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Intervention de Martin Hirsch

Réunion du 3 novembre 2008 à 16h00
Commission élargie

Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvret :

Tout dépend de ce que le Parlement décidera. Il semble que les rapporteurs s'accordent sur un système dans lequel les présidents des conseils généraux ne pourraient le faire, mais qu'ils pourraient en revanche tirer les conséquences de la déficience d'un CCAS – ce qui me paraît une bonne solution, étant donné qu'on ne pourra pas satisfaire les deux parties à la fois.

Pour conclure sur la mise en place du RSA, et répondre à la préoccupation légitime de votre rapporteur spécial, nous tiendrons compte mensuellement de l'état d'avancement des chantiers de préparation.

M. Binétruy a posé une autre question extrêmement importante : comment tenir compte des menaces qui ne manqueront de peser sur certaines catégories de population en cas de ralentissement économique et d'augmentation du chômage ? Nous nous mobilisons sur ce sujet car, si cette éventualité nous semble probable, il nous apparaît possible d'en atténuer les effets, voire de les compenser, à condition que les enjeux soient bien définis dès à présent.

À cet égard, les tableaux qui vous ont été distribués apportent plusieurs informations essentielles.

Tout d'abord, le nombre de bénéficiaires de minima sociaux augmente fortement dans les périodes de ralentissement de l'activité économique. De plus, la part des dépenses contraintes dans le budget des ménages les plus modestes est aujourd'hui bien plus élevée qu'auparavant : en 2001, les dépenses dites « préengagées » représentaient la moitié du revenu des ménages modestes, contre les trois quarts aujourd'hui. Il faut également tenir compte de trois évolutions récentes : la croissance de la pauvreté des jeunes, l'augmentation du nombre de travailleurs pauvres et le surendettement qui, s'il s'est stabilisé ces dernières années, peut connaître un regain.

Par ailleurs, deux autres indicateurs conjoncturels impliquent d'être vigilants. Premièrement, alors que le nombre de bénéficiaires du RMI diminuait de 0,5 % par mois depuis six ou sept trimestres, la tendance s'est inversée en septembre, avec une augmentation de 1 %, soit 10 000 allocataires supplémentaires. Deuxièmement, les demandes de prêts sur gage auprès des crédits municipaux – indicateur rustique mais très parlant – ont considérablement augmenté ces derniers mois – de 40 % à Paris et de 20 % en moyenne dans les autres villes – ce qui est un signe d'inquiétude et de tension.

Dans ce contexte difficile, le RSA est plus que jamais nécessaire et utile, puisqu'il permet de soutenir les revenus les plus faibles et d'atténuer les difficultés supplémentaires. De même, nos objectifs de réduction de la pauvreté restent valables. Si l'on ne fait rien, la pauvreté risque en effet d'augmenter. Peut-être devrait-on d'ailleurs, monsieur le président Méhaignerie, mettre en avant, non seulement la lutte contre la pauvreté, mais celle contre l'appauvrissement, afin de soutenir et d'aider celles et ceux dont la situation risque d'être fragilisée ?

Tenir ces objectifs suppose de faire un bon diagnostic des éléments qui peuvent avoir des effets sur les minima sociaux et sur les travailleurs pauvres les plus vulnérables. À ce stade de notre analyse, nous estimons qu'en 2009 le principal impact proviendrait, non de l'inflation – qui, après une période d'accélération, est plutôt en décélération –, mais d'une baisse des revenus du travail et d'une augmentation du chômage.

Je rassure Mme Billard : nous n'essayons pas de transférer les dépenses vers d'autres acteurs en supprimant pour certaines catégories de bénéficiaires le RSA, qui demeure à la fois un revenu minimum pour celles et ceux qui n'ont pas d'activité et un complément de revenu pour celles et ceux qui ont une activité faible. Au contraire, un mécanisme de sauvegarde a été institué durant l'examen du texte par l'Assemblée nationale et le Sénat afin que le président du conseil général réunisse une équipe pluridisciplinaire et recueille des avis contradictoires avant de prendre une éventuelle décision de suspension du RSA. Les procédures ont donc été renforcées par rapport au RMI.

Les conséquences de la conjoncture économique sur le RSA peuvent être doubles.

En premier lieu, une augmentation de l'inactivité aurait le même impact que précédemment sur le RMI, sans avoir aucune conséquence sur le financement du RSA, car cela ne concernerait que le RSA « socle ». C'est pourquoi le Gouvernement a décidé, dans le cadre d'une autre mission, de reconduire à hauteur de 500 millions d'euros le fonds de mobilisation pour le RMI, qui aurait dû être supprimé à la fin de l'année et n'est pas compris dans le 1,5 milliard attribué au RSA ; cela permettra de soutenir les conseils généraux confrontés à une inversion de tendance.

En second lieu, le RSA ayant un rôle d'amortisseur des baisses de revenus des personnes en chômage partiel, le risque est qu'il y soit davantage recouru.

Tel qu'il a été prévu, le financement est bien calibré. C'est la dépense qui le guidera, et non la recette. Je vous rappelle qu'on n'a jamais gagé les économies attendues d'un taux de retour à l'emploi supérieur au revenu de solidarité active et que, comme le montrent les tableaux qui vous ont été communiqués, il est prévu que le Fonds de solidarité active devrait être excédentaire en 2009 par rapport aux dépenses programmées. Les futurs allocataires du RSA ne doivent donc pas s'inquiéter de la pérennité et de la solidité de ce dispositif.

Il n'en faut pas moins préparer les mesures complémentaires qui pourraient se révéler nécessaires. Il s'agit en effet de tenir le cap et de faire en sorte que la pauvreté n'augmente pas. Nous disposons pour ce faire de trois formes de soutien aux faibles revenus : les aides au logement, le revenu de solidarité active et la prime pour l'emploi. Le Gouvernement est prêt à étudier dès les prochains jours avec les différents groupes politiques les mesures qui, en fonction des craintes qui peuvent se faire jour pour les différentes tranches de revenus, pourraient être envisagées pour faire jouer à ces différents leviers leur rôle d'amortisseur.

À la différence des grandes crises d'avant-guerre, nous disposons aujourd'hui d'un système de protection sociale, lequel doit pouvoir jouer à plein, sans que, comme le soulignait le président Méhaignerie, certains n'aient à craindre d'être rattrapés par d'autres. De fait, l'indemnisation du chômage est prise en compte dans la base ressources comme un salaire : celui qui travaille à mi-temps percevra donc moins que celui qui travaille à plein-temps, et celui qui travaille à plein-temps et a des charges de famille percevra le complément de revenu de solidarité active, de telle sorte que les écarts seront maintenus. Nous devons à la fois éviter que la perte d'activité conduise à la pauvreté et maintenir la hiérarchie des revenus, de telle sorte que celui qui travaille plus ait des revenus plus élevés que celui qui travaille moins. Nous disposons désormais des outils nécessaires pour faire face à ces impératifs.

J'ajoute que je recevrai cette semaine les associations et les différents acteurs sociaux pour évoquer les indicateurs dont nous avons besoin de disposer régulièrement, sans attendre la publication des chiffres de l'INSEE, et qui seront établis grâce à un suivi mis en oeuvre à compter du mois de novembre. Nous devons, en effet, tenir les rênes courtes. L'objectif qui m'a été confié de ne pas laisser croître la pauvreté n'est pas subordonné à la conjoncture ou aux cours de la Bourse. Le cours que nous suivons est celui de la pauvreté et nous le faisons avec vigilance afin d'être en mesure, même si d'autres indicateurs sont mauvais, de continuer à assurer une protection aux plus faibles.

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