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Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 27 mai 2009 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Alain Joyandet, secrétaire d'état chargé de la coopération et de la francophonie :

J'avais déjà eu l'occasion de venir devant vous trois mois après ma prise de fonctions. J'avais alors évoqué les principaux chantiers que j'entendais conduire pour mettre en oeuvre, aux côtés de Bernard Kouchner, la feuille de route que m'avait confiée le chef de l'État.

Avec l'Afrique, nous travaillons dans un état d'esprit nouveau : depuis deux ans, nous nous efforçons de faire évoluer vers un véritable partenariat une relation qui était encore teintée de paternalisme.

Depuis la crise, la nécessité d'inclure l'Afrique dans la réforme de l'architecture des institutions internationales apparaît avec évidence à tous. Grâce à l'impulsion donnée par le Président de la République, nous avons pu permettre une participation de l'Afrique aussi bien au sommet du G20 à Washington que, tout récemment, lors du sommet de Londres.

Lors des assemblées de printemps de la Banque mondiale et du FMI, je suis intervenu pour que les décisions prises à Londres soient mises en oeuvre le plus rapidement possible en veillant tout particulièrement à amortir l'impact de la crise sur le continent africain. J'ai demandé que nous fassions le point sur ce sujet cet automne à New York et que nous affections les montants disponibles aux besoins de l'Afrique, en privilégiant notamment la relance de l'agriculture.

J'organiserai cette présentation en trois thèmes : la francophonie, les crises africaines et l'aide publique au développement.

Comme le Président de la République l'a rappelé avec force, la francophonie est une priorité de notre diplomatie. Après le moment historique qu'a constitué son insertion dans notre Constitution, en juillet dernier, nous avons réussi, en octobre, un sommet moderne et innovant à Québec. En outre, nous sommes en train, avec votre soutien, de mettre en place une Maison de la francophonie, qui ouvrira ses portes en mars prochain. Je tiens d'ailleurs à remercier M. Rochebloine pour le travail qu'il a effectué sur ce dossier. Enfin, nous travaillons actuellement à la création d'un portail numérique francophone et à la mise en place d'un visa francophone.

Sur le plan politique, ces derniers mois ont été marqués sur le continent africain par une série de crises et de conflits, dont je ne mentionnerai que les plus récents.

Les armes ont de nouveau parlé au Tchad. La situation semble aujourd'hui sous contrôle, les rebelles tchadiens venus du Soudan ont été repoussés. Mais la situation entre les deux pays demeure tendue, et nous avons de bonnes raisons de craindre une reprise du conflit. Nous avons donc réitéré notre souhait qu'un dialogue soit engagé de façon à obtenir, conformément aux dispositions de l'accord de Syrte, une réconciliation entre le Gouvernement tchadien et les rebelles.

Le continent a connu des crises à répétition, avec le coup d'État en Mauritanie, en août 2008 ; le coup d'État en Guinée Conakry, le 23 décembre, dès l'annonce du décès du président Conté ; la crise malgache à partir de février 2009, avec l'éviction du Président Ravalomanana et la prise du pouvoir par Andry Rajoelina, lequel s'est placé à la tête d'une Haute autorité de transition ; sans oublier, bien sûr, les événements survenus en mars en Guinée Bissau.

La position de la France est constante : elle consiste à demander, avec l'appui de la communauté internationale, et d'abord, de l'Union Africaine, le retour à l'ordre constitutionnel.

Ainsi, en Guinée Conakry, où je me suis rendu immédiatement après le coup d'État, j'ai pu faire connaître au capitaine Dadis Camara les trois demandes de la France : mise en place rapide d'un gouvernement civil – c'est fait –, organisation d'élections dans un délai très court, et engagement des putschistes à ne pas se porter candidats. Nous avons bon espoir que tous ces engagements soient tenus, mais nous restons vigilants.

Autre dossier que nous suivons de près : celui de Madagascar, où résident plus de 20 000 Français. La situation y est particulièrement confuse, et rien n'est encore joué : le Président de la Haute autorité est en difficulté, tandis que l'ancien Président de la République semble désireux de continuer à jouer un rôle. Il a d'ailleurs tenu des propos un peu injustes à l'égard de la France, laquelle est restée d'une totale neutralité dans ce dossier. Suivant notre ligne habituelle, j'avais même déclaré qu'à nos yeux, M. Ravalomanana était toujours le président en titre, dans la mesure où l'élection qui l'a porté au pouvoir n'a jamais été contestée.

En RDC, le rapprochement avec le Rwanda a permis de réels progrès dans l'Est, même si tous les problèmes ne sont pas réglés. Les FDLR ont été en grande partie désarmées et le leader du CNDP, Laurent Nkunda, a été neutralisé. Nous sommes parvenus, avec l'aide des Américains, dans le cadre de notre diplomatie multilatérale, à faire avancer les choses.

Au Zimbabwe, le Premier ministre, M. Tsvangirai, aborde sa tâche avec une détermination que la France a saluée. Nous nous emploierons à aider ce pays à sortir de la crise.

Je ne saurais omettre la Côte d'Ivoire, d'où je reviens. Nous avions l'habitude que l'annonce d'élections reste sans suite mais cette fois, le président Gbagbo a pris devant moi l'engagement de les organiser ; un décret en conseil des ministres les a fixées au 29 novembre, date qui est approuvé par les leaders politiques. J'espère qu'il n'y aura pas un nouveau report au motif de nouveaux troubles.

J'en viens à l'aide publique au développement.

Courant juin, le Premier ministre réunira le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Le dernier CICID avait eu lieu en décembre 2006.

Dans un contexte de fortes turbulences économiques, cette réunion sera l'occasion de définir plusieurs orientations concernant notre aide publique au développement. Sans anticiper sur les arbitrages qui seront finalement rendus, je souhaite vous donner les principaux éléments du débat et indiquer les propositions qui seront faites.

Le CICID sera tout d'abord l'occasion de réaffirmer l'engagement de la France en faveur des pays en développement. Il s'agit de marquer notre solidarité pour les aider à relever le triple défi de la pauvreté, de la croissance et de la préservation de l'environnement. Notre priorité ira clairement aux plus vulnérables d'entre eux, à commencer par l'Afrique.

Cette priorité se traduira en termes de financement, mais s'exprimera aussi dans notre inlassable plaidoyer en faveur d'une plus grande participation des Africains aux affaires du monde, que ce soit au Conseil de sécurité ou au sein des institutions financières internationales telles que le FMI ou la Banque mondiale.

Nous veillerons à ce que soient honorés les engagements internationaux pris au plus haut niveau, à commencer par celui, pris par le Président de la République et réitéré par le Premier ministre, de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l'aide publique au développement à l'horizon 2015. Nous devrons pour cela diversifier les instruments et recourir aux prêts et aux garanties. Je souhaite par ailleurs un effort particulier en faveur de l'aide bilatérale. Je sors à l'instant d'une réunion du Comité d'aide au développement de l'OCDE : nous y plaidons pour que certaines interventions qui ne prennent pas la forme classique puissent être comptabilisées dans l'APD.

Nos contraintes budgétaires ne nous empêcheront pas d'agir. Non seulement les crédits votés en loi de finances initiale ont été maintenus, mais nous y avons ajouté 2 milliards d'engagements additionnels de l' AFD sur cinq ans, qui devraient bénéficier à 2 000 entreprises et permettre de créer 300 000 emplois sur le continent africain. Il s'agit là de l'un des huit chantiers que je vous avais annoncés. L'Agence française du développement a ainsi augmenté ses engagements de 25 %.

Nous avons également été à l'origine, avec la Banque africaine de développement, de la mise en oeuvre d'un nouveau fonds pour financer les initiatives agricoles et agroalimentaires, notamment en Afrique subsaharienne. Avec l'arrivée de nouveaux partenaires, nous espérons pouvoir le doter de 500 millions d'euros.

Enfin, pour être plus efficaces, nous allons devoir concentrer nos efforts, tant sur le plan géographique que sur le plan sectoriel. Le CICID devrait en prendre la décision, dans le droit fil des recommandations du Livre blanc et de la RGPP.

Concentration géographique, tout d'abord. Les dons seront majoritairement attribués aux pays pauvres prioritaires, essentiellement des pays francophones d'Afrique subsaharienne. Le solde des dons sera attribué aux pays en crise ou en sortie de crise. Au-delà des dons, l'effort budgétaire total – dons et bonifications de prêts – devra bénéficier pour plus de 60 % à l'Afrique subsaharienne.

Concentration sectorielle, ensuite. En plus des secteurs habituels – santé, éducation et formation professionnelle –, nous souhaitons mettre l'accent sur le développement économique, notamment sur la relance de l'agriculture.

Conformément aux recommandations de l'OCDE, nous serons amenés à formuler en 2010, après une large consultation, un document cadre pour notre politique de coopération, qui servira de référence unique pour l'ensemble des acteurs de la coopération au développement. Il va de soi que le Parlement sera étroitement associé à ce travail. Je tiens à cette occasion à remercier les parlementaires qui sont particulièrement actifs sur ce sujet, auxquels pourront bien entendu s'adjoindre tous ceux qui le souhaiteront.

Je conclurai en évoquant les trois problèmes structurels auxquels l'Afrique est confrontée.

Le premier est celui de la démographie. Les femmes africaines ont cinq enfants en moyenne. L'avenir du continent est entre leurs mains. Il faut les aider à maîtriser leur fécondité, mais aussi à se protéger du fléau du sida. L'éducation doit être au centre des politiques de coopération.

Le deuxième est le changement climatique, dont les pays d'Afrique sont les premières victimes.

Le troisième est le ralentissement de la croissance.

Pour l'ensemble de ces raisons, et en dépit des difficultés que nous connaissons, ce n'est pas le moment de réduire notre de aide publique au développement, bien au contraire, tant pour l'équilibre du monde que dans notre intérêt propre, le développement des pays du Sud bénéficiant aussi à ceux du Nord.

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