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Intervention de Hervé Mariton

Réunion du 16 avril 2008 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton, Rapporteur :

, a indiqué qu'il avait inscrit en exergue du rapport une citation d'Alfred Sauvy : « Si l'utilisation rationnelle des statistiques à des fins pratiques n'est pas plus à l'honneur, c'est qu'elle est à la fois pénible par un bout et périlleuse par l'autre. ». Cette phrase résume la problématique de notre travail.

Cette mission d'information est née du constat de l'importance du débat et de la contestation des chiffres dans l'opinion publique, et du décalage entre mesure et perception de certains indicateurs. Elle visait à éclairer le débat et renforcer la confiance de l'opinion dans les statistiques publiques. Les travaux se sont déroulés entre décembre 2007 et mars 2008, avec de nombreuses auditions sous la présidence de M. Pierre Alain Muet, dans un excellent climat de travail.

Le calendrier des travaux de la mission est important, dans le contexte du prochain examen par le Parlement du projet de loi de modernisation de l'économie, en cours de préparation. La proposition de loi à laquelle la mission a abouti vise à améliorer les dispositions du projet de loi qui devraient concerner la gouvernance statistique.

Le rapport aborde quatre thèmes : l'inflation et le pouvoir d'achat, les chiffres du chômage, la mesure d'indicateurs de développement durable en complément du PIB, et la crédibilité de la statistique publique et l'amélioration de sa gouvernance.

S'agissant de l'inflation et du pouvoir d'achat, M. Hervé Mariton, Rapporteur, a souligné que l'indice des prix à la consommation – IPC – est un instrument fiable qui n'est pas contesté scientifiquement, mais que c'est un instrument de politique économique qui n'a pas pour objet de traduire des situations individuelles. S'il est certainement possible de l'améliorer techniquement, c'est davantage la création d'indicateurs complémentaires qui permettra de fournir des informations pour le débat sur l'évolution du pouvoir d'achat. En effet, on constate un décalage entre la mesure du pouvoir d'achat par l'INSEE – Institut National de la Statistique et des Études Économiques – et sa perception par les ménages, notamment du fait de la variété des situations individuelles.

La mission a été prudente sur la question des « dépenses contraintes » car cette notion prête à confusion. La dépense contrainte peut être la dépense pour laquelle les capacités d'arbitrage des ménages sont limitées, car elle est préengagée, par des abonnements le plus souvent. Or, les abonnements ne concernent pas forcément des dépenses vitales. Le lobbying intensif de certaine enseigne de grande distribution pour la prise en compte des dépenses contraintes est éclairé par le fait que les revenus disponibles pour la consommation dans ce type d'enseignes diminuent.

La mission d'information fait quatre propositions sur le thème de l'inflation et du pouvoir d'achat :

– publier systématiquement l'indicateur du pouvoir d'achat par unité de consommation en complément du pouvoir d'achat des ménages ;

– publier l'évolution du pouvoir d'achat par décile de niveau de vie ; l'INSEE doit, en liaison avec ses homologues européens, développer une véritable politique de recherche en matière de statistique pour mieux cerner les nouvelles réalités sociologiques ;

– l'INSEE doit intensifier ses efforts de pédagogie et de communication.

La deuxième partie du rapport est consacrée aux chiffres du chômage, avec pour ambition de mieux les mesurer et de mieux les diffuser. On se souvient des polémiques de l'an dernier sur ces statistiques et de la décision de l'INSEE de faire cesser la publication mensuelle des chiffres du chômage au sens du Bureau international du travail – BIT – et de reporter le calage annuel des données administratives et des résultats de l'enquête emploi en raison de leur trop grande divergence. La mission considère que le bon outil statistique est l'enquête emploi. Dans la mesure où les données administratives de l'ANPE sont mensuelles, il est indispensable que l'enquête emploi de l'INSEE puisse aussi donner des chiffres mensuels, sans quoi le débat public continuera de porter sur les chiffres de l'ANPE.

Par ailleurs, la mission s'est penchée sur les travaux menés dans le cadre du Conseil national de l'information statistique – CNIS. Il faut compléter les statistiques en analysant les questions de « halo du chômage » et de sous-emploi. Il est regrettable que le débat porte plus souvent sur le taux de chômage que sur les données relatives à l'emploi. De même, s'agissant du pouvoir d'achat, il est surprenant de constater qu'en France, on discute de l'évolution des prix quand, dans les autres pays européens, le débat porte sur l'évolution des salaires.

La mission avance quatre propositions sur le chômage :

– faire de l'enquête emploi l'instrument de mesure de l'évolution conjoncturelle du chômage, en augmentant l'échantillon et en améliorant les méthodes de pondération. Il faut faire apparaître clairement qu'enquête emploi et sources administratives ne mesurent pas les mêmes phénomènes et engager l'indispensable réflexion au niveau européen sur les moyens d'améliorer les instruments du suivi conjoncturel du chômage ;

– publier mensuellement des indicateurs complémentaires du chômage au sens du Bureau international du travail – BIT : le halo du chômage et le sous-emploi ; améliorer la qualité et la diffusion des statistiques de l'emploi et envisager la publication d'un dossier commun annuel regroupant divers documents et indicateurs sur le chômage, l'emploi ainsi que les marges entre chômage, emploi et inactivité ;

– renforcer la statistique locale ; il faudra remettre au Parlement un rapport sur les voies d'amélioration des statistiques locales, améliorer la qualité des statistiques de l'emploi et du chômage dans les départements d'outre-mer et informer le Parlement sur l'intégration des personnes au chômage en outre-mer dans les statistiques nationales ;

– améliorer la publication des chiffres, en distinguant clairement les publications de l'INSEE qui fournissent l'évolution du taux de chômage, et celles de l'ANPE-DARES, qui permettent un suivi des politiques de l'emploi, et en annonçant en début d'année un calendrier de publication des statistiques de l'emploi et du chômage. Il faudra respecter les règles déontologiques en matière de communication des chiffres et informer le public de la communication anticipée des chiffres au Gouvernement, et, enfin, veiller à publier des documents clairs et pédagogiques.

Comme pour l'inflation et le pouvoir d'achat, l'ensemble de ces recommandations ne remet pas en cause la fiabilité des chiffres existants mais montre la nécessité de créer des indicateurs complémentaires.

La troisième partie du rapport traite de la prise en compte du développement durable dans la mesure de la croissance. Il y a un consensus politique et scientifique sur la nécessité d'aller au-delà de la mesure du seul PIB, bien que tout le monde reconnaisse la difficulté de mesurer le développement durable. Le PIB est un instrument de mesure précieux, qui permet les comparaisons internationales, et il n'est pas question de le remettre en cause. En revanche, il serait intéressant de le compléter par la mesure d'autres dimensions du développement, comme les dommages à l'environnement, le progrès social ou les inégalités.

La difficulté est à la fois scientifique, car ces notions sont difficiles à mesurer, et politique, car cette démarche peut traduire une prise de position idéologique. C'est pourquoi la mission invite à poursuivre les travaux sur le sujet, en encourageant l'INSEE à prendre les devants. Les propositions sont les suivantes :

– développer la recherche sur les indicateurs de développement durable ;

– consacrer le rôle clé de l'INSEE dans la coordination des différents travaux menés au plan national sur le développement durable ;

– participer aux travaux européens et internationaux sur les indicateurs de développement durable ;

– mieux informer le public sur les indicateurs de développement durable.

Enfin, la mission s'est penchée sur la gouvernance des instituts de statistiques. La qualité scientifique de l'INSEE et des autres producteurs de statistiques que sont les services statistiques ministériels comme la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques – DARES – ne sont pas contestés. Néanmoins, dans le contexte européen, le système français fait figure d'exception, car l'indépendance du travail statistique, bien qu'observée dans les faits, n'est pas inscrite dans le droit. C'est le constat énoncé par l'ancien directeur général de l'INSEE M. Jean-Michel Charpin, lors de son audition, ainsi que par les personnels de l'INSEE et le Gouvernement.

Dans le cadre du code de bonnes pratiques de la statistique européenne, la mission s'est interrogée sur le statut de l'INSEE. Le rapport de la commission pour la libération de la croissance française présidée par M. Jacques Attali propose la transformation de l'INSEE en agence autonome, solution que la mission a écartée. L'INSEE doit rester une direction générale, au sein du ministère de l'Économie. Pour garantir son indépendance, le Rapporteur de la mission et son président ont discuté de l'éventualité de l'inamovibilité du mandat du directeur général. Cette solution a finalement été écartée, car peu compatible avec le statut juridique de direction d'administration centrale.

Lorsque la mission a commencé ses travaux, le Gouvernement considérait que la gouvernance des instituts statistiques était un sujet réglementaire et non législatif. L'avant-projet de loi de modernisation de l'économie comporte pourtant un article qui propose la création d'une haute autorité de la statistique. La mission a préféré ne pas suivre cette solution qui consiste à créer une structure supplémentaire à côté du CNIS. Cela dit, le Gouvernement n'est pas hostile à ce que nous essayions de trouver une solution consensuelle.

Dans une proposition de loi que les membres de la mission déposeront, l'article 1er de la loi n° 51–711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, est modifié pour définir la statistique publique et affirmer l'indépendance de ses travaux ; le CNIS est transformé en Conseil supérieur de la statistique dont le président n'est plus le ministre de l'Économie mais une personne indépendante, nommée par décret du président de la République, sur proposition des membres du Conseil supérieur. Il est assisté, au sein du CNIS, d'un comité scientifique composé de neuf membres, qui veillent au respect du principe d'indépendance professionnelle dans la production et la diffusion de statistiques publiques par l'ensemble des personnes publiques.

Le Président Didier Migaud a demandé comment serait composé le Conseil supérieur de la statistique.

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