, a estimé que ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature était l'occasion pour les différents acteurs concernés de prendre leurs repères. Les grandes réformes seront certes lancées à partir de l'an prochain, s'agissant par exemple de ce qu'il est convenu d'appeler le « rendez-vous de 2008 » sur la poursuite de la réforme des retraites, ou encore de la réflexion plus générale qu'il faudra conduire sur les modalités d'un financement soutenable des dépenses de protection sociale. On aurait pourtant tort de regarder ce projet de loi de financement comme un texte mineur car, outre le fait qu'il comporte davantage d'articles que le projet de loi de finances, il est à bien des égards un texte fondateur, un texte responsable et vertueux.
Évoquant en premier lieu l'équilibre général et les recettes, Mme Marie-Anne Montchamp, Rapporteure pour avis, a rappelé que depuis l'entrée en vigueur de la loi organique du 2 août 2005 relative aux LFSS, le Parlement disposait de tableaux d'équilibre par branche, de l'ensemble des régimes de base d'une part, et du régime général d'autre part, et ce pour trois années : le dernier exercice clos (2006), l'exercice en cours (2007) et l'année à venir (2008), l'annexe B projetant ces équilibres jusqu'en 2012. Que la représentation nationale puisse se prononcer sur un pilotage à moyen terme est une excellente chose. Le Gouvernement, éclairé par la Commission des comptes de la sécurité sociale, en convient : la tendance de fond n'est pas bonne. Avant intervention des mesures contenues dans le projet de loi de financement pour 2008, le déficit du régime général, qui était revenu à 8,7 milliards d'euros en 2006 et doit se creuser à 11,7 milliards d'euros en 2007, atteindrait 12,7 milliards d'euros l'an prochain. Il atteindrait même 14 milliards d'euros en l'absence du plan d'économies engagé en juillet dernier en réponse au signal lancé par le comité d'alerte. Avec ce plan et les mesures que contient le projet de loi de financement, le déficit du régime général en 2008 serait contenu à 8,9 milliards d'euros. On ne doit certes pas s'en contenter, mais il faut à tout le moins reconnaître l'effort ainsi accompli.
Cet effort concerne l'ensemble des branches avec 1,7 milliard d'euros d'économies en 2008 par rapport à la tendance des dépenses. L'amorce du redressement est également obtenue grâce à l'apport de recettes nouvelles et à la mise à niveau sans précédent des contributions de l'État au profit de la sécurité sociale. Les recettes nouvelles proviennent d'abord de deux mesures centrées sur l'emploi des « seniors » : un prélèvement sur les indemnités de mise à la retraite d'office et une hausse de la contribution sur les préretraites d'entreprise. Elles proviennent ensuite d'une suppression d'exonération de cotisations bénéficiant à la branche Accidents du travail – maladies professionnelles, ainsi que d'un meilleur rendement de taxes sur l'industrie pharmaceutique. Elles proviennent enfin d'une mesure votée en projet de loi de finances : le prélèvement à la source des contributions sociales sur les dividendes. Le même projet de loi de finances contient aussi d'autres mesures très importantes pour le rééquilibrage des comptes sociaux et pour la quasi-disparition, unanimement saluée, de la querelle des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. On n'a sans doute pas assez insisté sur le remarquable progrès que constitue ce « règlement des différends », qui doit beaucoup à la mise en place d'un ministère en charge des comptes publics. Il interviendra également pour partie en collectif de fin d'année et il se décline en quatre points : tout d'abord, les crédits du budget de l'État destinés à financer des prestations servies par les caisses de sécurité sociale (pour l'essentiel l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation de parent isolé, ainsi que l'aide médicale de l'État), sont remis à niveau en PLF 2008 pour 600 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'année dernière. Ensuite, les allègements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires sont mieux compensés, au moyen de l'affectation d'un « panier » de recettes fiscales élargi de 900 millions d'euros dès 2007 et de 500 millions d'euros en 2008. En outre, comme cela avait été annoncé, les exonérations portant sur les heures supplémentaires en application de la loi dite « TEPA » du 21 août dernier sont intégralement compensées, à hauteur d'1,3 milliard d'euros en 2007 et de 5,1 milliards d'euros en 2008. Enfin, des dettes de l'État à l'égard du régime général, dettes parfois anciennes – remontant par exemple au plan textile d'il y a dix ans – ont été remboursées il y a quelques jours à la sécurité sociale à hauteur de 5,1 milliards d'euros. On objectera peut-être que ces dettes n'améliorent en rien le solde du régime général et l'on aura raison… mais les dirigeants de l'ACOSS rencontrés au moment même où l'opération d'annulation de dette était en cours, savent combien, en trésorerie, l'opération est appréciable.
À cet égard, il faut souligner que le remboursement de cette dette de l'État vis-à-vis du régime général s'effectue au montant nominal constaté au 31 décembre 2006, ce qui signifie que la dette postérieure, qui représente, selon l'ACOSS, quelque 700 millions d'euros en 2007 et 400 millions d'euros en 2008, demeure. Par ailleurs, le solde dégradé déjà évoqué emporte lui aussi des coûts de trésorerie pour la sécurité sociale. En conséquence, le plafond d'emprunt du régime général destiné à couvrir ces coûts est porté à 36 milliards d'euros pour 2008, ce qui constitue une forme de record. L'ACOSS est tout à fait armée pour y faire face, soit via la convention qui la lie à la Caisse des dépôts et consignations, soit par l'émission de billets de trésorerie. Il reste que ce recours ponctuel au marché ne présente pas les mêmes conditions de sécurité de gestion qu'un transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), laquelle amortit la dette par l'émission d'obligations à long terme, à l'abri d'une crise de liquidités telle que celle qui est survenue cet été. Cependant, en application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, aucune « réouverture » de la CADES n'est plus possible sans augmentation des ressources de la caisse. Autrement dit, tout nouveau transfert de dette doit s'accompagner d'une augmentation de la contribution au remboursement de la dette sociale. Cela n'entrait pas dans la stratégie du Gouvernement, et en effet la perspective doit être plus large : au-delà d'une maîtrise volontariste des déficits année après année, il faut travailler enfin à une « refondation » du financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement a commencé à y réfléchir avec deux rapports ministériels récents ; la réflexion du Conseil économique et social est en cours, sur saisine de M. le Premier ministre. Il est souhaitable que le Parlement s'y attelle lui aussi ; la Rapporteure pour avis a d'ailleurs l'intention d'organiser après le débat budgétaire une table ronde sur ce thème absolument crucial pour l'avenir de notre système de protection sociale.
En ce qui concerne les mesures relatives aux dépenses prévues dans ce projet de loi de financement, ce sont bien entendu les dépenses de l'assurance maladie qui sont les plus préoccupantes cette année. 2007 a en effet vu le comité d'alerte déclencher pour la première fois, le 29 mai dernier, la procédure qui a conduit le Gouvernement à mettre en place un véritable plan de redressement de la branche maladie. Les mesures du projet s'inscrivent clairement dans son prolongement et répondent à trois principes. Le premier principe est la responsabilisation. Celle des assurés, à travers la mise en place de franchises médicales destinées à financer le développement des soins palliatifs, la prise en charge de la maladie d'Alzheimer et des cancers. Celle des professionnels de santé, avec la disposition qui prévoit la suspension de toute négociation conventionnelle pendant six mois en cas de déclenchement de la procédure d'alerte pour dépassement de l'objectif de dépenses de l'assurance maladie en cours d'année, mais également avec l'obligation pour les médecins d'informer les patients sur le niveau des honoraires pratiqués. Le deuxième principe est celui de l'efficacité, car la qualité globale du système de soins ne peut pas se passer de ce critère. À l'hôpital, la valorisation de l'activité à 100 % dès 2008 pour les établissements publics de santé doit ainsi leur permettre de renforcer leur efficience. Le troisième principe est celui de l'équité. Tout comme la responsabilisation des assurés ne va pas sans celle des soignants, et tout comme la mise en place de la tarification à l'activité ne va pas sans la prise en compte des missions d'intérêt général des hôpitaux publics, le principe d'équité inspire les mesures de ce projet de loi, qui, pour certaines d'entre elles, sont structurelles : l'égalité dans l'accès aux soins suppose en effet une bonne répartition des professionnels de santé sur le territoire. L'incitation à la négociation conventionnelle sur ce sujet apparaît donc comme un réel progrès, qui a d'ailleurs déjà fait ses preuves concernant les infirmiers libéraux. Par ailleurs, l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération des soignants contribue également à cet objectif.
Ces exemples témoignent tous de la ferme résolution prise par le Gouvernement de mener la réforme de notre système de santé en même temps que le rétablissement de son équilibre financier. Et celui-ci implique en premier lieu un exercice de vérité. Oui, les dépenses d'assurance maladie accusent une hausse considérable sur l'année, avec un dépassement qui atteint près de 3 milliards d'euros. Oui, le retour à l'équilibre sera long et difficile, avec un déficit qui atteint 6,2 milliards d'euros en 2007 et – en tenant compte des mesures du PLFSS – qui représenterait toujours 4,3 milliards d'euros en 2008. Mais les efforts sont réels : il faut saluer le réalisme qui a présidé à la construction de l'ONDAM pour 2008, qui progresserait de 3,4 % en l'absence des franchises médicales, et qui est contenu grâce à ces mesures à une progression de 2,8 %. Mais on doit également rappeler que les mesures d'économie présentées s'élèvent à près de 2 milliards d'euros, ce qui est considérable.