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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 9 décembre 2008 à 11h15
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Le voyage de Mme Rama Yade auquel vous avez participé, monsieur Christ, confirme les sinistres découvertes que nous avons faites. Mais je dois à la vérité de vous dire que, si ma conviction personnelle est forte, la position de l'Europe n'est pas celle-là. Alors que l'exploitation illégale des ressources naturelles et l'impunité pour les assassins sont la règle dans la région, je n'ai pu obtenir hier du Conseil Affaires générales que l'ajout de cette phrase à sa résolution : « Le conseil a pris note de la lettre adressée par le secrétaire général des Nations unies au secrétaire généralhaut représentant et demande à ce dernier et à la Commission de préparer rapidement des éléments de réponses techniques, humanitaires et politiques en tenant compte des observations présentées. » Or les observations présentées ne vont pas dans le sens d'une intervention. Notez toutefois que je ne suis pas partisan d'une intervention systématique : à mon avis, le droit d'ingérence doit être préventif.

Je comprends que l'on puisse éprouver une certaine lassitude, mais c'est tout de même une fierté de l'Europe que de pouvoir réagir dans de telles situations ! Vous avez vu comme moi un spectacle de désolation. Encore ne sommes-nous allés qu'à Goma : on meurt en bien plus grand nombre dans les camps inaccessibles, en pleine forêt, ou lors de déplacements d'un village à un autre sous la menace de telle ou telle milice.

Monsieur Boucheron, je me suis longuement entretenu hier soir avec le nouveau ministre afghan de l'intérieur. C'est un homme déterminé qui a occupé de nombreuses fonctions, y compris dans la période soviétique, et qui n'est pas accusé de corruption. Il était intéressant, par exemple, de recueillir son avis sur les tribus ou sur les échecs rencontrés jusqu'ici dans le redressement de la police afghane alors que la formation de l'armée est une vraie réussite. Par ailleurs, il semblerait que l'élection du président de la République ait lieu en septembre – sous réserve de la décision définitive de la commission électorale.

Nous n'avons aucun contact officiel avec les futurs membres de l'administration de M. Barak Obama. Celui-ci a cependant affirmé au cours de sa campagne électorale qu'il allégerait les effectifs des troupes en Irak et les augmenterait en Afghanistan. On a parlé de 20 000 hommes. Ce dont on m'a assuré à Washington, c'est que ce ne seront pas nécessairement les mêmes troupes. Quant à l'Union européenne, dont vingt-cinq pays participent à la force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS) en Afghanistan, elle s'attend bien sûr à une demande mais elle n'a encore rien reçu de précis.

Nous réunirons à la fin de cette semaine les responsables des pays voisins de l'Afghanistan et nous rendrons compte de cette rencontre à de nombreux pays intéressés, notamment à certains participant à la FIAS. L'Inde et le Pakistan seront tous deux représentés. Dans le cadre général des questions de sécurité, je souhaite aborder le sujet précis du trafic des armes et des narcotiques. Comment les pays voisins voient-ils l'évolution de la situation ? Les présidents Zardari et Karzaï ont-ils noué des relations ces derniers jours ? Il sera également intéressant d'écouter les ministres indien et pakistanais après l'effroyable attaque de Bombay. Les Pakistanais ont arrêté hier Zaki ur Rehman Lakhvi, soupçonné d'être un dirigeant de l'organisation Lashkar-e-Taïba et d'avoir piloté cette attaque. Cela semble prouver que la détermination du président Zardari est entière, ce qui est un fait nouveau dans la région. Le remplacement du chef d'état-major des armées et la réforme de l'ISI (Inter-services intelligence) constituent également des signaux importants.

Pour ce qui est des troupes présentes en Afghanistan, le sujet sera évoqué au niveau européen. Mais beaucoup d'autres pays sont concernés : le Canada, l'Australie, … Je le répète, il n'y a pas de solution militaire possible en Afghanistan, il n'y a qu'une solution de sécurisation pour permettre de passer le pouvoir au plus vite à l'administration afghane, à l'image de ce que les responsables français ont réussi à faire dès le mois d'août pour la sécurité à Kaboul.

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