Le contrôle de l'application des lois n'est pas un exercice formel. La réforme de notre Règlement, consécutive à la révision constitutionnelle de 2008, en témoigne, puisque les rapports sur la mise en application des lois peuvent désormais donner lieu, en séance publique, à un débat sans vote ou à une séance de questions.
Indépendamment de l'organisation des travaux parlementaires, j'ai la faiblesse de penser que ces rapports sur l'application des lois ont au moins l'utilité de servir d'aiguillon pour le pouvoir exécutif, non seulement en aval, afin qu'il accélère la parution des textes réglementaires nécessaires, mais aussi en amont, pour qu'il conçoive des textes législatifs applicables dans les délais annoncés. L'expérience, depuis la carte Vitale jusqu'à l'interlocuteur social unique en passant par le dossier médical personnel, montre que tel n'est pas toujours le cas.
Je suis donc convaincu que l'exercice auquel nous nous livrons ce matin est très utile. J'en veux pour preuve que, l'an dernier, les rapporteurs avaient exprimé leur insatisfaction face au trop petit nombre de textes d'application parus six mois après la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 : moins de 20 % des textes requis avaient alors été publiés.
Nous ne pouvons plus accepter que des mesures, présentées à l'automne précédent comme urgentes et indispensables, et votées selon la procédure accélérée, n'ont même pas connu au début de l'été un semblant de début d'application. De même, nous ne voulons plus voir ces décrets qui paraissent comme par miracle alors qu'approche la date de la réunion de la commission consacrée à l'examen de l'application de la loi.
Cette année, au 22 juillet, le taux d'application a plus que doublé, pour s'élever à près de 47 %. J'ai la faiblesse de penser qu'il serait demeuré à 20 ou 25 % si nous n'avions pas montré en 2008 l'importance que nous attachons à voir les lois que nous adoptons correctement appliquées par l'exécutif – qui, au demeurant, dans le cas des lois de financement de la sécurité sociale, en a lui-même en grande partie l'initiative.
Même s'il est en amélioration, ce taux demeure encore faible. D'assez nombreux textes, dont les projets ont été communiqués aux rapporteurs, devraient néanmoins paraître prochainement au Journal officiel – deux sont d'ailleurs sortis ce matin même. En outre, certains articles n'appellent pas de mesures d'application urgentes, tandis que d'autres ont pu devenir sans objet. Cette année, du retard a été pris dans la procédure d'élaboration de décrets qui nécessitaient l'avis préalable du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAM), en raison de l'annulation par la juridiction administrative de la désignation des membres de cet organe.
Enfin, comme de coutume, nous savons que la tâche dévolue aux administrations est immense : c'est près d'une centaine de textes de nature diverse, depuis la circulaire jusqu'au décret en Conseil d'État, que réclame la mise en oeuvre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Je tiens d'ailleurs, Mesdames les ministres, M. le ministre, à saluer l'excellent esprit de coopération dans lequel nous avons pu mener le travail sur l'application de la loi de financement avec vos services et vos conseillers.
En vous renvoyant au rapport écrit pour des données plus détaillées selon les différentes catégories de textes, je me bornerai à constater que sur les 120 articles adoptés par le Parlement, 16 ont été censurés par le Conseil constitutionnel. Sur les 104 restants, 48 peuvent être considérés comme d'application directe, ce qui n'est pas surprenant pour un texte comportant un volume important d'articles comptables de constatation, de récapitulation ou de prévision. 56 articles appelaient donc un ou plusieurs textes d'application. À ce jour, 21 ont fait l'objet d'une application complète et 12 d'une application partielle. En revanche, pour 23 articles, aucune mesure d'application n'a encore été publiée.
Avant de laisser le soin à mes collègues rapporteurs de présenter leurs observations sur les branches maladie, vieillesse et famille, je conclurai en faisant un très bref bilan de l'application des dispositions de la loi de financement relatives aux recettes et au contrôle, pour lesquels 18 articles nécessitaient des textes d'application.
En matière de recettes, les principales dispositions de la loi exigeaient une application très rapide : c'est le cas du transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), de la suppression du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés (FFIPSA), de la mise en place du nouveau forfait social et du « chèque-transport » mais aussi de la majoration des droits sur les alcools. Toutefois, pour certains de ces articles, il n'a pas été possible de prendre toutes les mesures d'application ; tant pour la reprise de dette que pour la liquidation de l'établissement de gestion du FFIPSA, mais aussi pour la fixation du montant de l'excédent que le Fonds de financement de la couverture maladie universelle (CMU) reverse à la CNAM, il fallait attendre les comptes définitifs de 2008, qui n'ont été certifiés par la Cour des comptes qu'à la fin du mois dernier – le Premier président est d'ailleurs venu nous présenter cette certification la semaine dernière.
En matière de contrôle et de lutte contre la fraude, les textes d'application de plusieurs dispositions importantes devraient paraître de façon imminente. Il s'agit de ceux relatifs au nouveau régime de pénalités financières, à la possibilité pour la branche famille d'accéder à des données plus fiables relatives aux indemnités journalières et à l'extension aux branches maladie et famille du pouvoir de contrainte, jusqu'ici réservé aux seules URSSAF, afin de permettre la récupération des prestations indûment versées.
Enfin, je souhaiterais poser quelques questions aux ministres, en commençant peut-être par une interrogation d'ordre général sur l'élaboration des textes réglementaires.
Lorsque les premiers éléments nous ont été transmis en réponse à nos demandes d'information, la parution de certains décrets était annoncée comme imminente, car ils étaient déjà soumis au contreseing. Nous étions alors le 25 juin. Or, près d'un mois plus tard, la plupart de ces textes n'ont pas encore été publiés. Est-il donc possible d'identifier le ou les points de blocage dans le circuit d'élaboration des textes, à un stade où seules quelques signatures demeurent nécessaires ?
Par ailleurs, afin de s'assurer dès la discussion du projet de loi que son application sera rapide, ne faudrait-il pas systématiser une rédaction des textes réglementaires parallèle à celle des dispositions législatives, ce qui permettrait d'ailleurs de transmettre ces projets de textes pour information aux rapporteurs ?
Mes autres questions vont au-delà de la stricte conception de l'application des lois, c'est-à-dire d'un angle purement réglementaire.
La loi de financement comporte notamment des prévisions de recettes, élément essentiel n'appelant certes pas de mesures d'application, mais dont nous ne sommes certainement pas dispensés de suivre l'exécution. Or, les prévisions d'évolution de la masse salariale associées à la loi de financement pour 2009 tablaient sur une hausse de 2,75 %. Le temps ayant passé, on parlait récemment d'une baisse de 1,25 %. Mais j'ai rencontré il y a quelques jours les responsables d'une URSSAF qui, dans leur ressort, faisaient état d'une baisse de 2,5 % par rapport à la même période de 2008. Disposez-vous de données nationales permettant de confirmer cette aggravation de la prévision ?
L'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale nous intéresse ; mais celle des lois de finances aussi, surtout lorsqu'il s'agit des allégements généraux et des exonérations ciblées de cotisations sociales, dont ma visite de travail dans cette même URSSAF m'a permis de mieux mesurer l'effarante complexité, ne serait-ce que pour le seul contrôle de ces mécanismes – il suffit de rappeler qu'un tiers des redressements en matière d'exonérations se fait en faveur des entreprises. Or, l'article 189 de la loi de finances pour 2009 avait demandé au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport évaluant l'efficacité des allégements généraux et ciblés de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi. Ce rapport, je le sais, n'a pu être réalisé dans les temps. Pouvez-vous nous assurer, M. le ministre, que nous pourrons en disposer dans les prochaines semaines ou les prochains mois ? Nous avons besoin de cet éclairage.
Je voudrais évoquer également la reprise de la dette, mentionnée à l'article 10. Son montant final se monte, à 9 millions d'euros près, à l'autorisation de reprise du déficit par la CADES, qui était de 27 milliards d'euros. Compte tenu des incertitudes que génère la crise, dans quelles conditions cette reprise de dette et son placement par la CADES ont-ils été réalisés ?
L'article 13 institue le forfait social. C'est une cotisation sociale patronale de 2 % sur un certain nombre d'éléments de rémunération exclus de l'assiette de cotisations sociales. Quelles recettes peut-on en escompter ?
Quelles sont les mesures spécifiques envisagées pour répondre à la décision de la Cour des comptes, qui a refusé de certifier les comptes des branches famille et vieillesse ? Quels sont les efforts entrepris pour améliorer les contrôles internes et, comme l'a souligné la Cour, éviter les risques liés à d'éventuelles remises en cause de prestations ? Comment entendez-vous répondre aux réserves émises par la Cour à l'occasion des contrôles qu'elle a effectués ?
Enfin, la mise en oeuvre de l'interlocuteur social unique par les URSSAF et le Régime social des indépendants (RSI) a abouti à un dispositif chaotique – le mot est faible. Cette situation est due à une mauvaise appréciation des difficultés, pourtant signalées par les deux réseaux au moment de la décision de mise en place, ainsi qu'à des incompatibilités entre systèmes d'information. Les travailleurs indépendants sont parfois mis dans des situations difficiles voire angoissantes : des appels de cotisations abusifs de l'ordre de deux fois 15 000 euros en fin d'année nous ont été cités ! Les URSSAF ont dû mettre en place des dispositifs pour traiter manuellement les cas individuels concernés. Aujourd'hui, personne n'est encore capable de nous indiquer une date de sortie de cette crise. Je souhaiterai que les conclusions nécessaires puissent en être tirées. Peut-être, M. le Président, une mission d'information devra-t-elle être créée pour analyser les causes d'un tel échec dans la mise en place de l'interlocuteur social unique.