Je voudrais répondre à Mme Fort, qui a posé une question saisissante et de façon abrupte : sommes-nous libres ? Gilles Morin l'a dit, nous sommes en effet libres dans nos recherches. Dans l'accès aux archives, un peu moins. Dans la diffusion des connaissances, oui. En revanche, s'agissant de la communication, des médias, de l'insertion ou de l'accès dans le débat public, ce n'est plus le cas. Certes, nous sommes totalement libres d'aller où nous voulons et de dire ce que nous voulons, mais nous sommes aussi libres d'en payer le prix. L'exemple d'Olivier Pétré-Grenouilleau est extrême, mais je peux en citer beaucoup d'autres. Ce n'est pas qu'un privilège français, même dans les pays démocratiques.
Le risque n'est pas de sombrer dans une sorte d'obscurantisme, mais que la parole savante se réfugie dans sa tour d'ivoire. Si vous travaillez sur l'histoire de la Résistance et que vous n'êtes pas « politiquement correct », que vous avez à faire à une figure de la Résistance qui n'a pas fait tout ce qu'on a dit qu'elle a fait, si vous intervenez dans le débat public, vous pouvez « en prendre plein la figure », sans que votre statut soit respecté pour autant. Pourquoi donc aller prendre des coups ?
Pour être franc, il existe une inégalité de situation entre ceux qui ont accès aux médias, la capacité d'intervenir et d'affronter ce genre de situations, et les autres. En toute immodestie, je fais partie des premiers parce que cela fait longtemps que j'exerce ce métier. Mais je sais très bien que pour des gens plus jeunes, qui sont en situation de carrière montante et qui doivent faire attention à ce qu'ils disent et ce qu'ils font, le problème se pose. Nous sommes donc un tout petit peu moins libres qu'auparavant. Et je terminerai en disant que je ne pense pas que les lois mémorielles aient accru notre marge de manoeuvre et notre liberté.