Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 30 janvier 2008 à 18h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Bouvard :

s'est interrogé sur la période transitoire de cinq ans. Est-ce la bonne période ? Nul ne le sait. Comment les gens vont-ils réagir ? Le nombre des personnes bancarisées par le livret A est en régression très importante. De 700 000 au début de ce siècle, il est passé à 300 000 aujourd'hui. Combien seront-ils ultérieurement ? Quelle sera leur adaptation au droit au compte ? On ne le sait. C'est la raison pour laquelle on a suggéré qu'un observatoire y regarde de plus près et donne son avis au Gouvernement qui pourrait éventuellement, au vu des faits, décider de prolonger cette période d'un an ou deux.

La centralisation et l'affectation des sommes laissées aux banques ont fait l'objet d'une autre série de questions.

La centralisation ne devrait poser aucun problème. Ce qui est proposé constituerait la prorogation à l'identique de ce qui existe. Il y a en effet aujourd'hui à peu près 200 milliards d'épargne détaxée : 140 sur le livret A, 60 sur l'ancien Codevi devenu livret de développement durable, ce dernier étant centralisé à hauteur de 10 %. Si on les mettait ensemble et maintenait à l'identique le taux de centralisation, le système auquel on aboutirait serait entièrement centralisé à 70 % et décentralisé à 30 %. Que faire alors de ces 30 % ? La fiscalité doit en effet avoir une fonction d'intérêt général. Voilà pourquoi on a proposé de proroger la situation actuelle : cette partie décentralisée financerait les PME et les dépenses de développement durable. Tel serait donc toujours le cas, sauf si le Gouvernement en décidait autrement.

La fusion, à terme, du livret A et du Codevi permettrait, par ailleurs, une simplification tout à fait désirable et limiterait les fraudes, par cumul des plafonds, notamment.

La plupart des personnes interrogées sur l'hypothèse de la généralisation de la distribution ont répondu que, pendant les premières années, on aurait trop d'argent et qu'ensuite on risquait de ne pas en avoir assez. Que peut-on faire pour se prémunir contre ce qu'on appelle la cannibalisation ou le siphonage, expressions pittoresques mais coûteuses ?

Comme on ne sait pas exactement ce qui va se passer, on a pensé qu'il serait très utile de donner la possibilité au comité directeur du logement social, s'il y a trop d'argent collecté, de réduire le taux de centralisation, et de le relever s'il n'y en a pas assez. Suivant le niveau des taux sur le marché obligataire, suivant la disponibilité de telle ou telle autre ressource, le Gouvernement disposerait d'un moyen de régulation conjoncturelle, dont il manque aujourd'hui. On ne risque pas que le curseur se déplace progressivement de 70 %, à 60 %, etc. jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'argent pour le logement social. Cependant il serait utile, pour le logement social, de faire en sorte que ce curseur puisse se déplacer en fonction des besoins effectifs et de l'état des marchés de l'argent.

La fonction de prêteur principal de la Caisse des dépôts a déjà été évoquée. Celle-ci a en effet une fonction importante de sécurisation du dispositif, du fait de sa connaissance complète de ses clients. Elle joue un rôle de conseil qu'il convient de préserver et qu'on ne propose évidemment pas de remettre en cause. On le rehausse même un peu, en augmentant le standing de la MIILOS, un bon organisme d'inspection qui mérite d'être mieux exploité.

Les propositions formulées en ce domaine ne sauraient, en quelque manière que ce soit, réduire la sécurité du dispositif, donc exposer davantage les collectivités locales à la mise en jeu de cette garantie.

Le PLS est très utile : c'est la mise en adjudication d'une petite partie des ressources collectées par le livret A pour que les banques les distribuent à travers leur propre réseau. En fait, le dispositif de financement du logement social manque de soupapes de sécurité à ses deux extrémités. Une réunion a eu lieu hier entre le Président de la République et les organisations du logement social ; en effet, on ne fait pas assez pour les gens qui vivent dans des taudis. Du côté du PLAI et des plus déshérités, on a besoin de moyens adaptés, mais on en a besoin aussi du côté du PLS, pour que le système respire. Certaines personnes qui n'ont plus leur place dans les HLM parce que leur train de vie s'est amélioré doivent pouvoir se loger ailleurs et laisser leur place à d'autres. Voilà pourquoi le PLS a encore des services à rendre, même s'il est vrai qu'il pourrait être amélioré.

Il n'est pas question de remettre en cause l'intégrité de la Caisse des dépôts. Les propositions du rapport sont-elles libérales ou sociales ? Elles sont en tous cas basées sur la constatation des réalités et sur le fait que plus il y a d'acteurs sur un marché, plus on a de chances de collecter davantage et de mettre en concurrence les imaginations et les initiatives, ce dont tout le monde peut tirer bénéfice. En tout cas, rien, dans les propositions, ne saurait remettre en cause l'équité républicaine.

Cela étant, que faut-il faire des intérêts au-delà des plafonds ? En raison de l'extrême difficulté des mesures d'application qu'il faudra prendre, on a décidé qu'à ce stade, il valait mieux ne pas trop charger la barque et on ne s'est pas prononcé. Reste que la question se pose et qu'il y a quelque chose d'irritant à constater que 44 % des encours viennent de livrets qui sont au plafond. On est bien loin de l'épargne populaire !

Nul ne sait ce que deviendra la collecte, mais des propositions fortes ont été formulées pour éviter qu'il y ait une décollecte, notamment en maintenant la centralisation au même niveau qu'aujourd'hui. En laissant 30 % de la collecte aux banques, on fait en sorte que ces dernières y soient intéressées.

Cette répartition permettra d'éviter un comportement cannibalesque de la part des banques. Il suffit de regarder la télévision : allez chez X, allez chez Y., mais Z en donne davantage… La menace est permanente. Elle est aussi partout : dans les journaux, un petit écureuil avec ses noisettes propose des plans d'assurance-vie à 4,35 %. Il faut bien comprendre que toutes les banques auront cette tentation, car nous vivons dans une économie hyperfinanciarisée.

Il ne s'agit pas d'interdire ce comportement par des mesures administratives, mais de faire en sorte que la Caisse des dépôts puisse jouer sur plusieurs leviers afin qu'il y ait toujours le nécessaire pour financer le logement social.

Deux autres éléments permettraient de se prémunir contre la cannibalisation.

D'abord les banques ont dit elles-mêmes qu'elles ne seraient pas hostiles à la mise en place du dispositif suivant : collectant sur le livret A rénové elles garantiraient le maintien, pendant une période de trois à cinq ans, du niveau de collecte atteint pendant un exercice donné. Ces banques seraient obligées de conserver la ressource pendant trois ou cinq ans. Ce ne serait pas une éternité, mais c'est tout de même une assez longue période en matière d'économie monétaire. On pourrait sans doute obtenir ce genre de comportement des banques, au moment où on leur donnerait le droit de distribuer un instrument détaxé.

Par ailleurs, il se trouve que la directive « marchés d'instruments financiers » – la directive MIF – qui vient d'entrer en application, prévoit l'encadrement juridique du devoir de conseil des banques commerciales à leurs clients. Celles-ci n'ont pas le droit de leur dire n'importe quoi ; ainsi elles ne pourront pas ne pas leur indiquer que l'instrument à vue ou liquide, de loin le plus rémunéré, aujourd'hui comme demain, sera le livret A. Si elles violaient cette règle, elles pourraient être poursuivies. Une règle ne saurait suffire à prévenir les abus. Néanmoins, en ajoutant cela aux autres éléments qui viennent d'être exposés, on devrait pouvoir se protéger de la décollecte.

Il n'est pas prévu de modifier les règles de la centralisation des autres produits que le livret A. Il est simplement proposé de réduire le taux de rémunération du LEP, car il est tout à fait excessif.

On peut craindre que pendant très longtemps les cas sociaux les plus difficiles ne restent à La Poste ou dans les Caisses d'épargne, même si elles ont tendance, en devenant banques de droit commun, à laisser un peu s'effacer leurs préoccupations sociales. Il est proposé, dans le rapport, un cahier des charges d'accessibilité bancaire. Les banques devront ainsi montrer tous les deux ou trois ans à l'observatoire ce qu'elles font pour aller dans le sens de l'accessibilité bancaire.

Il est également proposé que si l'observatoire se rendait compte de l'existence d'un écart trop flagrant entre ce que font les unes et ce que font les autres, on institue entre elles un système de péréquation : celle qui en feraient le moins paieraient une certaine somme pour dédommager celles qui en feraient le plus. C'est le système du Play-or-pay, qui est appliqué dans bien des domaines. Si les banquiers ne veulent pas qu'il soit mis en oeuvre, ils devront se montrer zélés en respectant les dispositions législatives relatives au droit au compte.

Le Président Didier Migaud a remercié M. Michel Camdessus pour ses réponses très complètes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion