C'est toujours avec grand plaisir que je me retrouve au sein de cette commission. Bien entendu, je suis à votre disposition, pour le temps que vous souhaiterez, afin de répondre à vos questions et de discuter des amendements présentés.
Le projet de loi soumis à votre examen organise le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Il était prêt depuis longtemps, et, pour des raisons tenant à l'ordre du jour parlementaire, c'est le Sénat qui s'en est saisi en premier. Le texte y a été adopté au terme d'un débat particulièrement constructif, et je sais que vous abordez son examen dans le même état d'esprit. Je ne peux qu'approuver cette volonté de l'améliorer et de le rendre plus lisible.
Certes, ses dispositions ne constituent pas vraiment une nouveauté, puisque le processus a été lancé en 2002, au moment où la gendarmerie a été placée pour emploi sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Il s'agit aujourd'hui, en quelque sorte, de prendre acte du bon déroulement de cette réforme et d'en tirer toutes les conséquences, notamment d'un point de vue organique et financier.
Mais nous devons aussi tenir compte d'une autre évolution : les nouvelles menaces auxquelles notre pays est confronté – qu'il s'agisse du terrorisme, du crime organisé ou des violences dans les banlieues sensibles – impliquent de prendre tous les moyens possibles pour garantir la protection de nos concitoyens. À cet égard, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur contribue à moderniser l'architecture de la sécurité intérieure.
Il est vrai que le projet de loi aurait dû être adopté plus tôt, puisque, de facto, depuis le 1er janvier, un certain nombre de transferts ont déjà été effectués. Ainsi, l'exécution du budget de la gendarmerie s'effectue dans le cadre de la mission « Sécurité », dont je suis responsable. Il est par conséquent urgent de régler définitivement les derniers problèmes juridiques liés à son rattachement au ministère de l'intérieur.
Ce texte nous permet donc d'aller au bout de la logique d'un processus entamé en 2002, mais – et vous l'avez souligné à juste titre, monsieur le rapporteur – il s'accompagne aussi d'une réaffirmation forte de l'identité militaire de la gendarmerie. Et je crois que c'est ce qu'attendent les gendarmes eux-mêmes.
Chacun voit combien la plus grande cohérence permise par cette réforme nous permet de gagner en efficacité. Ainsi, sur le plan budgétaire, dans la loi de finances pour 2009, la mission « Sécurité » comprend deux programmes, l'un consacré à la police nationale, l'autre à la gendarmerie nationale.
Sur le plan fonctionnel, des mutualisations entre les deux forces ont pour but d'améliorer l'efficacité de leur action tout en diminuant certains coûts. Je n'oublie jamais, en effet, que je suis comptable de chacun des euros mis à notre disposition pour assurer la protection des Français.
Les gains financiers les plus évidents sont liés à la mutualisation des équipements et des marchés publics passés pour les acquérir. Ainsi, les commandes groupées de pistolets Sig Sauer ou de lanceurs de balles de défense permettent d'obtenir de meilleurs prix de la part du fabricant. La mutualisation est utile aussi pour les moyens lourds. Le fait que la gendarmerie mette ses hélicoptères à la disposition de la police, par exemple, évite la création d'une deuxième flotte d'hélicoptères et la maintenance correspondante. De même, certaines formations spécialisées pourraient aussi être mutualisées, comme celle des équipes cynophiles, des plongeurs ou des motocyclistes.
Sur le plan organique, des simplifications interviendront. La première est l'abandon de la procédure de réquisition, qui a fait l'objet de longs débats au Sénat, en commission comme en séance publique. Je rappelle que la réquisition a pour objet de permettre à l'autorité civile d'obtenir la mise en oeuvre de moyens dont elle ne dispose pas, notamment de forces armées pour le maintien de l'ordre. Une fois la gendarmerie placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, cette procédure formelle n'a plus de raison d'être. Tout formalisme ne disparaîtra pas pour autant. Ainsi, les dispositions du code pénal relatives à l'emploi de la force, notamment à l'usage des armes pour le maintien de l'ordre public, continuent de s'appliquer, tout comme la nécessité de l'autorisation du Premier ministre – ou, par délégation, du préfet de zone – pour l'utilisation des véhicules blindés.
Je prendrai en outre une instruction visant à assurer la traçabilité des ordres. Il s'agit là d'une protection juridique et d'une garantie de l'application de la loi et de la volonté de la représentation nationale.
Le projet de loi adopté par le Sénat articule clairement l'autorité du préfet et le commandement militaire. C'est précisément le sens de la démarche engagée voilà six ans et que nous voulons prolonger. Le préfet fixe les missions et, lorsqu'il demande à la gendarmerie d'assurer le maintien de l'ordre, c'est à la hiérarchie militaire qu'il revient de déterminer les moyens opérationnels nécessaires, d'organiser la mission, de l'exécuter et d'en rendre compte au préfet. De fait, si ces compétences font partie de la formation de la gendarmerie, elles ne figurent pas encore au programme de l'ENA, et les préfets n'ont pas vocation à s'immiscer dans le détail de l'organisation ou de l'exécution du service.
Il me semble donc que les inquiétudes sur ce point peuvent être apaisées. En tout état de cause, j'ai la conviction que la France a absolument besoin de deux forces de sécurité, l'une civile – la police – et l'autre à statut militaire – la gendarmerie. Le Président de la République a d'ailleurs répété à diverses reprises, et encore jeudi dernier, qu'il n'était pas question de toucher au statut militaire de la gendarmerie. Du reste, la loi est la meilleure garantie possible, car nul ne peut aller contre la volonté du Parlement.
La gendarmerie assure la couverture du territoire, en métropole comme outre-mer – où elle sera d'ailleurs prochainement appelée à exercer certaines missions de souveraineté à la suite du désengagement de certaines forces armées. Sa capacité de répondre à un large éventail de situations de paix, de crise ou de guerre est reconnue et a été mise en oeuvre en Géorgie, au Kosovo, en Côte-d'Ivoire et aujourd'hui en Afghanistan, où 150 gendarmes seront chargés de former une gendarmerie afghane.
Le projet de loi affirme donc très concrètement la pérennité du caractère militaire de la gendarmerie, définie comme « une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois ». Comme l'a en outre souligné le rapporteur, le texte précise que la gendarmerie « participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation », ce qui recouvre des réalités que connaissent bien les parlementaires.
Je ne reviendrai pas sur la répartition des attributions du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense et de l'autorité judiciaire, ni sur les sujétions imposées aux officiers et sous-officiers. Nous tirons toutes les conséquences de la réaffirmation du caractère militaire de la gendarmerie, notamment pour ce qui concerne le recrutement dans les grandes écoles militaires, dont j'avais réaffirmé la nécessité dès mon arrivée au ministère de la défense, alors qu'une tentative venait d'être faite pour y mettre fin.