a tout d'abord souligné que la conflictualité, à la RATP, constitue un sujet de préoccupation permanent, mais qu'elle est tombée, depuis 2006, à un niveau historiquement bas : 0,4 jour de grève par an et par agent, contre une moyenne de 0,8 jour pour la profession au niveau national. Depuis les grandes grèves de 1995, une prise de conscience a eu lieu à la RATP : le blocage total du service public porte gravement atteinte à la vie de citoyens. Sauf événement extérieur à l'entreprise, rien, dans une démocratie apaisée, ne paraît pouvoir justifier le retour à de telles situations.
C'est par la voie conventionnelle que la RATP s'est efforcée de limiter les conséquences de la conflictualité pour les usagers. En effet, dans les services publics, la grève interrompt la fourniture d'un service essentiel à la population. Un accord, baptisé « alarme sociale », a donc été passé en 1996 avec les organisations syndicales pour prévenir les conflits ; il a été renouvelé en 2001 et en 2006 avec la signature de la CGT et a largement inspiré un volet du projet de loi.
La RATP se réjouit que ce débat soit porté devant la Nation et qu'il soit abordé dans le sens souhaité par le Président de la République. Il est naturel que le responsable d'une entreprise nationale s'exprime régulièrement devant les parlementaires, chargés du contrôle des entreprises publiques.
L'exercice le plus difficile auquel le législateur, comme le responsable d'entreprise, doit faire face, est la conciliation de principes constitutionnels qu'il est impossible de hiérarchiser et que le Sénat a heureusement énumérés à l'article 1er du projet de loi : le droit de grève, la liberté d'aller et venir, le droit d'accès aux services publics, notamment sanitaires et éducatifs, la liberté du travail et la liberté du commerce et de l'industrie. Ces principes doivent être conciliés dans le respect des citoyens et des salariés. Jusqu'à présent, seule l'entreprise avait en charge cette responsabilité. L'exercice sera désormais partagé avec les pouvoirs publics.
À la RATP, le dialogue social fonctionne à un niveau sans précédent, en quantité comme en qualité, et le Sénat, au III de l'article 2 du projet de loi, reconnaît les accords signés. Plutôt qu'imposer une renégociation des accords de prévention des conflits existants, il est souhaitable de prévoir leur mise en conformité avec la future loi.
Grâce au système d'« alarme sociale » et à l'action du management, la RATP, qui occupe le sixième rang mondial parmi les entreprises de transport urbain et assure 80 % des transports collectifs en Île-de-France, est aujourd'hui une société apaisée où s'applique le principe suivant : faire du dialogue social le moteur du changement.
Trois catégories de grèves peuvent cependant toujours survenir : les journées nationales d'action, organisées dans le cadre de mots d'ordre nationaux, qui ont représenté, en 2006, 20 % des préavis déposés ; les grèves récurrentes sur l'organisation du travail, pour obtenir des améliorations de rémunération ou s'opposer à des évolutions de service, qui ont représenté, en 2006, 70 % des préavis déposés ; des grèves ponctuelles, limitées à des unités particulières de l'entreprise, survenant après des agressions contre des salariés.
En 2006, le volume de préavis a atteint 173, soit un nombre légèrement inférieur à celui des quatre dernières années et le niveau le plus bas depuis 1990. Par comparaison, 384 déclenchements d'alarme ont été enregistrés en 2006 et 120 depuis le 1er janvier 2007.
La baisse de la conflictualité est certes le fruit de la gestion des alarmes sociales, mais elle résulte surtout d'une politique de déminage des conflits, bien en amont. La signature de plus de trente accords avec les organisations syndicales en un an a certainement été le moyen le plus efficace d'éviter le recours à la grève. Le champ de la prévention ne peut, en effet, être limité au traitement immédiat des causes d'un conflit, car c'est souvent trop tard. Un travail permanent de négociation avec les salariés est tout aussi important.
La RATP a également pris l'initiative de proposer à l'autorité organisatrice, le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), un accord contractuel, signé en 2005, par lequel elle s'engage à assurer 50 % de la production de transport sur vingt-quatre heures par réseau de transport. Cette obligation a toujours été respectée, sauf une fois, sur le RER B, ce qui a valu à la RATP une pénalité de 60 000 euros. Par ailleurs, cet accord prévoit une obligation d'information des voyageurs vingt-quatre heures avant toute dégradation du service, sous peine de sanction financière.
Le dispositif gouvernemental envisagé s'inspire donc assez largement du modèle RATP, avec deux novations fondamentales. La principale est que la procédure de prévention des conflits deviendra obligatoire avant tout préavis ; cette systématisation permettra de perfectionner encore le système de dialogue social en généralisant les mécanismes de concertation. Deuxièmement, la procédure préventive sera déclenchée par l'intention de déposer un préavis, c'est-à-dire dans les cas où une dynamique conflictuelle sera déjà affirmée, alors que l'alarme sociale actuelle de la RATP se situe en amont.
Les partenaires sociaux de la RATP apprécient la reconnaissance par le Sénat de l'accord de 1996, même si l'article 2 du projet de loi omet d'évoquer son renouvellement du 20 février 2006. La mise en conformité avec la loi nécessitera que les partenaires sociaux se plient au caractère obligatoire de la procédure de prévention avant tout préavis.
Parmi les autres innovations, la principale porte sur l'élaboration d'un plan de dessertes relevant de l'autorité organisatrice. En Île-de-France, région qui dispose d'un des réseaux maillés de transports collectifs parmi les plus denses au monde et d'une complexité exceptionnelle, un tel plan ne peut résulter que d'un dialogue confiant entre l'opérateur, la RATP et le STIF. La version du texte adoptée par le Sénat précise de façon nette la répartition des compétences et des responsabilités entre les trois acteurs principaux : l'autorité organisatrice, l'entreprise de transport et le représentant de l'État. La RATP devra aussi remettre à l'autorité organisatrice un bilan annuel de ses obligations, ce qu'elle fait déjà dans le cadre de son engagement contractuel avec le STIF.
La RATP va réfléchir à un plan de transport adapté et à un plan d'information des usagers, en établissant des scenarii conformes à l'esprit du texte, c'est-à-dire équilibrant mieux le travail disponible sur les réseaux. Mais la principale limite au basculement des salariés d'une activité de transport à une autre tient aux qualifications professionnelles, et donc à la sécurité. La connaissance du trajet complexe d'une ligne de bus de banlieue par un machiniste, par exemple, ne saurait s'improviser. Pour ce qui est du métro et du RER, les habilitations ferroviaires constituent des permis de circuler sur une ligne et ne sont pas interchangeables, à moins que des exercices de formation et d'entraînement soient organisés.
Le droit à l'information est une piste de progrès dans laquelle la RATP s'est engagée en s'obligeant à informer les voyageurs vingt-quatre heures avant le conflit, par voie de presse et grâce à des moyens de communication locale, mais aussi des moyens individualisés – courriels, SMS, messageries vocales, plate-forme téléphonique et accès au site « RATP dans ma poche ». Le renforcement de ce droit de l'usager à être informé ne peut néanmoins s'appliquer à des perturbations inopinées liées à des incidents techniques, qui resteront malheureusement les cas de perturbation les plus fréquents. En outre, la prévisibilité nécessite le recensement préalable des agents souhaitant exercer leur droit de grève.
La RATP, entreprise intégrée, met systématiquement en oeuvre des plans de transport de substitution, lesquels ne peuvent toutefois atteindre une capacité et un niveau de qualité de service identiques à ceux rendus chaque jour à ses 10 millions de voyageurs quotidiens.
Le STIF inflige à la RATP une pénalité contractuelle liée aux perturbations pour situation inacceptable, qui s'applique déjà en temps de grève sur une ligne particulière. Par ailleurs, la RATP a accepté que lui soient appliquées des pénalités supplémentaires en cas de non-respect de l'obligation d'assurer 50 % de sa production. À cet égard, il serait pour le moins inéquitable de réclamer des indemnités au transporteur et dans le même temps de lui demander d'assurer la charge de l'indemnisation des voyageurs, car cela constituerait une « double peine ». En effet, les conflits sociaux sont déjà extrêmement coûteux pour le compte d'exploitation : la perte, en cas de grève très suivie, se chiffre à 4 millions d'euros par jour, les retenues sur les salaires des grévistes étant calculées sur la base du vingtième de la rémunération mensuelle. La perception des conséquences économiques néfastes des grèves est de plus en plus partagée par les salariés de l'entreprise. Les amendements apportés par le Sénat au texte initial en ce qui concerne le partage de la charge de l'indemnisation conviennent à la RATP.
Si l'indemnisation des voyageurs constitue évidemment un progrès, le remboursement doit incomber à l'autorité organisatrice – qui dispose de tous les pouvoirs en matière de tarification –, à charge pour elle d'obtenir par voie contractuelle une participation de ses opérateurs. L'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) propose que la responsabilité de l'entreprise ne soit retenue que dans le cas où celle-ci dispose, par ses capacités de dialogue, de la possibilité de trouver des solutions, ce qui exclut les conflits dont l'origine est extérieure à l'entreprise, déclenchés par solidarité avec une cause nationale. L'expression « directement responsable » de l'article 8 semble exonérer l'entreprise dans ces cas.
Après les débats qui se sont déroulés au Sénat, il a été décidé de prévoir la possibilité d'intervention d'un médiateur à la condition que l'entreprise et les organisations syndicales se mettent d'accord. Les partenaires sociaux de la RATP n'ont pas d'expérience de ce type, mais tout ce qui est de nature à favoriser le dialogue et la concertation à l'intérieur de l'entreprise va dans le bon sens.
Le sujet traité par le projet de loi est fondamental, car il est au coeur de la relation entre le citoyen et le service public, entre le salarié et l'entreprise, entre l'opérateur de transport et l'autorité organisatrice, entre la loi et la négociation collective. La RATP est prête à mettre en oeuvre de façon concertée un système de continuité du service public. C'est tout le sens du plan d'entreprise qui sera signé en fin d'année : mettre le citoyen-voyageur au centre des préoccupations de l'entreprise.
Le président Hervé Mariton, après avoir relevé que l'approche de la RATP de la « double peine » semble différente de celle de la SNCF, a demandé si la RATP est favorable, indifférente ou hostile à un report du calendrier, pour ce qui la concerne, au 1er janvier 2009.
Par ailleurs, il a souhaité savoir si le délai de prévenance de quarante-huit heures ne recèle pas un risque d'abus de la part des salariés, qui pourraient se déclarer grévistes dans un premier temps quitte à se rétracter, au risque de compliquer l'organisation du service. Il s'est aussi demandé si, pour protéger les salariés, il ne serait pas opportun d'externaliser l'information.
Enfin, s'agissant du vote au bout de huit jours de grève, il a demandé s'il serait facile de déterminer les modalités du scrutin et le périmètre à l'intérieur duquel il conviendra de l'organiser.
Le rapporteur, après avoir souligné qu'il retenait particulièrement deux phrases : « faire du dialogue social le moteur du changement » et « mettre le citoyen-voyageur au centre des préoccupations de l'entreprise », a noté que le risque de « double peine » est levé au cinquième alinéa de l'article 8 et s'est demandé si le texte prend suffisamment en compte le respect des conditions de travail.