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Intervention de Laurent Toulemon

Réunion du 26 mars 2009 à 9h15
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Laurent Toulemon, responsable de l'unité de recherche fécondité, famille, sexualité à l'INED :

Le fait que la politique familiale ait une histoire ancienne en France est certainement un élément important.

Vous demandez, monsieur le président, d'établir une hiérarchie des facteurs. Je vais m'y risquer. Il en est deux qui me semblent ressortir : le système éducatif et la conciliation vie familiale et vie professionnelle.

Le fait qu'il y ait, en France, un système éducatif gratuit, de bonne qualité, avec une école maternelle qui commence très tôt et des horaires longs au cours de la journée, conduit à considérer comme normal, bien que la scolarité ne soit obligatoire qu'à partir de six ans, que les enfants aillent à l'école au plus tard à trois ans. Une femme qui garderait ses enfants jusqu'à six ans serait un peu hors norme.

En ce qui concerne la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, on observe, en dehors de la discontinuité introduite par la généralisation de l'allocation parentale d'éducation (APE) aux mères de deux enfants, une tendance de long terme, dans tous les sous-groupes de population, à l'augmentation de l'activité féminine. Est-ce parce que le travail libère les femmes ou parce qu'il faut avoir deux salaires pour avoir un niveau de vie suffisant ? Je ne me prononcerai pas sur cette question. Tout n'est pas rose.

Les problèmes de conciliation ne sont pas tous réglés en France, mais les mères françaises n'éprouvent aucune culpabilité à mettre leurs enfants dans un système collectif. Dans les pays germaniques, une bonne mère est celle qui garde son enfant pendant longtemps. En Suède, la période d'allaitement est beaucoup plus longue qu'en France mais on considère que, au bout d'un an, la femme doit retourner au travail et l'enfant être mis dans un système plus ou moins collectif.

S'agissant de l'influence de la culture, il faut être très prudent. Quand la fécondité a brutalement baissé dans de nombreux pays à la fin du baby-boom, c'est-à-dire au milieu des années 1960, elle s'est maintenue dans les pays d'Europe du Sud. On a alors avancé comme raison que c'étaient des pays de tradition catholique. Dans les années 1970, la fécondité dans ces pays du Sud s'est effondrée et est tombée beaucoup plus bas que dans les autres pays. On parle maintenant de situation pathologique, personne ne comprenant pourquoi les gens arrêtent de faire des enfants.

La réponse semble être, en Espagne, l'obligation pour les couples de choisir entre avoir deux salaires et avoir des enfants. En Italie, beaucoup de couples considèrent avoir rempli leur « devoir familial » en ayant un enfant. Ils n'ont pas un discours négatif sur les enfants uniques, contrairement à la France et à l'Angleterre où ceux-ci sont à la fois plaints d'être tout seuls face à leurs deux parents et considérés comme égoïstes. Mais ce discours peut changer très vite. De même, il est tout à fait possible que l'image très négative qu'ont aujourd'hui les femmes allemandes qui continuent à travailler et mettent leur enfant dans un système de garde collective disparaisse complètement d'ici à quatre ou cinq ans grâce à la mise en place de politiques de congé parental : l'offre aura créé la demande et la demande aura créé la justification.

Les explications culturalistes supposent une certaine permanence des facteurs. Or les évolutions sont parfois très brutales. L'effondrement de la fécondité dans les pays d'Europe du Sud n'avait été prévu par personne.

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