C'est avec grand plaisir que je reviens devant la commission des Finances pour présenter le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques. Ce rapport clôt une véritable trilogie dont je vous ai présenté les deux premiers volets, l'acte de certification des comptes de l'État et le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire, il y a quelque trois semaines.
Le rapport d'aujourd'hui est consacré à la situation d'ensemble de nos finances publiques, c'est-à-dire à la fois celles de l'État, de la sécurité sociale et des collectivités locales et à leurs perspectives à court, moyen et long terme. Il permet de saisir les interactions et les relations financières, toujours plus importantes, entre les différentes administrations publiques. Il analyse l'année 2007, les premières tendances de l'année 2008 et trace les perspectives des années à venir. Ce travail vise à vous apporter la contribution de la Cour à la préparation du débat d'orientation budgétaire. Je vais vous le présenter dans ses grandes lignes. Nous serons bien entendu à votre disposition pour préciser les points qui vous intéresseront plus particulièrement.
L'an dernier, dans ce même rapport, nous avions constaté une petite amélioration de la situation des finances publiques avec une légère décrue du déficit et, en même temps, du ratio d'endettement. Nous avions néanmoins souligné la fragilité et la lenteur de ces progrès ainsi que le caractère en partie artificiel de la réduction du déficit et de la dette. Nous avions raison d'être mesurés et circonspects : en 2007, les tendances se sont en effet inversées et le déficit public est reparti à la hausse, passant de 2,4 % de la richesse nationale à 2,7 % et ce après trois années de baisse.
La tonalité de ce rapport n'est donc pas celle de l'an dernier. Il y a trois raisons principales à cela.
D'abord, à un tel niveau de déficit, la dette publique ne manque évidemment pas de s'alourdir. Nous dépassons pour la cinquième année consécutive le seuil de 60 % fixé comme limite maximale par le traité de Maastricht et nous nous en écartons davantage. Aujourd'hui, en France, tout actif occupé a sur ses épaules un endettement de 47 000 euros avec un coût annuel de 2 000 euros de charges financières. Et, malheureusement, rien n'indique que ce chiffre soit appelé à décroître de manière significative prochainement.
Le deuxième motif de préoccupation, c'est que cette dégradation des comptes, comme d'ailleurs la lente amélioration de nos comptes de 2004 à 2006, ne résulte pas d'une croissance économique insuffisante. Si, au cours de cette période, la croissance française n'a certes pas été extraordinaire, elle est restée dans une honnête moyenne en Europe et proche de la « croissance potentielle » c'est-à-dire de la croissance française de long terme, un peu au-dessus de 2 % par an en volume. Il est donc inquiétant que, dans cette période de relative bonne tenue de la croissance dans notre pays et en Europe, nous ne soyons pas parvenus à amorcer un véritable rééquilibrage de nos finances publiques. En d'autres termes, notre déficit prend des allures structurelles et un affaiblissement de la conjoncture pourrait le refaire passer au delà de la limite des 3 %.
La troisième source de préoccupation vient de notre situation au regard de la plupart des pays voisins, en particulier, ceux de la zone euro, qui ont, à la différence de la France, profité de la croissance de ces dernières années pour accélérer l'assainissement de leurs finances publiques. En 2007, la moyenne de la zone euro hors France est ainsi à l'équilibre budgétaire. L'Allemagne, notamment, est revenue à l'équilibre. Seule la Grèce, au sein de la zone euro, et la Grande-Bretagne, font moins bien que nous.
La position de la France est donc assez singulière en Europe, à contre-courant de l'orientation générale. La situation semble plus sérieuse encore si on affine l'approche chiffrée. Pour ne prendre que l'exemple de la dette publique, officiellement de 63,9 % du PIB, celle-ci serait, en réalité, plus proche de 65 %, si l'on prenait en compte certaines des dettes portées par des entreprises publiques qui ont, selon nous, toutes les caractéristiques de la dette publique. Ainsi en est-il d'une partie de la dette de Réseau ferré de France, comme la Cour l'a montré dans un récent rapport public particulier.
Quelles sont donc les causes de la situation si dégradée de nos finances publiques ?
La première cause, et sans doute la principale, tient au dynamisme de la dépense publique dans notre pays. Ce n'est pas un fait nouveau, mais la croissance en volume des dépenses publiques en 2007 a été supérieure à la moyenne constatée ces dix dernières années, avec 2,5 % contre 2,2 %. Là encore nous nous démarquons : chez tous nos voisins, le poids des dépenses publiques a été réduit depuis vingt ans, grâce à des exercices systématiques de révision des programmes publics. Chez nous, jusqu'ici, il n'en a rien été, et la France est ainsi en passe de devenir le pays d'Europe où le poids des dépenses publiques est le plus lourd, avec plus de 52 % du PIB. Nous avons dépassé la plupart des pays d'Europe du Nord les plus socialisés. Nous sommes au-dessus de tous, sauf de la Suède ; et encore, celle-ci, qui a été pendant trente ans au premier rang en Europe pour ce ratio, a engagé un effort considérable pour réduire le poids de sa dépense publique et devrait passer derrière la France l'an prochain.
Notre principal partenaire en Europe, l'Allemagne, a quant à elle réduit le poids de ses dépenses de 48,5 % du PIB en 2003 à 44,0 % du PIB en 2007, soit une réduction de l'ordre de 1 point de PIB par an pendant cinq ans. Cet effort considérable explique, avec les hausses de fiscalité indirecte récemment décidées, le retour rapide à l'équilibre des comptes. En termes de poids des dépenses publiques, nous dépassons désormais l'Allemagne de plus de 8 points de PIB, ce qui représente un supplément de dépenses par rapport à notre voisin de 160 milliards d'euros, toutes choses égales par ailleurs, soit l'équivalent de la totalité de nos dépenses d'assurance maladie !
La seconde cause tient à la politique budgétaire menée en haut de cycle. Force est de constater que dans notre pays, quand la croissance est forte, la politique budgétaire est généralement « procyclique », c'est-à-dire qu'on en profite pour accroître les dépenses ou réduire les impôts au lieu de profiter du surcroît de recettes dû à la croissance pour rétablir l'équilibre.
Voilà les grandes tendances. Pour affiner le diagnostic, il faut analyser ces données globales par grandes catégories d'administrations publiques.
Quels sont maintenant les faits saillants ?
Tout d'abord, le fort dynamisme des dépenses des collectivités locales, qui s'est traduit en 2007 par un besoin de financement des collectivités locales de 0,4 % du PIB, traduisant une augmentation qui n'avait pas été anticipée. Les investissements des collectivités territoriales se sont à nouveau accrus en 2007 dans un contexte marqué par des transferts importants d'équipements de l'État.
Compte tenu de la stagnation de l'autofinancement, la hausse de l'endettement, observée depuis 2004, s'est poursuivie en 2007. Elle est restée cependant parallèle à celle du PIB. Ainsi, les taux d'endettement des collectivités locales demeurent modérés, avec des capacités moyennes de désendettement variant de deux à quatre ans pour les régions et départements, de six à sept ans pour les communes et leurs groupements.
En revanche, les sections de fonctionnement des collectivités territoriales, bien que toujours équilibrées, supportent plus difficilement les charges supplémentaires d'intérêts qui ont augmenté de 9,2 % en 2007 avec la remontée des taux.
La situation est d'autant plus tendue que l'ensemble des dépenses croît rapidement. En 2007, les dépenses des collectivités locales ont progressé de 6,5 % et les dépenses de personnel de 9,5 %. Cette croissance est en partie imputable aux conséquences financières des transferts de compétences. La Cour estime néanmoins que les dépenses hors transferts ont progressé de 5,3 % soit plus que le PIB en valeur – 4,7 % –, tout en reconnaissant qu'une partie des dépenses transférées, de par leur nature, était appelée à croître rapidement.
La croissance des recettes ne suit pas cette progression des dépenses.
Le produit des impôts directs (62,5 milliards d'euros) a ralenti, avec une augmentation de 3,2 % en 2007 contre 6 % en 2006. Les bases de la fiscalité locale, correspondant à des « stocks » de biens immobiliers, d'équipements et de mobiliers professionnels peu volatiles, restent dynamiques mais elles ont été rétrécies par les réformes de la taxe professionnelle. De plus, on a constaté en 2007 une modération des taux d'imposition qui ont quasiment stagné pour les communes et leurs groupements, après plusieurs années de hausse.
L'accroissement de la fiscalité a surtout tenu aux impôts indirects – +13,6% en 2007, après +8,4 % en 2006 – du fait des transferts de fiscalité – je pense notamment aux fractions de taxe intérieure sur les produits pétroliers et de taxe spéciale sur les conventions d'assurance. La croissance des droits de mutation, qui bénéficie surtout aux départements, est également demeurée forte, avec la hausse des prix de l'immobilier ancien. Jusqu'en 2007, elle a apporté aux collectivités territoriales 1 milliard de recettes supplémentaires.
Enfin, les dotations et subventions de l'État, qui représentent 56,8 milliards d'euros, ont encore progressé, mais de 2,9 % au lieu de 4,8 % en 2006. En incluant la compensation des dégrèvements et admissions en non valeur des impôts locaux, pour 13,5 milliards d'euros et la fiscalité transférée, pour 19,6 milliards d'euros, les concours financiers de l'État atteignent 90 milliards d'euros en 2007, soit une augmentation de 6,5 % par rapport à 2006.
Il faut rappeler qu'en 2007, les recettes de fonctionnement des collectivités étaient de 153 milliards d'euros et celles d'investissement de 18,7 milliards d'euros, ce qui montre le poids relatif très important des transferts de l'État.
En définitive, la situation des collectivités locales se tend progressivement mais je veux souligner que ce n'est pas là le principal problème de nos finances publiques. L'endettement des collectivités territoriales reste en effet, je l'ai dit, limité et il ne représente que 11 % de la dette publique, contre 80 % pour l'État. Difficile d'attribuer aux collectivités territoriales une responsabilité directe dans l'évolution de la situation de nos comptes.
Le deuxième trait saillant est le contraste, au sein des administrations de sécurité sociale, entre UNEDIC et régimes de base de sécurité sociale. Il est vrai que le régime d'indemnisation du chômage, l'UNEDIC, rétablit année après année sa situation financière, grâce à la baisse de la demande d'emploi. Avec plus de 3,5 milliards d'euros d'excédents en 2007, il commence à se désendetter, mais son stock de dette était encore de 9,5 milliards d'euros à la fin de 2007. A l'inverse, les régimes de base de sécurité sociale sont encore en lourd déficit pour plus de 10 milliards d'euros.
Nous vous préciserons ces chiffres à l'occasion de la certification des comptes de la sécurité sociale la semaine prochaine. Mais on peut d'ores et déjà souligner que le régime général est en déficit d'une dizaine de milliards d'euros par an depuis 2003. Jamais il n'aura connu dans son histoire une période aussi longue de déficit si élevé. Le résultat est l'accumulation d'une dette « sociale » de 130 milliards d'euros à la fin de 2007, qui se creuse de 10 milliards d'euros par an environ, alors qu'elle n'existait pas en 1997. Les déficits se sont reproduits malgré quelques décisions de relèvement des prélèvements sociaux. Le fait marquant lors de la période récente reste néanmoins le phénomène de « mitage » des recettes de la sécurité sociale avec la multiplication des niches sociales.
Du côté des dépenses, on observe une progression encore soutenue des dépenses d'assurance maladie, avec une accélération de 2006 à 2007 – 4,2 % contre 3,1 % –, même si, sur ces deux années, leur progression reste en deçà de celle du PIB en valeur. Les dépenses de retraite, quant à elles, restent très dynamiques, notamment du fait des départs anticipés des personnes ayant eu des carrières longues, dont le coût en 2007 a représenté 2,1 milliards d'euros après 1,8 milliard en 2006. Au total, il est intéressant de noter que le déficit de la branche vieillesse est désormais supérieur à celui de la branche maladie.
Pour ce qui est de l'État, enfin, les dépenses semblent mieux maîtrisées, même si le respect de la norme qui les encadre en partie n'a été rendu possible en 2007 qu'avec un accroissement des charges à payer en fin d'exercice – qui étaient de 7,5 milliards d'euros – et par des opérations de débudgétisation dont je vous ai parlé lors de ma dernière intervention.
Ce qui frappe en revanche, je l'ai également souligné la dernière fois, c'est la quasi- stagnation des recettes fiscales nettes de l'État qui, en 2007, ont atteint 266 milliards d'euros, soit un chiffre quasi identique à celui de 2004 – 265 milliards. Si l'on regarde les dernières années, les recettes fiscales spontanées ont progressé en trois ans de 51 milliards sous l'effet de la croissance, mais cette manne a été principalement utilisée en transferts d'impôts et de taxes vers la sécurité sociale et les collectivités territoriales pour 28 milliards et en allégements d'impôts pour 22 milliards. L'année 2007, comme je vous l'ai expliqué lors de ma dernière intervention, n'a pas fait exception à la règle.
En outre, le solde de financement de l'ensemble constitué par l'État et par les divers organismes d'administration centrale qui lui sont liés s'est nettement dégradé en 2007, passant de - 41 milliards d'euros à - 46,8 milliards d'euros. Il explique 92 % du besoin de financement des administrations publiques en 2007. Les organismes divers d'administration centrales, ou ODAC, liés à l'État ont en effet enregistré en 2007 un besoin de financement global de 7,6 milliards d'euros. Ce déficit global est inhabituel pour ces organismes, qui dégageaient une capacité de financement de 6,4 milliards d'euros en 2006, et de 3 milliards d'euros en moyenne sur les cinq dernières années. Cette dégradation du solde s'explique essentiellement par l'évolution de la Caisse de la dette publique qui est passée d'un excédent de 4,9 milliards en 2006 à un déficit de 4,9 milliards en 2007, du fait des opérations réalisées pour l'État, dont le remboursement de la dette au régime général de la sécurité sociale dont je vous ai parlé la semaine dernière. Ce remboursement n'a laissé aucune trace dans le budget de l'État ; en revanche il apparaît clairement dans les comptes de la Caisse de la dette publique. La dette globale de l'État et des ODAC liés est passée, en comptabilité nationale, de 908 milliards à la fin de 2006 à 953 milliards à la fin de 2007, soit de 50,2 à 50,6 % du PIB.
Voilà les principaux constats concernant 2007. J'en viens aux perspectives pour 2008 et 2009.
Les prévisions publiées en avril 2008 par le ministère de l'Économie tablent sur une réduction du déficit en 2008 de 2,7 à 2,5 % du PIB. Cette baisse proviendrait pour moitié des collectivités locales sous l'effet d'un ralentissement de leurs dépenses mais il s'agit d'une hypothèse incertaine, pour ne pas dire davantage, vu leur évolution de ces dernières années.
La prévision de réduction du déficit suppose également que les recettes fiscales soient conformes aux évaluations de la loi de finances initiale en dépit de la révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB. Or, si la reprise de l'inflation peut laisser espérer de meilleures recettes de TVA, de lourdes incertitudes pèsent sur le produit de l'impôt sur les sociétés, notamment parce que le quart des recettes de l'impôt sur les sociétés vient du secteur bancaire.
Enfin, la hausse des taux d'intérêt observée depuis 2007 et la reprise de l'inflation risquent d'entraîner, par le jeu des mécanismes d'indexation, une pression sur les dépenses dès 2008 et surtout en 2009.
Ces observations mettent clairement en évidence les orientations à prendre si l'on veut atteindre l'équilibre de nos finances publiques dans les délais impartis par le programme de stabilité.
Ce programme, sur lequel la France s'est engagée, est fondé sur l'hypothèse d'une progression en volume de la dépense publique de 1,1 % par an, soit une division par deux du rythme observé ces dernières années, qui était, je l'ai dit, de 2,2 % et même de 2,5 % en 2007. Les dépenses de l'État seraient stabilisées en volume, celles de la sécurité sociale progresseraient de 2 % environ par an, soit un peu en deçà de leur tendance de longue période. L'effort le plus important serait demandé aux collectivités locales, pour lesquelles le rythme de progression des dépenses serait ramené de 4,2 % en volume par an à 1,4 %, soit un freinage très marqué. C'est évidemment une hypothèse centrale de cette stratégie.
La seconde hypothèse forte porte sur le rythme de la croissance. Le Gouvernement fait en effet l'hypothèse d'une accélération de la croissance française, dopée en quelque sorte par les réformes de structure qui seraient mises en oeuvre sur la période. Ce faisant, il retient une croissance sur la période de 2,5 % à 3 % qui permettrait, par les suppléments de recettes qu'elle procurerait, d'atteindre l'équilibre en 2012 – dès lors que le freinage, dont j'ai parlé tout à l'heure, aurait été opéré. Il faut savoir que, si la France n'atteignait pas ces taux et restait sur sa tendance de 2 %, le déficit serait encore de 1,2 % en 2012, cela même en supposant intégralement réalisé le freinage des dépenses. D'où l'importance de la croissance et des réformes structurelles engagées et à venir.
Ces réformes sont d'autant plus nécessaires que notre pays, comme les autres, aura à affronter des enjeux de long terme en matière de dépenses publiques, liées essentiellement au vieillissement de la population, avec toutes ses conséquences. Sans parler des enjeux liés à l'environnement et au réchauffement climatique, qui auront des conséquences sur les finances publiques à cet horizon dans une mesure encore difficile à préciser mais certainement importante. Tous ces enjeux représentent plusieurs points de PIB de dépenses publiques supplémentaires, qu'il faudra absorber.
Quelles sont donc, selon la Cour, les conditions d'un rééquilibrage de nos comptes publics ?
Tout d'abord, il faudrait renforcer les instruments de pilotage global. L'ampleur des transferts de l'État vers les collectivités locales – 90 milliards d'euros – et vers la sécurité sociale – 45 milliards d'euros – montre assez qu'une stratégie de rééquilibrage ne peut être que globale. À quoi servirait-il que l'État renforce les contraintes sur ses dépenses, par exemple en ne remplaçant pas un fonctionnaire partant en retraite sur deux, si, dans le même temps, les opérateurs de l'État et les collectivités locales recrutaient fortement ?
La mise en place du Comité des finances publiques – COFIPU – constitue donc une initiative heureuse, mais il est souhaitable que cette instance soit régulièrement réunie, en particulier au moment où s'élabore la stratégie financière pluriannuelle du pays, afin de permettre de dégager des consensus sur ces sujets.
Nous accordons aussi un grand crédit à la mise en place annoncée par le Gouvernement d'une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques qui viserait à la fois à soumettre au Parlement une stratégie financière pluriannuelle concernant toutes les administrations publiques, pour trois ans, et à fixer, pour ce qui est du budget de l'État, des plafonds de dépenses par grande politique publique, c'est-à-dire pour reprendre la terminologie de la LOLF, par mission et programme. Nos recommandations sur ce point ont été suivies et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Nous formulons dans ce rapport plusieurs recommandations concernant le pilotage des finances publiques. Je ne rentrerai pas dans le détail, mais il nous apparaît notamment nécessaire de renforcer le caractère pluriannuel du pilotage financier dans les administrations sociales et locales.
Pour les collectivités territoriales, il serait certainement opportun de retenir des objectifs tendanciels pour les effectifs et les dépenses de personnel.
Une règle d'équilibre des comptes, sur moyenne période, devrait également être adoptée pour la sécurité sociale et des progrès devraient être accomplis dans la régulation infra-annuelle des dépenses sociales, notamment par l'assurance maladie. Ainsi, les écarts par rapport aux objectifs devraient être décelés plus vite en cours d'année. La création du comité d'alerte répond à ce souci dans le domaine de l'assurance maladie et des progrès ont été faits dans le suivi conjoncturel des principaux indicateurs des finances sociales. Mais ils doivent être poursuivis. La Cour recommande aussi que les mesures qui seraient prises en cas de dépassement de l'objectif de dépense soient annoncées lors du débat sur la loi de financement. Cela donnerait à la correction des dérives un caractère plus automatique et crédibiliserait le dispositif. Une autre piste consisterait à abaisser le seuil à partir duquel le comité d'alerte est tenu de notifier un dépassement, seuil fixé depuis 2004 à 0,75 % du montant des dépenses d'assurance maladie. Le seuil pourrait être abaissé de 0,75 à 0,5 %. Mais il faudrait que ce resserrement du dispositif aille de pair avec une capacité plus fine du comité à apprécier les dépassements, ce qui suppose notamment une amélioration des remontées d'information sur la situation infra-annuelle des établissements de santé, aujourd'hui très insuffisantes et tardives.
Voilà quelques pistes. Nous en détaillons de nombreuses autres dans le corps du rapport. Cela dit, le renforcement de nos instruments de pilotage, pour nécessaire qu'il soit, ne suffira pas à assurer le respect de nos objectifs financiers. C'est une démarche générale de révision des programmes publics qui doit être poursuivie, à l'image des pratiques observées dans tous les pays voisins.
C'est la logique de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, qui a pris le relais des audits de modernisation, avec une démarche qui, il est vrai, se veut plus ambitieuse. Mais les mesures annoncées, suite aux trois "vagues" qui sont déjà intervenues, dont la principale est le non remplacement d'un fonctionnaire partant en retraite sur deux, n'entraîneraient, selon le gouvernement lui-même qu'une économie évaluée à 7,7 milliards d'euros à l'horizon de 2012, dont 1,7 milliard serait d'ailleurs réutilisé pour améliorer la situation des fonctionnaires. Au total, l'économie nette attendue en 2012, après ces trois vagues, ne sera donc que de 6 milliards d'euros, alors même que pour respecter le programme de stabilité, il faudrait 46 milliards d'économies. Il faut aller beaucoup plus loin. Si la RGPP doit être poursuivie, il faut l'amplifier ou trouver d'autres méthodes pour ramener l'évolution de la dépense au rythme annoncé. Dans un cas comme dans l'autre, les cibles sont assez aisées à identifier. Dans son rapport, la Cour suggère ainsi plusieurs pistes d'investigations possibles.
Telles sont, monsieur le président, les quelques indications que je voulais donner à la Commission. Je suis à votre disposition, ainsi que le président Babusiaux, pour répondre aux questions.
Le Président Didier Migaud : Monsieur le Premier président, nous avons été très attentifs à vos propos, d'autant que vous vous exprimez de manière très claire, sans langue de bois.