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Intervention de Stéphane Gompertz

Réunion du 6 mai 2009 à 11h30
Commission des affaires étrangères

Stéphane Gompertz :

Par profession, les diplomates sont optimistes, même s'ils sont face à un dilemme, comme à Madagascar.

C'est bien un coup d'État qui a eu lieu, même si les événements de mars sont le résultat d'un mécontentement populaire croissant face aux dérives économiques et financières de l'ère Ravalomanana – le président ayant eu tendance à confondre les deniers de la République et les intérêts de son empire industriel. Malgré un taux de croissance soutenu, ces excès n'étaient plus tolérables.

La tuerie du 7 février a constitué un tournant. Si Andry Rajoelina et ses partisans ont commis des imprudences en poussant les manifestants vers le palais, les tirs de la garde présidentielle ont scellé le sort du régime.

Les subtilités juridiques qui tendent à légitimer le passage de témoin au directoire militaire, puis la transmission du pouvoir à Andry Rajoelina peuvent être séduisantes ; il n'en reste pas moins que ces actes ont pris place en dehors du processus constitutionnel.

Pour autant, la France ne retient pas l'hypothèse d'un retour au pouvoir de Marc Ravalomanana. Seule la communauté des États d'Afrique australe – la SADC (Southern African Development Community) – l'envisage encore. Même la présence physique à Madagascar du président semble problématique.

Notre pouvoir d'influence n'est pas nul. La chargée d'affaires de notre ambassade, Marie-Claire Girardin, a dû prendre des décisions lourdes de conséquences sans avoir le temps d'en référer à l'administration centrale : elle a accueilli à la Résidence, sur sa demande, Andry Rajoelina, qui estimait sa sécurité menacée, et a, par la suite, dit ce qu'il en était à Marc Ravalomanana. Ces décisions étaient justifiées. L'ambassadeur qui est arrivé récemment à ce poste, Jean-Marc Châtaigner, au travers de ses contacts quotidiens avec les factions, les encourage à trouver un chemin d'entente. Il entretient également des liens avec la Haute autorité de transition et les deux facilitateurs, Tiébilé Dramé pour les Nations unies, Ablassé Ouedraogo pour l'Union africaine.

La communauté internationale agit notamment auprès des quatre factions – celles de Rajoelina, de Ravalomanana, de Ratsiraka et de Zafy. Lorsque s'est produite la transmission de pouvoir, Tiébilé Dramé était présent et a lu le communiqué, cautionnant ainsi cet acte irrégulier. Là encore, cette décision était la bonne car elle a permis d'éviter que des affrontements armés ne se produisent.

L'Union européenne est représentée à Madagascar par l'ambassadeur de France, l'ambassadeur d'Allemagne et le délégué de la Commission. Le dialogue politique avec les parties prenantes au conflit, mis en place dans le cadre de l'article 8 de la convention de Cotonou, a été repoussé à plusieurs reprises ; il devrait se nouer le 18 mai. Parallèlement, la procédure plus contraignante prévue par l'article 96, qui pourrait déboucher sur des sanctions, devrait se mettre en place.

Pour autant, l'Union européenne doit faire preuve de prudence. S'il est nécessaire de faire pression sur les autorités afin qu'elles s'accordent sur une charte de transition et que soient organisées le plus rapidement possible des élections, nous estimons qu'une interruption de l'aide économique aurait des conséquences dramatiques. Dans un mois, les caisses seront vides et les fonctionnaires ne seront plus payés ; la guerre civile risque d'éclater, alors que les tensions entre les Merinas des hauts plateaux et les côtiers s'exacerbent.

La France a, la première, suggéré la création d'un groupe de contact international sur Madagascar. Un conseil consultatif s'est réuni pour la première fois à Addis-Abeba : présidé par l'Union africaine, il réunit l'OIF, la Commission de l'océan Indien, les membres permanents et les membres africains du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que la SADC. Cette dernière, représentée par le ministre des affaires étrangères du Swaziland, s'est opposée aux autres organisations.

Le texte adopté fournit à la communauté internationale une base pour accompagner la transition et faire pression sur les parties, dans le respect de la souveraineté malgache. Il réitère la condamnation du changement de pouvoir anticonstitutionnel mais, contrairement à ce que souhaitait la SADC, ne prône pas le retour au pouvoir de Marc Ravalomanana ; il préconise la poursuite du dialogue national, avec l'aide des facilitateurs, et la tenue d'élections à court terme ; il appelle au maintien de l'aide humanitaire ; enfin, il condamne les violences et les incitations à la violence dont ont pu se rendre coupables les partisans de Marc Ravalomanana, comme Manandafy Rakotonirina, son « Premier ministre », arrêté, depuis, dans des conditions critiquables.

La sortie de crise devra peut-être passer par une réforme de la Constitution. Autant nous trouvons contestable de modifier la condition d'âge pour se présenter à la présidence, autant l'obligation d'être né de père et de mère malgache pourrait être utilement supprimée.

La France est plus que réservée à l'égard d'une candidature d'Andry Rajoelina à la présidence. Nous tentons de le convaincre que ce ne serait pas là son intérêt. Par principe, nous considérons qu'il n'appartient pas à ceux qui gèrent une transition démocratique de se présenter aux élections. Le président de la Haute autorité de transition n'a que 35 ans.

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