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Intervention de Guy Teissier

Réunion du 28 janvier 2009 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, président :

Je suis d'autant plus heureux d'accueillir les représentants des associations des retraités militaires que nous n'avions pas eu l'occasion de les recevoir depuis le mois de mai 2006. Il est très important pour nous de vous entendre, messieurs, alors que nous nous apprêtons à débattre du cadre dans lequel notre défense nationale s'inscrira pour les six ans à venir. Je sais que vous êtes particulièrement intéressés par la question de la réserve mais il est bien entendu que nous aborderons tous les sujets qui vous tiennent à coeur.

Général Alain Bonavita, président de l'ANOCR. L'organisation de notre défense nationale annoncée par ce projet de loi – qui reflète la priorité budgétaire tant espérée et enfin accordée – nous semble globalement très cohérente, donc satisfaisante, à condition qu'elle se réalise entièrement, en dépit des aléas budgétaire et des incertitudes de la coopération européenne, notamment en matière d'armement.

Néanmoins, la belle mariée que laisse espérer ce texte présente quelques rides. Malgré le rappel du risque d'engagement de nos forces, avant quinze ans, dans un conflit interétatique impliquant vraisemblablement des blindésmécanisés appuyés par des avions, on ne perçoit pas clairement les mesures pouvant combler à court terme les lacunes actuelles de nos forces : faiblesse en nombre et en matériels performants des unités de défense sol-air aptes à accompagner des unités blindées-mécanisées très mobiles ; vulnérabilité à la « ferraille des champs de bataille » des unités d'artillerie sol-sol actuellement équipées d'automoteurs de qualité mais insuffisamment protégés par leur seule mobilité ; obsolescence des moyens de transport aérien tactique – avions et hélicoptères ; insuffisance des capacités de frappes aériennes dans la profondeur ; et enfin, absence de transport aérien stratégique.

Par ailleurs, nous doutons de l'efficacité des mesures pourtant judicieuses concernant la reconversion des militaires en raison des circonstances économiques actuelles qui conduisent le Gouvernement à réduire les effectifs des fonctionnaires, et les entreprises à appliquer des plans sociaux sévères. Avant même la crise que nous connaissons, le pourcentage de militaires reconvertis annuellement n'excédait pas, dit-on, 20 %. Parce qu'il est à craindre que ce pourcentage diminue encore en raison du nombre de militaires mis simultanément sur le marché du travail, il faut prévoir des mesures financières complétant le pécule dédié à la recherche prolongée d'emploi. Pour faire face aux réticences de l'UNEDIC à l'égard des anciens militaires, il faudrait également prendre des dispositions garantissant des indemnités de chômage significatives à ceux qui, reconvertis, sont les premières victimes des plans sociaux en raison d'une embauche récente.

La reconversion des militaires ou la mutation de ceux concernés par le plan de restructuration auront également pour conséquence de contraindre l'épouse – ou l'époux – à quitter son emploi et donc à rencontrer les mêmes difficultés que son conjoint pour en retrouver un. L'allocation d'aide à la mobilité du conjoint, limitée à 6 100 euros et assortie de plusieurs conditions, n'est pas un palliatif suffisant dès lors qu'elle ne représente que cinq à six mois de SMIC. On mesure aisément les conséquences de cette situation sur les ressources des ménages concernés alors que les pensions des militaires poussés prématurément à la retraite sont déjà faibles. Verrons-nous se multiplier des « demi-solde » dont les exemples seront fort dissuasifs pour les candidats à l'engagement dans nos armées ? À quoi servirait, dès lors, notre armement sophistiqué s'il ne pouvait être mis en oeuvre par des personnels motivés et de qualité ?

Face à cette situation et à la hausse très probable des loyers dans les garnisons soumises à l'afflux de nouveaux affectés, l'aide à l'accession à la propriété pour les militaires devient une priorité. Les mesures – déjà arrêtées à un prêt limité à 16 000 euros – constituent une avancée appréciée mais encore insuffisante eu égard aux prix dans l'immobilier – lesquels restent élevés malgré la crise – et aux difficultés actuelles pour obtenir un prêt bancaire. Or, bien qu'elles ne pèseraient pas lourdement sur le budget – puisqu'il s'agit principalement de prêts en partie déjà accordés sur les fonds de prévoyance auxquels les militaires cotisent – on ne trouve pas dans ce projet de nouvelles mesures visant à accroître le montant des prêts ou à accorder de nouvelles aides sachant que les programmes immobiliers annoncés ne seront pas réalisés sous peu.

Pourtant, l'accession à la propriété améliore considérablement les ressources d'un ménage, en particulier au moment de la retraite. Nous connaissons, en effet, les difficultés financières des ménages militaires à la retraite qui ne perçoivent en général qu'une seule pension : parce que de multiples mutations interdisent aux femmes d'exercer une activité salariée durable, celles-ci ne peuvent en effet se constituer une pension significative. Pour compléter les faibles ressources de son ménage, le militaire doit donc faire, au prix de lourds sacrifices, des économies dont les revenus sont notamment destinés à compléter la pension de réversion de sa veuve.

Les rumeurs qui circulent depuis la réforme des pensions de réversion du régime général – transformées en allocations différentielles – suscitent chez les militaires de vives inquiétudes qui pourraient être apaisées si, dans le cadre des mesures d'accompagnement de ce projet, était rappelée la spécificité de la fonction militaire. Les militaires devant accéder prochainement à la retraite et ceux qui y sont déjà s'inquiètent de mesures qui rompraient un contrat sur lequel ils se sont appuyés depuis le début de leur carrière pour organiser la protection de leurs conjoints.

Enfin, nous avons apprécié que ce projet insiste sur l'adhésion de la nation à la politique de défense, notamment à travers une meilleure implication des élus dans sa définition et sa conduite : la crédibilité d'une défense, en effet, ne peut qu'être fondée sur un large consensus national. C'est précisément pourquoi les retraités militaires – bien que leur position soit depuis 2005 exclue du statut général des militaires – restent toujours engagés avec conviction dans la promotion de l'esprit de défense, en particulier en répercutant et en expliquant à nos concitoyens les informations diffusées par les instances officielles. Nous sommes très satisfaits de pouvoir espérer être rejoints, comme le veut ce projet, par nos plus jeunes concitoyens pour l'accomplissement de ce devoir et nous espérons que les enseignants pourront y participer encore davantage.

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