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Intervention de Guy Teissier

Réunion du 13 mai 2008 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Teissier, rapporteur :

, a estimé que le projet de loi soumis à l'examen pour avis de la commission vient heureusement renforcer les pouvoirs du Parlement, singulièrement limités dans le domaine de la défense, la Constitution organisant la prééminence du chef de l'État, chef des armées. Tout au long de la Ve République, cette prééminence ne s'est pas démentie, qu'il s'agisse de la décision de recourir aux forces armées ou de la définition des objectifs et des moyens de la politique de défense, laquelle relève très largement dans les faits des conseils de défense présidés par le chef de l'État. Les épisodes de cohabitation ont certes conduit à un certain partage des responsabilités entre le Premier ministre et le Président de la République, mais le texte même de la Constitution et l'existence d'un certain consensus sur les questions de défense n'ont pas conduit à modifier substantiellement l'équilibre des institutions.

La commission de la défense s'est saisie pour avis de quatre des articles du projet de loi, dont le plus important est l'article 13, relatif à l'information et au contrôle du Parlement sur les interventions militaires à l'étranger.

Il complète l'article 35 de la Constitution prévoyant l'autorisation par le Parlement de la déclaration de guerre, dont la Ve République n'a jamais eu à faire usage. À l'occasion de l'engagement des forces françaises dans la « guerre du Golfe » en 1991, le Gouvernement avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 49, premier alinéa, de la Constitution. Aucune disposition particulière ne prévoit de procédure d'information ou de contrôle du Parlement sur les opérations conduites à l'étranger, alors même que celles-ci constituent désormais une mission essentielle des forces armées. Cette situation constitue une anomalie au regard de la pratique des autres grandes démocraties. Par ailleurs, les enjeux budgétaires significatifs représentés par les opérations extérieures (OPEX) appellent une légitimation parlementaire. Nombreuses ont été les réflexions tendant à rééquilibrer les pouvoirs du Parlement et du Président de la République. Le rapporteur a rendu hommage au rapport d'information réalisé en 2000 par M. François Lamy et a évoqué les travaux plus récents du comité constitutionnel, présidé par M. Édouard Balladur, qui ont largement inspiré le présent projet de loi.

Le dispositif proposé est double : il vise à mieux informer le Parlement et lui donne les moyens de contrôler les OPEX.

Le texte prévoit ainsi que le Gouvernement informe dans les délais les plus brefs le Parlement des interventions des forces armées à l'étranger. Le rapporteur a souhaité mieux encadrer dans le temps cette obligation d'information en prévoyant qu'elle se fera, au plus tard, sous huit jours après le déclenchement de l'intervention concernée.

Après avoir souligné que les modalités de cette information dépendront de la nature et de l'ampleur des opérations, il a indiqué que, selon le texte, elle « peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote », l'inscription de ce débat en séance publique relevant désormais de la conférence des Présidents. Le Parlement ne délivrera donc pas d'autorisation a priori de déclenchement de l'intervention extérieure, contrairement à ce qui est pratiqué en Allemagne et en Espagne.

Lorsque la durée de l'intervention excède six mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Ce délai peut paraître bien long et pourrait être utilement ramené à quatre mois, ce qui correspondrait d'ailleurs à la période de relève des troupes en OPEX. Au demeurant, si l'une de celle-ci venait à se prolonger très au-delà de ce délai, ce qui est actuellement bien souvent le cas, le Parlement, en application des nouvelles mesures de fixation de l'ordre du jour, aura toujours le loisir d'organiser un nouveau débat concernant son déroulement. Par ailleurs, le Gouvernement devrait, par un amendement, fixer au 1er janvier 2009 l'entrée en vigueur de l'article 13, ce qui le conduira à demander l'autorisation de prolonger toutes les OPEX en cours depuis plus de six mois à cette date. Enfin, il est prévu qu'en cas de désaccord du Sénat, l'Assemblée nationale statue de façon définitive.

Le rapporteur est ensuite revenu sur les autres articles dont la commission s'est saisie.

L'article 5 crée une procédure d'encadrement de l'utilisation de l'article 16 de la Constitution. Celui-ci n'a été mis en oeuvre qu'une fois, au cours de la guerre d'Algérie. À l'époque, le principal reproche qui lui fut fait a précisément porté sur la longueur du délai pendant lequel il a été appliqué, du 23 avril au 29 septembre 1961. Rappelant que le comité présidé par M. Édouard Balladur a estimé justifié le maintien de dispositions d'exception, le rapporteur a indiqué que le projet de loi propose qu'au terme de trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel puisse être saisi par les présidents des assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs. La saisine a pour fin d'apprécier si les conditions de recours à l'article 16 demeurent réunies et reste possible autant de fois que nécessaire, compte tenu de l'évolution de la situation. Le Conseil constitutionnel doit alors se prononcer dans les délais les plus brefs par un avis public, ce qui constitue une garantie supplémentaire pour les libertés publiques.

L'article 8 modifie l'article 21 de la Constitution afin de procéder à une répartition différente des rôles respectifs au sommet de l'Exécutif dans le domaine de la défense. Ainsi, le Premier ministre ne serait plus « responsable de la défense nationale », sa fonction se limitant désormais à la mise en oeuvre des décisions prises par le Président de la République dans le cadre des conseils et comités supérieurs de la défense nationale. Le rapporteur s'est montré réservé sur cette disposition, considérant que le partage des tâches entre Président et Premier ministre a fait ses preuves. La nécessité d'une concentration accrue des pouvoirs du Président n'est pas établie, d'autant que la Constitution accorde une prééminence indiscutable au chef de l'État, chef des armées.

L'article 11 tient compte de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel afin de pouvoir continuer à utiliser l'indispensable outil que constituent les lois de programmation militaire.

Conscient de l'importance d'une information accrue du Parlement sur les accords de défense, le rapporteur a tenu à rappeler qu'ils ne font pas partie des accords internationaux énumérés à l'article 53 de la Constitution, et n'ont pas à être ratifiés ou approuvés en vertu d'une loi. L'information du Parlement à leur sujet est restée d'autant plus parcellaire que nombre d'entre eux comprennent des clauses confidentielles. Au regard de l'importance de ce type d'engagement international, susceptible d'entraîner nos forces dans des interventions armées en raison de clauses d'aide et d'assistance, une évolution est particulièrement souhaitable, ne serait-ce que pour mettre fin à des soupçons injustifiés. Tant M. François Lamy que le comité présidé par M. Édouard Balladur se sont préoccupés de cette situation. Les avancées devraient être facilitées grâce au souhait formulé par le Président de la République de discuter avec tous les partenaires africains concernés de l'adaptation des accords de défense aux réalités actuelles. Le principe de transparence devrait également devenir la norme en la matière, ces accords ayant désormais vocation à être intégralement publiés. Le rapporteur a indiqué avoir saisi le Premier ministre de cette question par courrier et a proposé de faire état de cette question en séance publique.

Enfin, il a conclu son propos en indiquant que le projet de loi constitue un bon texte qui modernise sans la dénaturer notre Constitution et confère au Parlement des prérogatives jusque-là inédites, particulièrement dans le domaine de la défense nationale.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Article 5 : renforcement du rôle du Parlement et du Conseil constitutionnel en cas d'application de l'article 16 de la Constitution

Le rapporteur a précisé que cet article prévoit que le Conseil constitutionnel pourra, après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, être saisi par les présidents des assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs, afin d'apprécier si les conditions de mise en oeuvre de l'article 16 demeurent réunies. En outre, le Conseil pourra, de sa propre initiative, se prononcer sur le bien-fondé du maintien des pouvoirs d'exception au-delà d'une durée de soixante jours. En conséquence, il a donné un avis favorable à son adoption.

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