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Intervention de Hervé Lemoine

Réunion du 8 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Hervé Lemoine :

On a cité de nombreux historiens comme Michelet ou Paul Ricoeur. Je citerai pour ma part Braudel, qui disait qu'il fallait décrire, voir et faire voir pour faire comprendre l'histoire. C'est un peu le fil que j'ai essayé de tenir dans ce projet qui repose sur le constat selon lequel le rapport entre les Français et leur histoire et assez brouillé et conflictuel. Autant le débat est nécessaire et salutaire en histoire, autant les polémiques ne le sont pas. L'idée a été de donner une audience plus « grand public » à certains débats qui peuvent parcourir la communauté des historiens, afin de mieux faire connaître leurs pratiques, leur déontologie et leurs sujets de recherche. Il s'agit de se tourner vers le plus grand public possible. C'est la clef de voûte des propositions qui sont faites dans ce rapport.

Nous avons également remarqué qu'il existait en France un réseau extrêmement dense de musées d'histoire – probablement près d'un millier – qui n'ont pas du tout la même visibilité et la même reconnaissance que les musées des beaux-arts. Il faut dire qu'il n'existe pas de grandes institutions susceptibles de porter la reconnaissance de ces collections et l'intérêt de ce type d'établissements. Il faudra peut-être prévoir de doter d'une tête de réseau ces très nombreux musées d'histoire qui jouent et qui peuvent jouer un véritable rôle de médiation entre la recherche, l'histoire et les citoyens français comme les très nombreux étrangers qui viennent visiter notre pays : avant qu'ils aillent visiter les châteaux de la Loire ou Versailles, personne ne leur présente, même de façon succincte, notre histoire de France.

Nous avons considéré qu'un musée d'histoire, quel que soit son objet, ne devait pas être séparé du domaine de la recherche et qu'il fallait absolument adosser à cet établissement une forme d'institut ou en tout cas prévoir de le mettre en prise directe avec la recherche. Le Parlement nous a ouvert une voie très intéressante, avec la loi d'orientation sur la recherche de 2006, qui autorise la création de campus de recherche ou de réseaux thématiques de recherche, associant des établissements de différente nature. Grâce à ce type de dispositions, on pourra peut-être créer, c'est en tout cas une proposition que je formule, un réseau thématique de recherches sur l'histoire de France de longue durée – notion empruntée à Braudel – autour d'un thème qui soit en cohérence avec la localisation, à savoir les Invalides, et avec les collections qui sont déjà présentes aux Invalides : l'histoire de l'État Nation. C'est un choix assumé, à partir de ce que sont les Invalides, de ce que sont les collections des quatre musées qui s'y trouvent. Il ne s'agit pas d'une création ex nihilo. Il s'agira de réunir dans une stratégie d'ensemble quatre établissements patrimoniaux importants, assez peu connus du grand public, mais qui possèdent pourtant des collections intéressantes autour de l'État Nation.

Cela nous permettrait d'aborder la question du roman national : comment celui-ci a-t-il été construit ? Comment ont été érigées certaines mythologies ou certaines figures nationales emblématiques de ce qu'était ou de ce que voulait être cet État Nation ? Ce serait une façon de montrer comment l'historien doit travailler pour analyser, réévaluer la place de ces grandes figures « mythologiques » de notre histoire nationale.

Au-delà, l'idée est de montrer que la recherche dans les sciences humaines et en particulier en histoire, répond certes à une demande sociale, mais surtout à une utilité sociale. Grâce à des expositions qui seraient volontairement montées conjointement par des commissariats aux expositions composés d'historiens et de conservateurs, on prouverait cette utilité sociale en restituant au grand public des résultats de la recherche sur notre histoire.

En lisant le compte rendu des auditions précédentes, j'ai constaté qu'il y avait encore de nombreux débats sur ces deux ensembles conceptuels que sont la mémoire et l'histoire. Je suis d'accord avec Henry Rousso : pour les historiens, c'est un débat, sinon clos, du moins maîtrisé ; mais ce n'est pas le cas dans la société actuelle. Paul Ricoeur disait qu'il était essentiel de rendre nos attentes plus déterminées et nos expériences plus indéterminées. Je suis d'accord : nous devons être conscients que si notre passé nous façonne, il ne nous enchaîne pas non plus.

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