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Intervention de Rama Yade

Réunion du 16 juin 2009 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Rama Yade, secrétaire d'état chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme :

Le référendum fixant l'échéancier électoral en cours était une farce. Comment imaginer, en plein cyclone, qu'un scrutin rassemble 93 % de taux de participation ? L'absurdité de l'opération invalide le processus électoral défini par la junte. Si des élections avaient tout de même lieu en 2010, la même indignation s'exprimerait. Au demeurant, nous ignorons encore si la LND participera à ces élections, sachant que ce parti ne dispose pas de terrain d'expression publique et se trouve marginalisé. Or notre réaction dépendra aussi de l'option que choisira la LND.

Avec les sanctions, nous sommes allés au bout de ce qu'il était possible de faire, mais, si les pays asiatiques prennent le contre-pied de notre action, celle-ci restera vaine. Une réflexion est en cours pour déterminer s'il convient d'aller plus loin. Les pays européens sont divisés entre ceux qui le voudraient et ceux, notamment en Europe du Nord, qui pensent que les sanctions économiques nuisent à la population et qui plaident pour un renforcement de l'aide humanitaire. En vérité, nous attendons de connaître le sort d'Aung San Suu Kyi, dont l'assignation à résidence devait prendre fin le 27 mai, quelques jours avant que le nageur américain qui s'était ainsi rendu à son domicile ne fournisse un prétexte à l'arrestation de cette dernière. En fonction du verdict qui sera prononcé – maintien en détention, prolongation de l'assignation à résidence ou libération –, nous analyserons les différentes réactions possibles, notamment sous forme de sanctions. Gel des transactions financières, renforcement de l'embargo sur les ventes d'armes, placement sous séquestre des revenus gaziers ? Nous verrons le moment venu quelles sont les options retenues.

La France a toujours demandé au groupe Total de respecter scrupuleusement les principes directeurs de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, édictés à l'intention des entreprises internationales. La compagnie s'est engagée dans un programme humanitaire significatif dans sa zone d'activité. Suite à la répression de septembre 2007 contre les bonzes, le Président de la République avait lancé un appel très clair aux entreprises françaises leur demandant de ne pas procéder à de nouveaux investissements en Birmanie, y compris dans le secteur des hydrocarbures. Total est l'un des partenaires du consortium qui exploite le champ gazier de Yadana, avec Chevron, une entreprise thaïlandaise et une entreprise birmane. D'autres zones sont prospectées ou exploitées par des entreprises étrangères, notamment sud-coréennes et chinoises. Si Total devait vendre ses parts et quitter la Birmanie, elle serait immédiatement remplacée par une autre entreprise, qui ne serait pas forcément animée par des préoccupations humanitaires et sociales, et les autorités birmanes continueraient de percevoir le produit des impôts. Mais la présence de Total pose un problème symbolique, d'où de multiples rencontres avec M. Christophe de Margerie. Si Total s'en va et qu'Aung San Suu Kyi reste en prison, on peut se demander si nous ne risquons pas de perdre sur les deux tableaux, celui de nos intérêts économiques et celui des droits de l'homme. En outre, cela ne serait-il pas susceptible de créer un précédent et d'inciter les ONG à demander aux entreprises françaises et européennes de quitter les autres pays où les droits de l'homme ne sont pas respectés ? L'impact d'un retrait de Total sur la junte dépendrait de l'ampleur de l'opération, de la réaction des autres entreprises internationales implantées en Birmanie et de la position des pays asiatiques. Sur un tel sujet, la réponse ne saurait être oui ou non ; nous y réfléchissons.

Le cas de Zarganar fait partie de ceux que nous avons soumis à la junte birmane. Zarganar fait partie des 600 militants des droits de l'homme condamnés il y a quatre mois à des peines d'emprisonnement très longues, allant jusqu'à vingt voire trente ans de prison. Ces condamnations sont intervenues un an après la libération d'un millier de prisonniers, qui avait fait illusion.

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