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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 20 mai 2009 à 16h15
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Monsieur Myard, il n'est pas sûr que l'atome rende sage, et prendre ce pari c'est prendre un gros risque... A une époque où les détenteurs de l'arme nucléaire étaient censés être sages, nous avons déjà frôlé l'apocalypse. Au Moyen-Orient aujourd'hui, le pari serait particulièrement lourd. Le traité de non-prolifération ne va pas être modifié pour le moment. Tous les pays l'ont accepté, sauf Israël, le Pakistan, l'Inde et la Corée du Nord ; rouvrir la boîte de Pandore serait extrêmement dangereux. Garder ce traité n'empêche pas de le renforcer. L'Inde a ouvert un chemin, je ne sais si le Pakistan voudra la suivre mais ce n'est pas d'actualité, non plus que pour Israël.

Je crois qu'Israël est conscient des conséquences qu'entraîneraient des frappes sur l'Iran. Il faut tout faire pour les éviter, mais le risque existe, je l'ai toujours dit. Les Etats-Unis me semblent dans le même état d'esprit et je pense que le président Obama s'exprimera sur ce point au Caire. L'un des moyens d'action dont ils disposent réside dans l'évocation de contacts directs avec l'Iran. En ce qui concerne la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne réunis au sein des E3 de l'Union européenne, l'expérience n'a pas été très positive jusqu'à présent. En tout cas, il me paraît important de faire peser sur l'ensemble du Moyen-Orient, et pas seulement sur Israël, la « menace » – si j'ose dire – de la paix. A ce sujet, il y a eu entre l'administration Bush et l'administration Obama un réel changement de ton, bien ressenti en Iran.

Quant à la publication que vous avez évoquée, elle aurait aussi bien pu avoir lieu avant. Quoi qu'il en soit, tous les états-majors du monde font des études de scénarios. Madame Aurillac, le président du Pakistan a été reçu récemment en France ; étant en Afghanistan à ce moment-là, je l'avais pour ma part rencontré à New York. Nous venons également de recevoir le chef d'état-major des forces terrestres du Pakistan, le général Kayani. Je ne crois pas que de raisonner en termes de «  paquet AfPak » soit très utile. Certes le danger et les actions terroristes ne relèvent pas d'un seul de ces deux pays ; néanmoins leurs situations diffèrent – ne serait-ce que par la démographie car, ne l'oublions pas, le Pakistan compte 170 millions d'habitants – et on ne peut pas traiter de la même façon le terrorisme pratiqué en Afghanistan et celui qui vient de groupes installés au Pakistan. Comme j'ai pu le constater sur place, nos troupes font en Afghanistan un travail exceptionnel, exactement conforme à ce que nous avions prôné à la Conférence de Paris, à savoir l'option de la sécurisation et du développement d'une zone plutôt que l'option militaire seule. Les soldats pakistanais sont en ce moment dans la vallée de la Swat, ce qui provoque évidemment des mouvements de réfugiés. Tout cela est compliqué, mais il faut savoir gré aux Pakistanais de la détermination dont ils font preuve ; le discours du président Zardari doit être considéré comme amical et démocratique, et son pays non pas comme un obstacle, mais comme un ami, que nous devons aider à combattre le terrorisme sans frapper les populations – ce qui est beaucoup plus difficile à faire qu'à dire.

En ce qui concerne la Birmanie, Mme Aung San Suu Kyi, jusqu'à lors assignée à résidence, a été arrêtée le 13 mai au motif qu'elle a accepté d'héberger un Américain qui avait réussi à atteindre sa maison à la nage ! Ce prétexte pour le moins curieux a été saisi, bien sûr afin de l'empêcher de participer aux élections de 2010. Dans un premier temps, l'accès à son procès a été refusé aux ambassadeurs allemand, britannique et français. Finalement, il leur a été possible d'y assister. Nous avons fait tout ce que nous avons pu : pressions sur tous les pays de l'ASEAN, pressions sur la Chine. En ce qui concerne les sanctions économiques, il n'y a pas pour la France de commerce avec la Birmanie en dehors du groupe Total ; il peut être décidé au sommet de l'Etat d'avoir une attitude ferme à son sujet mais cela voudrait dire que l'on coupe le gaz à une grande partie de la population birmane ainsi qu'à la ville de Bangkok, ce gaz allant aussi en Thaïlande.

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