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Intervention de Didier Mathus

Réunion du 5 novembre 2008 à 16h15
Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public et le projet de loi sur le service public de la télévision

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Mathus :

De nombreuses questions ont déjà été abordées par les commissaires membres du groupe socialiste ce matin. Je souhaite quant à moi évoquer trois thèmes.

Premier sujet, la question de l'indépendance. Les modalités de nomination par décret du Président de France Télévisions, et surtout les modalités de sa révocation dans les mêmes formes, sont inacceptables et dangereuses. Il faut donc les combattre avec beaucoup de détermination.

Depuis plusieurs semaines, Mme la ministre de la culture et de la communication effectue des déclarations qui sont autant d'interventions sur le contenu des programmes, à un niveau jamais atteint jusqu'ici. La ministre s'essaie à attribuer des notes à différents animateurs des chaînes publiques ou à porter des jugements sur les grilles de programmes, alors que son travail, c'est d'établir des cahiers des charges, des principes, des orientations, non de se prendre pour le directeur des programmes des chaînes. Tout cela ne peut que susciter des craintes.

Deuxième sujet, la question du financement. Nous avons aujourd'hui quasiment la conviction que les mesures proposées entraîneront des pertes de moyens pour la télévision publique, et ce même en créditant le Gouvernement de bonne foi s'agissant de ses intentions en matière de compensation.

Pour ce qui est de la période transitoire qui va de 2009 à 2011, 450 millions d'euros de compensation budgétaire sont prévus, auxquels s'ajoutent 350 millions d'euros de publicité en journée. Ces 350 millions d'euros, il sera difficile à France Télévisions de les trouver : en effet, TF1 et M6 ont considérablement augmenté leurs tarifs publicitaires après 20 heures et les ont considérablement diminués en journée. Dès lors, on peut se demander si France Télévisions pourra mobiliser ces 350 millions d'euros.

Troisième sujet, s'agissant des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire de la transposition de la directive communautaire, la deuxième coupure publicitaire dans les oeuvres n'était pas une obligation : chaque État a le choix de la solution qu'il retient et la faculté d'aller éventuellement vers le maximum proposé par la Commission européenne. Or ce sont justement les solutions maximales qui ont été retenues en l'espèce : deuxième coupure de publicité, durée de 9 minutes, heure d'horloge. Au total, l'ensemble de ce dispositif constitue une formidable pompe à aspirer les financements publicitaires, au profit du secteur privé et au détriment non seulement du secteur public mais aussi de la télévision numérique terrestre (TNT) et de la presse écrite. De fait, la presse s'inquiète. C'est un cadeau en or massif que l'on fait à TF1 et à M6, au détriment des autres acteurs du paysage médiatique, qu'il s'agisse de la télévision ou de la presse écrite.

Pour autant, il convient de saluer le travail d'auditions réalisé par le rapporteur en si peu de temps. Les tenants et les aboutissants du débat sont connus. Nous sommes convaincus que les dangers dont sont porteurs ces projets de loi sont très importants. Car les évolutions qui se dessinent sont nouvelles, comme l'ont confirmé les déclarations du Président de la République lors des États généraux de la presse écrite : le pluralisme, vieille lune, n'aurait plus cours. Désormais, ce sont les « Murdoch » français qu'il convient de favoriser, tel le groupe Bouygues. Pour consolider ces groupes, prétendument « en grandes difficultés », la présente réforme constitue une bouée de sauvetage inespérée. Bref, le jugement ne peut qu'être sévère sur ce projet de loi.

Rappelons que le Gouvernement et la Nation sont confrontés à des difficultés importantes en matière budgétaire, qui concernent l'ensemble des acteurs à financement public, comme le montre par exemple la crise des hôpitaux publics. En l'espèce, le choix est fait d'une procédure d'urgence afin de trouver 800 millions d'euros qui seront à la charge des usagers et des contribuables. Or personne – à part le groupe Bouygues – ne demandait la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ! On n'a pas vu de manifestants dans la rue pour demander cette suppression ! Mais on a inventé quelque chose de très compliqué, alors que les véritables besoins sont ailleurs : je rappelle que le déficit des hôpitaux publics s'élève à 750 millions d'euros. Il aurait été plus utile de consacrer les montants en jeu à ce financement.

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