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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 14 octobre 2008 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales :

C'est toujours avec grand plaisir que je réponds à vos invitations, non seulement pour me remémorer le passé mais surtout pour évoquer le présent. Puisque vous venez d'auditionner le général Gilles, j'évoquerai succinctement les problématiques budgétaires, après quoi je répondrai à vos questions.

La gendarmerie nationale assure la protection des Français en métropole comme outre-mer, sur 95 % du territoire national. Tous les Français sont attachés à cette institution qui satisfait leur besoin de sécurisation et de proximité humaine. Les crédits que vous lui accordez chaque année ont pour objectif de lui donner les moyens de mener ses missions.

Avant d'entrer dans le détail des chiffres, vous me permettrez de saluer une opération menée par les gendarmes qui a eu lieu ce matin même à Vitry-le-François. En juin dernier, cette commune avait connu des affrontements au cours desquels des violences avaient été perpétrées à l'encontre de gendarmes, de sapeurs-pompiers et de civils. Ce matin, vingt-huit personnes ont été interpellées et une demi-douzaine d'autres sont recherchées. Cette action est exemplaire de la façon dont j'entends mener les opérations de sécurité dans les zones difficiles. Que les délinquants ne s'y trompent pas, je suis déterminée à faire régner la loi, à faire respecter l'ordre. De tels agissements ne demeureront jamais impunis, même si la réponse doit être différée. Nous l'apportons quand nous l'avons décidé, c'est-à-dire une fois que les procédures sont sécurisées et que les enquêtes ont abouti. Les auteurs d'agissements délictueux seront toujours recherchés, interpellés et traduits devant la justice. Tels sont la mission et l'honneur des forces de l'ordre.

Le budget 2009 s'inscrit dans un environnement marqué par trois nouveautés.

Premièrement, le périmètre ministériel est élargi, avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur.

Deuxièmement, comme nous le demandions depuis des années, la planification budgétaire devient pluriannuelle, plus précisément triennale. Cela offre une visibilité extrêmement importante lorsqu'il s'agit d'organiser un corps aussi lourd que celui de la gendarmerie, qui implique un suivi sur plusieurs années. Cette planification sera articulée avec la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, valable quant à elle pour cinq ans. L'année 2009 sera la première année de cette budgétisation triennale et d'application de la LOPPSI.

Troisièmement, le contexte financier est exigeant, eu égard à l'obligation de redresser les finances publiques et de réduire le poids de la dette. Depuis plusieurs années, le produit de l'impôt sur le revenu sert à payer les intérêts de la dette, ce qui prive notre pays de moyens d'action et l'empêche de satisfaire à ses obligations internationales.

Dans ce cadre, le budget 2009 nous donnera les moyens d'affirmer nos ambitions au service de la protection des Français.

Ma première ambition est de rendre la gendarmerie encore plus moderne, de la centrer sur son coeur de métier, afin qu'elle assure encore mieux la protection des Français.

Moderniser la gendarmerie implique de moderniser les moyens mis à son service afin qu'elle puisse faire face aux évolutions de ses missions durant les cinq prochaines années. N'oublions jamais que la délinquance et les contraintes évoluent en même temps. La gendarmerie disposera donc l'an prochain, au titre du premier exercice de la LOPPSI, de 295 millions d'euros d'autorisations d'engagement.

Notre premier souci doit être d'assurer la protection des gendarmes eux-mêmes, ce qui conditionne leur efficacité. Plus de 5 millions d'euros seront par conséquent consacrés à l'acquisition d'équipements de protection, notamment de casques de protection, de visières pare-balles – lors des incidents de Villiers-le-Bel, un CRS a perdu un oeil – et de gilets pare-balles. Mieux protégées, donc plus en confiance, les forces de gendarmerie assureront encore mieux leur mission.

Pour permettre aux gendarmes d'agir concrètement, nous devons utiliser tous les progrès technologiques qui peuvent être mis au service de la recherche et de l'élucidation. Une enveloppe de 47 millions d'euros sera donc consacrée au financement des progrès technologiques. L'accent sera mis sur les points suivants : le développement de la police technique et scientifique afin de moderniser les moyens employés sur la scène de crime ; le développement de la vidéoprotection – élément à la fois de dissuasion et d'élucidation – ; la poursuite de l'équipement des véhicules en terminaux informatiques embarqués ; la lecture automatique des plaques d'immatriculation ; le déploiement de nouveaux systèmes de retransmission d'images par hélicoptère ; la modernisation de centres opérationnels départementaux. Tout cela permettra de mettre la gendarmerie à la pointe de la technologie.

J'attache aussi la plus grande importance aux conditions d'exercice du métier et au cadre de vie, car c'est une condition d'efficacité. L'immobilier obtiendra 141 millions d'euros pour permettre la construction de 452 logements et de locaux techniques associés. La gendarmerie nationale continuera à utiliser les montages innovants mis en oeuvre depuis 2002 pour accélérer les projets de construction ou de rénovation d'équipements immobiliers. Sans un tel système nous enregistrerions un retard considérable ; si nous devions attendre chaque année que L'État dégage les moyens nécessaires pour payer en toute propriété les bâtiments, il est évident que nous n'aurions pas ce que nous avons. L'intervention des collectivités locales en cette matière nous permet donc de satisfaire nos besoins en logements. J'envisage du reste d'étendre ce système à la police. Par ailleurs, depuis trop longtemps, à cause de tensions sur les crédits de fonctionnement, la gendarmerie ne disposait pas de toutes les ressources nécessaires au paiement des loyers. J'ai pris des mesures qui devront nous permettre de faire face dans de meilleures conditions aux échéances des bailleurs.

Pour ce qui concerne l'outre-mer, je tirerai les conséquences de la réorganisation des forces armées prévues par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Les forces armées étant appelées à se recentrer et à quitter certains départements et territoires d'outre-mer, il incombera au ministère de l'intérieur d'assumer une partie des missions qu'elles remplissent actuellement. Pour que les gendarmes puissent exercer efficacement leurs missions outre-mer, je renforcerai la flotte d'hélicoptères de liaison de la gendarmerie et je la doterai d'hélicoptères de manoeuvre. Pour des raisons financières, ces équipements seront autant que possible mutualisés avec la sécurité civile, qui dépend également du ministère de l'intérieur. La difficulté consiste à assurer le « tuilage », c'est-à-dire la correspondance entre le moment où les forces armées quitteront les territoires en question et celui où les moyens de la gendarmerie monteront en puissance. L'échéance qui m'a été fixée est 2012, mais j'entends parfois parler d'une anticipation, notamment en ce qui concerne les personnels de soutien de l'armée de terre et certains moyens aéroportés. Nous devrons être vigilants pour éviter des creux capacitaires.

Ma deuxième ambition est de recentrer l'action des gendarmes sur leur coeur de métier. Je parle de cette thématique depuis plusieurs années car les gendarmes doivent exercer les missions qui ont motivé leur engagement et pour lesquelles ils ont été formés. Actuellement trop de missions sont effectuées par les gendarmes alors qu'elles ne font pas réellement partie des motivations qui ont été les leurs quand ils se sont engagés : c'est le cas des gardes statiques.

Même si des progrès ont été obtenus en la matière, trop de gardes statiques sont encore effectuées au profit du ministère de la justice. Les transfèrements de détenus sont aussi en cause. J'ai saisi la garde de sceaux et des groupes de travail ont été constitués pour passer un cap supplémentaire dans la réduction de ces charges.

De même, les missions de garde et d'escorte liée aux cinq centres de rétention administrative (CRA) gérés par la gendarmerie seront progressivement transférées à la police aux frontières (PAF), avec pour objectif un transfert total en 2010. Cette solution ne me satisfait cependant pas, car la présence de gendarmes ou policiers n'est pas nécessaire pour assurer au quotidien la garde des CRA, très consommateurs en personnels ; une autre formule pourrait être trouvée – on peut envisager de limiter à un encadrement par les forces de l'ordre, sachant que la possibilité d'intervention doit demeurer. Je vous propose que nous y réfléchissions ensemble.

Le partage entre les zones de police et les zones de gendarmerie doit être clarifié. La présence de la gendarmerie en zone de police nationale, où elle n'exerce aucune mission de sécurité publique, doit être réduite au strict nécessaire.

Pour tenir compte des évolutions démographiques – notamment de l'extension des plus grandes villes, dont les périphéries se transforment en cités dortoirs – et du déplacement des bassins de délinquance, les ajustements à la marge de l'organisation et des zones de compétence de la police et de la gendarmerie seront poursuivis.

Ces ajustements donneront lieu à une concertation étroite entre les préfets et les élus concernés.

Enfin, je veux décharger les gendarmes de missions administratives qui ne correspondent pas au métier pour lequel ils ont été formés mais auxquels ils sont affectés, faute de recrutement d'autres personnels. Je veux y substituer des agents administratifs qui, eux, se seront engagés pour accomplir ces tâches. On n'entre pas dans la gendarmerie pour être agent immobilier ou secrétaire administratif. J'envisage également que des emplois administratifs soient réservés aux épouses des gendarmes – en zone rurale, elles éprouvent souvent de grandes difficultés à trouver un emploi. Cela permettra aussi d'améliorer le pouvoir d'achat des familles.

L'objectif est donc, d'ici à 2013, d'obtenir un renforcement significatif des personnels civils au sein de la gendarmerie. De 2 000 aujourd'hui, leur nombre passera à 5 000 au moins entre 2009 et 2013. Dès l'année prochaine, 600 emplois seront ainsi transformés.

Nous disposerons des moyens financiers, humains et sociaux nécessaires pour atteindre ces objectifs.

S'agissant des moyens humains, nous devons mettre en application la règle s'imposant à l'ensemble de la fonction publique : le non-remplacement d'un agent partant à la retraite sur deux. Compte tenu des spécificités de la mission du ministère, j'ai cependant obtenu que cette norme forfaitaire ne soit pas appliquée aveuglément aux forces de sécurité : en 2009, elle sera ramenée à 36 % des départs. En nous recentrant sur notre coeur de métier, nous pourrons sans difficultés majeures procéder aux adaptations nécessaires pour absorber ce non-remplacement. J'ai demandé au directeur général de la gendarmerie nationale de me faire des propositions à cet effet.

Par ailleurs, j'ai souhaité revoir dès 2009 le système de formation de la gendarmerie nationale, pas uniquement dans un souci d'économies mais aussi pour des motifs de fond. Nous disposions jusqu'à présent de huit écoles de gendarmerie, dispersées sur le territoire, hébergées dans des locaux présentant parfois des lacunes importantes, notamment sur le plan technique. J'ai décidé de moderniser les conditions de formation des gendarmes en recentrant le dispositif autour de quatre pôles, intégrant toutes les technologies et offrant tous les moyens d'exercice et d'entraînement requis.

En conséquence, quatre écoles fermeront : Montargis, Le Mans, Libourne et Châtellerault. Pour les personnels et les élus locaux concernés, ce n'est pas agréable, j'en ai parfaitement conscience, mais je suivrai la même méthode que pour la restructuration de GIAT, au terme de laquelle les personnels ont été reclassés et les communes ont bénéficié de compensations pour retrouver leur dynamisme. Les personnels seront pris en charge selon leur statut : les ouvriers d'État bénéficieront des mesures « défense » traditionnelles ; les autres personnels civils relèveront des mesures « défense » ou des mesures « intérieur » ; les personnels militaires pourront demander à bénéficier d'un pécule ou ils obtiendront une nouvelle affectation qui donnera lieu à des indemnités.

J'ai reçu tous les élus des communes touchées par les fermetures. J'ai obtenu de Mme Christine Lagarde qu'elle mette à ma disposition M. Jean-Pierre Aubert – qui s'était distingué dans le dossier GIAT – afin d'identifier et de mettre sur pied les projets de remplacements possibles. La plupart des implantations concernées présentent l'avantage d'être situées en coeur de ville, ce qui favorise les projets, qu'il s'agisse de logements sociaux ou d'activités industrielles ou artisanales.

La présence des forces de gendarmerie sur le réseau routier et autoroutier doit être réorganisée. Je constate en effet que les gendarmes sont surtout présents sur les autoroutes, c'est-à-dire là où se produit le moins d'accidents. Leur action doit être accentuée sur le réseau routier secondaire, où se produit le plus grand nombre d'accidents. Les efforts accomplis depuis 2002 ont tout de même permis de diviser par deux le nombre de morts sur la route. J'ai demandé au directeur général de la gendarmerie nationale de me transmettre ses propositions pour améliorer la présence des gendarmes, ce qui doit permettre d'obtenir de meilleurs résultats avec des effectifs réajustés.

Au moment où la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) s'engage dans d'importantes réorganisations, il est nécessaire de mobiliser tous les personnels. En tant que ministre de la défense, j'avais pris des engagements ; je continuerai de les tenir en tant que ministre de l'intérieur.

En trois ans, le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE) rénové permettra de créer 1 000 postes de major et 900 postes d'adjudant supplémentaires.

La nouvelle grille indiciaire de la défense sera progressivement mise en application. Elle bénéficiera naturellement aux militaires de la gendarmerie.

Les rémunérations profiteront du retour des économies réalisées par les départs à la retraite non remplacés. J'ai même obtenu que ce retour ne soit pas de 50 %, conformément à la règle, mais bien plus. Il me paraît normal de soutenir les personnels placés sous mon autorité, auxquels je demande beaucoup et qui font beaucoup d'efforts.

Les moyens dont bénéficiera la gendarmerie en 2009 lui permettront d'exercer ses missions au service des Français. Rattachée au ministère de l'intérieur, elle demeure une institution militaire. Le projet de loi relatif à la gendarmerie qui vous sera soumis après son examen au Sénat garantira l'équilibre des missions avec la police. Je souhaite que les moyens des forces soient mutualisés au service de la sécurité mais que chacun exerce sa mission en se sentant parfaitement à l'aise dans son institution.

Continuons à travailler dans le même esprit : les décisions ne sont pas prises isolément par la ministre ou par les directions générales ; nous participons tous à la définition de la réponse de sécurité attendue par nos concitoyens, en liaison avec les élus locaux. Je serai donc toujours à l'écoute de vos avis et de vos suggestions.

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