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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 15 janvier 2008 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

s'est réjoui de pouvoir débattre avec les membres de la commission des Finances des évolutions de la politique immobilière.

Après avoir salué le rôle moteur de la Commission dans la modernisation de cette politique, il a fait le voeu que cette collaboration étroite se poursuive, en cette période charnière de la politique immobilière.

Après avoir appris à connaître son patrimoine et à le céder, l'État doit dorénavant être capable de le gérer, dans l'optique d'un État propriétaire unique.

Il y a seulement trois ans, comme l'avait constaté M. Georges Tron, l'État était incapable d'atteindre les objectifs de cessions immobilières de 100 millions d'euros par an fixé par le Parlement, alors que de très nombreux immeubles étaient mal utilisés, mal entretenus, inutiles au service public. Or le résultat provisoire des cessions de l'année 2007 dépasse très largement l'objectif de 500 millions. Au 3 janvier 2008, le produit des cessions s'établissait à 808 millions, ce qui excède encore le produit de 2007 – 799 millions –, certes avec une opération exceptionnelle plus importante, avenue Kléber. Le résultat de la cession de la rue Monsieur – 142 millions – a dépassé toutes les estimations et toutes les espérances. Pour 2007, comme pour 2006, les résultats de cession sont excellents et la contribution au désendettement s'est établie autour de 15 %, en conformité avec le taux estimé dans la loi de finances initiale. L'intérêt financier de ces opérations pour l'État est donc établi.

Par ailleurs, il est maintenant possible de gérer ce patrimoine immobilier avec des outils adaptés : un tableau général des propriétés de l'État mis à jour et un droit domanial plus souple qui permet de vendre des immeubles occupés et donc de réaliser les opérations de relogement en trésorerie positive, comme le font tous les opérateurs immobiliers privés. Les procédures de cession sont efficaces, publiques et transparentes.

De même, les administrations planifient leurs besoins, à travers des schémas pluriannuels de stratégie immobilière – SPSI –, dans le respect des normes immobilières - notamment le ratio de 12 m2 par agent. Les premiers SPSI étant imparfaits, le ministre a demandé aux ministères de présenter une nouvelle version, plus ambitieuse et plus adaptée aux réformes de leur organisation et de leurs missions, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Si une administration ne remplace pas un départ à la retraite sur deux, mutualise ses fonctions support et divise par deux le nombre de ses directions, elle a besoin de surfaces plus réduites. Il faut le quantifier, le planifier et accompagner le ministère dans cette réduction. Ce travail sera réalisé avec les ministères dans les semaines à venir, avec l'aide des équipes d'expertise de la RGPP et sous le contrôle du Conseil immobilier de l'État, le CIE.

L'on dispose d'une évaluation des biens, d'outils, de procédures, d'une planification. Le marché répond présent lorsque l'on fait appel à lui. Il faut poursuivre la professionnalisation de la fonction immobilière.

Pour ce qui est des nouveautés, il faut rappeler que, s'agissant des cessions, l'année 2008 allait être l'occasion de faire évoluer les procédures.

Tout d'abord, une clause d'intéressement aux plus-values ultérieures, rédigée par des spécialistes du secteur, notamment notariaux, permettra de garantir que l'État réalise bien la cession à la valeur de marché, puisqu'une telle clause dissuade le spéculateur, mais pas l'acquéreur prêt à payer le vrai prix. Ainsi, la mise en vente de l'immeuble de la rue Amelot, dont la première publicité a été publiée dans Le Figaro voici quelques jours, comporte une telle clause.

Par ailleurs, la location longue durée sera expérimentée en lieu et place de la cession définitive avec la cession de l'hôtel de Seignelay, un bâtiment historique affecté à Bercy et qui abritait le ministère des PME, rue de Lille. Il est en effet intéressant que des biens de ce type puissent revenir dans le patrimoine de l'État, à terme et après un bon entretien. Ce sera la meilleure réponse aux critiques de ceux qui pensent que la bonne gestion du patrimoine immobilier de l'État revient à dilapider les « bijoux de famille ». Il sera fait appel à une banque conseil afin d'étudier le bénéfice comparé d'une telle opération avec la cession définitive.

Autre nouveauté, l'utilisation du portage pour un bien ayant vocation à être utilisé durablement par l'État, comme y incitait l'amendement Marini adopté au Sénat en décembre dernier lors du débat sur la loi de finances pour 2008. La SOVAFIM, foncière publique, étudie la possibilité de réaliser un tel portage pour l'immeuble de l'avenue Bosquet, qui devrait être mis à disposition de l'Organisation internationale pour la francophonie, comme vient de le confirmer le Premier ministre par lettre, en lieu et place de la solution envisagée auparavant avenue de Ségur, critiquée à juste titre.

Il ne faut pas non plus son inscription dans les textes pour mettre en oeuvre la procédure d'avis préalable du CIE, annoncée le 25 septembre dernier, afin de pouvoir prendre des décisions éclairées sur les opérations immobilières les plus importantes proposées par les administrations. En outre, cela amène France Domaine et les ministères concernés à venir expliquer leurs opérations devant les professionnels du CIE, ce qui a un grand intérêt pédagogique.

Cependant, les principales évolutions restent à venir et modifieront le rôle même des domaines. Comme il l'avait annoncé lors de son audition par le CIE, le ministre a proposé le passage définitif à l'État propriétaire, ce qui a été accepté par le conseil de modernisation des politiques publiques le 12 décembre dernier.

S'agissant du compte d'affectation spéciale – CAS – et du retour sur cessions, souvent mis en exergue comme le symptôme de l'éclatement entre des quasi-propriétaires, le ministre a rappelé qu'il avait déclaré lors de la réunion du CIE du 25 septembre dernier que cette règle de 85 % n'était pas inscrite dans le marbre.

Elle est tout d'abord moins favorable aux quasi-propriétaires qu'on ne le dit. S'agissant des produits de cession de plus de 2 millions, il n'existe aujourd'hui aucun « droit » des administrations à bénéficier d'un retour. Chaque dossier de remploi est étudié avec un oeil critique, en vue de promouvoir un meilleur respect des orientations : le ratio de 12 m2 par agent, la réduction des surfaces. Il y a d'ailleurs un solde important sur le CAS, dû pour partie au décalage résultant des opérations de relogement, mais aussi au fait que des opérations de remploi ne consomment pas la totalité des produits de cession.

Ainsi, le relogement des douanes a coûté 45 % du produit de cession, ce qui est tout à fait dans la norme de la réalisation de ce type d'opérations pour des bureaux privés. Le gain pour les finances publiques est donc très supérieur à la contribution au désendettement – environ 15 % – qui est affectée automatiquement. Tout produit non réemployé, provisoirement ou définitivement, est un apport en trésorerie, qui contribue de fait à réduire le besoin de financement de l'État. Le contribuable est donc gagnant dans ce dispositif, dans une proportion bien supérieure à 15 % des cessions.

Il convient cependant de tirer les conséquences du passage à l'État propriétaire et de conjuguer trois objectifs dans l'utilisation des produits de cession : inciter les administrations à réduire les surfaces et les coûts, en finançant le relogement quand elles permettent à l'État de réaliser une bonne opération, mieux mutualiser les produits immobiliers afin que des administrations ne soient plus logées dans des bâtiments trop grands quand d'autres restent locataires, contribuer à l'effort de désendettement.

Pour toutes ces raisons, le ministre a demandé à la Direction du budget et à France Domaine de modifier les règles d'intéressement. La contribution de 15 % doit être maintenue. Le montant du retour doit être abaissé, dans une proportion à définir. La marge nouvelle ainsi dégagée devra permettre de financer la mutualisation de ces produits.

S'agissant des prises à bail, les opérateurs immobiliers importants ont professionnalisé la négociation et la gestion des baux, comme c'est le cas de Poste Immo, qui gère ainsi 10 000 baux communaux de bureaux de poste. Il faudra suivre le même chemin, en commençant par les baux les plus importants en valeur.

A donc été proposée une procédure de négociation par France Domaine, après détermination d'un cahier des charges avec le futur occupant, ce qui présentera le double avantage d'améliorer le professionnalisme de la négociation, assis sur la connaissance du marché, et d'éviter la situation actuelle où les administrations négocient et ne font appel au Domaine que pour l'avis domanial, dont elles ne comprennent pas qu'il puisse être négatif, ce qui les pousse à demander des arbitrages dans l'urgence.

S'agissant de la meilleure gestion des immeubles occupés, un pas très important a été franchi avec la généralisation progressive des loyers budgétaires. Le ministre a d'ailleurs demandé au CIE, le 25 septembre dernier, de lui fournir une expertise sur plusieurs points pour affiner encore le dispositif, alors qu'il est en cours d'extension géographique. L'immobilier domanial a un coût : c'est du capital immobilisé et cela doit être bien entretenu, ce dont les administrations ont commencé à prendre conscience.

Le Conseil de modernisation des politiques publiques a annoncé la fin du régime juridique de l'affectation des immeubles domaniaux. Un décret en Conseil d'État est en préparation. Cependant, il ne suffit pas de modifier le support juridique pour dynamiser vraiment la gestion vis-à-vis des occupants. Il faut surtout adapter les outils pour qu'ils contribuent à une gestion plus dynamique. Les conventions d'occupation, conclues entre l'État propriétaire et les administrations occupantes, seront de véritables baux, qui préciseront les obligations des deux parties (en matière de loyer ou d'entretien). Trois modalités de gestion des relations avec les occupants sont étudiées, pour les inciter à une meilleure utilisation des bâtiments domaniaux.

Une administration qui accepte de réduire les surfaces occupées pourrait tout d'abord se voir garantir, pour une période déterminée, le maintien de sa dotation de fonctionnement antérieure. La différence entre l'ancien loyer budgétaire et le nouveau, plus faible, constitue une incitation. Les clauses du bail pourraient être adaptées en fonction des conditions d'occupation, notamment par le loyer ou par des clauses de pénalité, pour inciter à un départ à l'issue du bail. Les dotations budgétaires pourraient être ajustées, non plus en fonction des surfaces occupées, mais des surfaces nécessaires. La différence entre la ressource, en baisse, et le coût, inchangé, du loyer budgétaire lui fera assumer le coût de son choix d'inefficience immobilière.

S'agissant de l'entretien, les carences des quasi-propriétaires sont connues. Une bonne organisation de l'entretien lourd est indispensable, car elle est le corollaire des plus fortes contraintes que le propriétaire fera peser sur le locataire. Sur le plan technique, le ministre a déclaré attendre les conclusions du CIE sur deux sujets essentiels. Tout d'abord, quelle contribution de l'occupant est-elle nécessaire pour financer cette fonction d'entretien du propriétaire – cette question devient particulièrement importante dans le contexte du Grenelle de l'environnement, qui veut promouvoir un « État exemplaire » sur les bâtiments domaniaux. Ensuite, comment faut-il organiser les services techniques en charge de l'entretien, en lien avec le propriétaire. L'expérimentation en cours en Rhône-Alpes, que le ministre a souhaité relancer, devrait être éclairante.

Sur le plan budgétaire, comme le ministre l'a déclaré au Sénat en réponse à l'amendement Girod, il souhaite être éclairé sur ces éléments de contexte avant de décider la création d'un programme entretien, vraisemblablement sur le budget général.

Les cessions ont été une composante essentielle de la politique de dynamisation immobilière, mais elles n'en sont pas la seule. L'étape suivante, lancée aujourd'hui, et qui résulte très largement des observations de la commission des Finances, est une amélioration de la gestion du patrimoine utilisé et détenu par l'État, qui doit agir comme un propriétaire unique. Qu'il s'agisse des opérations en capital, de la gestion du parc domanial et des baux, de l'entretien, il convient de quitter le milieu du gué pour rejoindre le camp d'une gestion professionnelle, aussi semblable que possible à celle d'un propriétaire privé.

Ainsi seront atteints les objectifs, cohérents avec le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux : moins de surfaces, plus fonctionnelles, moins chères, mieux entretenues.

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