctionnaires la moitié des économies réalisées. L'économie nette serait donc de 1,6 milliard d'euros.

Si j'adhère totalement à la politique gouvernementale, certains points doivent être soulignés. Ainsi, si l'on peut penser que les opérations de regroupement de différentes directions doivent générer des économies, le résultat des études auxquelles nous avons procédé nous laisse plus dubitatifs. Par exemple, alors que les effectifs de la nouvelle direction générale des finances publiques, après fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, baissent de plus de 6 000 entre 2006 et 2009, les coûts de personnel augmenteront encore de 1,9 % en 2009, en raison de l'harmonisation des régimes statutaires et indemnitaires et de l'octroi d'une prime annuelle de 350 euros à tous les agents. Une telle augmentation était nécessaire, mais elle montre que des opérations de cette nature engendrent des surcoûts, au moins dans un premier temps. Je précise que ces chiffres ne sortent pas de mon imagination, mais m'ont été fournis par le directeur concerné.

Quoi qu'il en soit, dans tous les ministères, les mouvements de fusion de corps et de réforme des carrières donneront lieu une harmonisation vers le haut. Pour l'instant, nous ne sommes donc pas dans une logique de réduction de la dépense permise par la réduction des effectifs, mais dans celle d'une reconstruction de la structure administrative, laquelle, on le sait, entraîne des coûts supplémentaires. Dans ce registre, je pourrais également citer l'exonération des charges fiscales et sociales pour les heures supplémentaires, la monétisation des jours épargnés sur les comptes épargne-temps, ou les conséquences immobilières des réformes.

Enfin, un des points fondamentaux de la politique gouvernementale concerne la mobilité, pour laquelle un projet de loi, d'ores et déjà discuté au Sénat, devrait être mis à l'ordre du jour de notre assemblée. Je n'imagine pas qu'un dispositif aussi ambitieux ait pu être élaboré sans que l'on tente d'en mesurer le coût. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous informer sur le coût des réformes dans chaque ministère, en particulier pour les crédits de personnel ? Tout en faisant cette demande, je répète, pour qu'il n'y ait pas la moindre ambiguïté à ce sujet, que j'approuve totalement le principe de ces réformes.

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