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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 9 décembre 2008 à 11h15
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Je me déroberai d'autant moins à votre question relative à la Cour européenne des droits de l'homme, monsieur Mignon, que j'ai reçu de la Cour un prix des droits de l'homme. Si la France, sauf erreur de ma part, a fourni un juge supplémentaire, je suis désolé que le budget qu'elle consacre au Conseil de l'Europe diminue. J'espère que nous pourrons corriger cette injustice l'an prochain.

Quant à la ratification du protocole 14, c'est une demande que nous formulons à la Russie depuis très longtemps. Et, malgré la démarche positive et le dialogue que nous maintenons, ce n'est pas notre seul point de conflit avec ce pays. Bien que le différend en matière de droits de l'homme soit très important, je remarque que, pour la première fois, la Russie avance l'argument des droits de l'homme (violations, bombardement nocturne de la localité de Tshinkvali, etc.) pour expliquer son attitude vis-à-vis de la Géorgie et son entrée en Ossétie du Sud. Je n'ai pas manqué de le rappeler à mes interlocuteurs – M. Medvedev, M. Poutine, et surtout M. Sergueï Lavrov, le ministre des affaires étrangères, qui évoque d'autant plus volontiers les droits de l'homme qu'il a répété la formule dans l'enceinte des Nations unies. Il y a là un terrain qui peut se révéler fécond pour les futures discussions de Genève entre la Russie et la Géorgie sous l'égide de M. Pierre Morel, envoyé spécial de l'Union européenne.

Il prendrait trop de temps de revenir sur le dossier du Rwanda, madame Taubira. Vous en avez d'ailleurs une aussi bonne connaissance que moi. L'arrestation en Allemagne de Mme Rose Kabuye, son transfert en France, puis le régime d'assignation à résidence qui lui a été accordé par le juge de la détention et des libertés, sont assurément des éléments importants et ont été reçus comme tels au Rwanda. Au terme de l'entrevue que David Miliband et moi-même avons eue avec le président Kagamé, il m'est apparu que l'on pourrait espérer un rétablissement de relations normales.

Vous avez raison au sujet de l'Union africaine. Celle-ci assure de nombreuses médiations et y délègue des personnes inspirées et talentueuses. Cela dit, quel succès rencontrent-elles ? La médiation au Zimbabwe est pour l'instant un échec mais aussi de l'UA et de l'organisation qui rassemble les pays d'Afrique australe, la SADC. Pourtant, l'ONU, l'Union européenne et l'Union africaine soutenaient l'accord du 15 septembre qui prévoyait que M. Morgan Tsvangiraï, qui a la majorité parlementaire, soit nommé Premier ministre. Les centaines, voire les milliers de Zimbabwéens touchés par le choléra ne font que renforcer l'urgence. Nous examinerons cet après-midi avec l'Organisation mondiale de la santé la possibilité d'organiser une intervention sanitaire internationale.

Autre exemple : que faire en Mauritanie ? Le coup d'État est certes inacceptable, mais il a eu lieu sans que soit versée une seule goutte de sang ! L'Union africaine, l'Union européenne, l'Organisation de la conférence islamique, la Ligue arabe et l'Organisation internationale de la Francophonie, ont envoyé des médiateurs la semaine dernière. Nous verrons s'ils arrivent à résoudre une situation très délicate et très ancienne. On ne peut s'indigner de l'attitude passée de la France en Afrique et accepter un coup d'État ; mais on ne peut pas non plus pérenniser la situation que connaît un pays qui compte beaucoup pour la sécurité de l'ensemble du Maghreb et du Sahara, surtout lorsque l'on connaît la détermination d'Al-Qaïda dans la région.

Il n'en reste pas moins que l'Union africaine est un atout et que la collaboration avec cette instance se révèle très positive. À Addis-Abeba, nous avons même décidé de créer une cellule d'urgence commune à l'Union européenne et à l'Union africaine.

S'agissant de la Russie, monsieur Vauzelle, en dépit des nombreuses critiques que nous avons essuyées, les vingt-sept nous ont finalement suivis et je gage que nos successeurs tchèques poursuivront dans cette direction. Selon nous, notre grand voisin mérite un autre traitement qu'une opposition systématique. Certes, son langage de guerre froide et la brutalité de ses démarches ne sont pas acceptables et nous le lui avons fait savoir. Mais, à la différence des États-Unis, nous considérons que nous devons lui parler. Cette différence sera visible au sein même de l'OTAN. Je me rappelle d'ailleurs que, malgré une conversation plutôt rude avec mon amie Condoleezza Rice, nous avons décidé de poursuivre le dialogue tout en créant des commissions OTAN-Géorgie et OTAN-Ukraine.

Une réunion Union européenne-Russie s'est tenue à Nice. Nous avons des rendez-vous à date précise. Je comprends les réticences que certains pays ont voulu manifester face aux méthodes employées par les Russes. En même temps, nous avons décidé à vingt-sept de continuer dans la voie qui a été tracée, comme nous avons décidé à vingt-sept de mener une enquête internationale sur le déroulement historique des événements en Géorgie – je vous renvoie d'ores et déjà à l'ouvrage Le Jeune Staline de Simon Sebag Montefiore, qui jette une lumière singulière sur ce qui se passe actuellement. Nous avons confié la responsabilité de cette enquête à une diplomate suisse. Pour le reste, nous ne sommes plus dans le temps de la guerre froide et nous ne pouvons plus accepter la phraséologie et les pratiques de cette époque.

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