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Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du 3 novembre 2008 à 16h00
Commission élargie

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales :

En tant que rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le programme « Handicap et dépendance », je souhaiterais d'abord m'arrêter sur l'allocation adulte handicapé, l'AAH, et sur les établissements et les services d'aide par le travail, qui mobilisent plus de 95 % des crédits. Je parlerai ensuite d'un sujet qui intéresse nombre de nos collègues, puisqu'il s'agit des maisons départementales des personnes handicapées. Il est temps en effet de faire le point sur les difficultés que rencontre ce dispositif nouveau et ambitieux.

En ce qui concerne l'AAH, je me félicite que le Gouvernement se donne les moyens d'atteindre les 25 % de revalorisation annoncés par le Président de la République. Cet effort budgétaire s'inscrit dans une réforme globale de l'allocation. En effet la condition d'un an d'inactivité sera supprimée afin que cette aide ne décourage pas l'accès à l'emploi de la personne handicapée. La nouvelle AAH repose sur un dispositif d'intéressement, proche de la philosophie du RSA, tout en étant adaptée au handicap. Les MDPH, les maisons départementales des handicapés, qui font l'objet du rapport que je soumettrai aujourd'hui, devront d'ailleurs évaluer désormais l'employabilité des personnes.

Parce que toutes les personnes handicapées qui souhaitent et peuvent travailler doivent pouvoir le faire, j'approuve aussi la volonté du Gouvernement de poursuivre sa politique de développement des établissements et des services d'aide par le travail, notamment en créant 1 400 places supplémentaires en 2009. La mise en place d'enveloppes anticipées introduira une plus grande souplesse dans l'inscription des crédits, entravée jusqu'à présent par une instruction souvent très longue des dossiers.

En ce qui concerne les MDPH, il ressort des diverses auditions que j'ai conduites que les départements ont globalement joué le jeu de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005. Les MDPH ont incontestablement permis une amélioration de très nombreux aspects de la vie des personnes handicapées. Tous les représentants des associations et des personnes handicapées auditionnés se félicitent de l'existence de cette structure. Son caractère décentralisé a permis aux MDPH d'offrir une réponse adaptée aux questions posées par les personnes handicapées et leur famille.

Les MDPH ont été conçues comme un guichet départemental unique au service de la personne handicapée, réunissant les missions des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, des commissions départementales d'éducation spéciale, les CDES, et des sites pour la vie autonome. La mise en place des MDPH a représenté un investissement en temps et en moyens humains considérables. Au-delà des considérations matérielles et financières, il a fallu définir et assimiler des procédures nouvelles, mettre en relation des services et des collectivités qui ne travaillaient pas en commun, construire des partenariats avec des organismes et des associations locaux, en un mot procéder à une véritable révolution administrative. Ce changement a été mené à bien grâce à la forte implication personnelle de la plupart des présidents de conseil général.

Le grand intérêt de cette nouvelle structure est de replacer la personne handicapée au coeur de la prise en charge. Néanmoins, certains dysfonctionnements, liés à leur statut et à celui de leur personnel entravent l'efficacité des MDPH. En effet, la forme du groupement d'intérêt public, retenue un peu rapidement au moment du vote de la loi, n'apparaît plus adaptée. Aussi, trois options sont possibles : soit adapter les règles de fonctionnement des GIP ; soit intégrer le GIP dans les services du département ; soit transformer le GIP en établissement public départemental.

Une étude en cours, commandée par le ministère, proposera une solution obéissant à quatre impératifs légitimes : la garantie de l'équité territoriale ; la faculté pour les associations de participer au fonctionnement des MDPH, conformément à leur souhait ; une plus grande souplesse de gestion pour les conseils généraux et une évolution vers la mise en place de maisons de l'autonomie.

Certains directeurs de MDPH doivent gérer jusqu'à huit statuts de personnels, avec à chaque fois des missions, des rémunérations, des durées hebdomadaires de travail, des conditions de récupération, des congés différents.

Par ailleurs, plusieurs directeurs de MDPH observent des conflits d'intérêt ou d'emploi du temps entre les fonctionnaires de l'État mis à disposition ou détachés dans les maisons départementales et leur administration d'origine. Il arrive régulièrement que les directeurs des MDPH découvrent l'absence de ces personnels, retenus par une réunion administrative organisée dans leur administration d'origine. Un nouveau statut permettrait l'intégration des personnels dans la fonction publique territoriale. Pour ma part, et après avoir écouté l'ensemble des interlocuteurs, il me semble que l'établissement public serait la structure qui pourrait le mieux répondre à ces exigences. Je souhaite connaître, madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité – la plupart de mes questions s'adresseront d'ailleurs à vous –, les orientations du Gouvernement en la matière.

Je tiens également à évoquer la compensation financière de l'État en cas d'absence de transfert, problème auquel les départements ont eu différentes approches. Les personnels issus des différentes structures de l'État qui ont donné naissance aux MDPH ont été mis à la disposition de ces dernières. En cas d'absence de mise à disposition ou de cessation de cette mise à disposition – pour cause de départ à la retraite ou de mutation sans remplacement par un nouveau fonctionnaire –, l'administration d'État doit alors verser une compensation financière au GIP.

La difficulté de la réalisation des mises à disposition de fonctionnaires de l'État a été accrue par le fait que les transferts ont été réalisés sur la base du volontariat. Des fonctionnaires pourtant mis à disposition n'ont ainsi jamais quitté leur administration d'origine ou ont quitté leur poste pour revenir dans leur administration, mais sans qu'un remplaçant soit affecté à la MDPH – non pas en raison d'une mauvaise volonté des services, mais faute de personnes à transférer. Dans ce cas de figure, la fongibilité asymétrique ne peut pas jouer et le trésorier-payeur général ne peut adresser au GIP la compensation financière qu'appellerait pourtant cette vacance de poste.

Pour pallier ponctuellement l'absence de possibilité de versement de la compensation financière par les ministères d'origine des fonctionnaires, l'État a ouvert un crédit exceptionnel de 8 millions d'euros en 2006 et de 8,25 millions en 2007 pour verser des compensations aux MDPH concernées. Or, pour 2008, aucun crédit n'a été jusqu'à présent versé. Certaines MDPH n'ont eu aucun transfert de la part de l'État du fait du refus des personnels. Obligées de procéder à des embauches par le biais du GIP, elles sont pourtant totalement dépendantes de la compensation supplémentaire décidée par l'État.

La gravité de la situation m'a conduit à vous interpeller, madame la secrétaire d'État, ainsi que M. Xavier Bertrand, mais aussi M. François Fillon, Premier ministre, et même M. Nicolas Sarkozy, Président de la République. Je rappelle que non seulement les MDPH doivent stabiliser leurs activités initiales, mais qu'elles devront exercer en plus les nouvelles compétences concernant l'octroi de l'AAH selon l'employabilité de la personne, et se transformer en maison de l'autonomie avec la mise en place de la convergence des politiques entre le handicap et la perte d'autonomie liée à l'âge. Qu'en est-il de la compensation financière pour 2008, mais aussi de la pérennité de cette dernière dans les années à venir ?

Plusieurs problèmes se posent par ailleurs. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a mis au point, avec les représentants des ministères, des départements et des associations, un outil d'évaluation unique des situations individuelles : le guide de l'évaluation – GEVA. Mais sa complexité et la lourdeur de son maniement sont telles que certaines MDPH ont renoncé à l'utiliser, ou ne l'emploient que partiellement. Il me paraît indispensable qu'une simplification du GEVA soit entreprise afin que les MDPH puissent disposer d'un outil au maniement plus aisé leur permettant de procéder à une évaluation systématique des besoins de compensation. Je sais que la Caisse s'est intéressée au sujet. Que compte faire votre ministère pour favoriser cette mise en place ?

Ensuite, la mise en oeuvre de la PCH enfant – la prestation de compensation du handicap –semble poser de difficiles problèmes de choix aux familles, et la possibilité, malgré les conseils avisés des MDPH, de revenir sur leur choix, révèle une mauvaise compréhension du dispositif. Comment le Gouvernement compte-t-il améliorer l'accessibilité de cette prestation ?

Malgré l'effort entrepris par tous pour que les MDPH soient un interlocuteur unique, il semble que l'on puisse encore améliorer les facilités d'accès à l'information et aux droits des personnes handicapées par la formation de fiches navettes entre les MDPH et les CAF. L'idéal serait de pouvoir le faire numériquement. Qu'en pense le Gouvernement ?

Le lancement du fonds de compensation prévoyait un abondement de la part de l'État. Il est devenu fonds de concours en 2008 pour disparaître en 2009. Beaucoup s'en inquiètent. Je sais qu'il s'agit là d'un souci de bonne gestion car les fonds de compensation disposent de réserves assez grandes dans les départements, au moins pour l'année 2009, mais je demande au Gouvernement la plus grande vigilance pour le budget 2010.

L'informatisation, malgré l'aide de la CNSA, se révèle longue, fastidieuse et complexe à mettre en place. Il faudra bien pourtant, face aux nouvelles perspectives qui attendent les MDPH, optimiser l'outil informatique.

Je souhaite terminer sur une note optimiste en vous faisant part de la satisfaction de l'ensemble des partenaires concernant le nouvel accompagnement qu'offrent les MDPH sur tout notre territoire. Certaines ont voulu respecter à la lettre la loi de février 2005 et, malheureusement, accusent encore des retards importants dans l'instruction des dossiers. D'autres ont voulu privilégier la mise à jour de ces retards hérités des COTOREP et des CDES et n'ont malheureusement pas pu établir les projets de vie des personnes handicapées dans toutes leurs dimensions. Elles sont à présent en voie de stabilisation. À condition d'être sécurisées quant à leur statut et à leurs compensations financières, elles vont pouvoir mettre en oeuvre la loi de 2005 et la mise en place des maisons de l'autonomie.

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