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Intervention de Jérôme Lambert

Réunion du 19 décembre 2007 à 10h00
Délégation pour l’union européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert, rapporteur :

, a indiqué que la proposition de décision-cadre vise à renforcer la capacité de l'Union européenne en matière de lutte contre le terrorisme.

Souhaitant renforcer la capacité de l'Europe à protéger ses citoyens contre la menace terroriste, la Commission a proposé le 6 novembre 2007 une série d'initiatives relatives à la lutte contre le terrorisme (« paquet » terrorisme) : une communication sur l'intensification de la lutte contre le terrorisme, la présente proposition de modification de la décision-cadre de 2002, une proposition de décision-cadre relative à l'utilisation des données des dossiers passagers (PNR) à des fins répressives et enfin une communication relative à l'amélioration de la sécurité des explosifs.

La proposition vise à inclure de nouvelles infractions liées au terrorisme dans la décision-cadre du 13 juin 2002, adoptée à la suite des attentats du 11 septembre 2001, et qui constitue la base de la politique de l'Union en matière de lutte contre le terrorisme. Elle fixe un cadre pour la coopération judiciaire en matière de terrorisme, en rapprochant la définition des infractions terroristes dans tous les Etats membres et en prévoyant que les peines requises devront être plus sévères que pour les mêmes actes commis dans le cadre d'une infraction de droit commun. Bien que la Commission ait proposé initialement une harmonisation des sanctions, aucun accord sur ce sujet n'a pu intervenir et seules les infractions liées à un groupe terroriste font l'objet de peines harmonisées (la décision-cadre fixe le « minimum du maximum » des peines encourues). Selon l'article 5, paragraphe 1, les autres infractions doivent faire l'objet de « sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, susceptibles d'entraîner l'extradition », ce qui implique des peines d'au moins un an d'emprisonnement.

La présente proposition vise à inclure dans les infractions liées aux activités terroristes définies par la décision-cadre du 13 juin 2002 la provocation publique à commettre une infraction terroriste, le recrutement pour le terrorisme et l'entraînement pour le terrorisme. Elle ne vise pas à harmoniser les sanctions pour ces infractions, auxquelles s'appliquerait l'article 5, paragraphe 1, de la décision-cadre de 2002 déjà cité. Il est précisé que pour qu'un acte soit passible de poursuites, il n'est pas nécessaire qu'une infraction terroriste soit effectivement commise.

La provocation publique à commettre une infraction terroriste est définie comme la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition du public d'un message, avec l'intention d'inciter à la commission d'un acte terroriste, lorsqu'un tel comportement, qu'il préconise directement ou non la commission d'infractions terroristes, crée un danger qu'une ou plusieurs de ces infractions puissent être commises.

Le recrutement pour le terrorisme est le fait de solliciter une autre personne pour commettre un acte terroriste.

Enfin, l'entraînement pour le terrorisme est le fait de fournir des instructions pour la fabrication ou l'utilisation d'explosifs, d'armes à feu, d'autres armes ou de substances nocives ou dangereuses, ou pour d'autres méthodes ou techniques spécifiques, en vue de commettre un acte terroriste en sachant que la formation dispensée a pour but de servir à la réalisation d'un tel objectif.

La Commission motive sa proposition par la volonté d'améliorer les moyens de lutte contre le terrorisme et ses nouveaux canaux, notamment la diffusion de la propagande et du savoir-faire terroristes par Internet. L'analyse d'impact qui accompagne la proposition s'attache à démontrer que la décision-cadre de 2002 (en particulier les dispositions relatives à l'incitation et celles concernant la participation aux activités d'un groupe terroriste) n'impose pas de rendre punissable une partie significative de la diffusion de messages encourageant la commission d'infractions terroristes ou fournissant du savoir-faire terroriste, qu'elle se fasse par le biais d'un site Internet, d'un forum de discussion ou que les messages soient adressés à des personnes en vue d'un recrutement. Les législations nationales sont jugées également insuffisantes face à la diffusion de propagande et de savoir-faire terroristes.

La proposition vise à aligner la définition des infractions terroristes de la décision-cadre de 2002 sur la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme, signée à Varsovie le 16 mai 2005 et entrée en vigueur le 1er juin 2007. Cette convention a été signée par 25 Etats membres de l'Union européenne (dont la France le 22 mai 2006) et elle est actuellement en cours de ratification dans les différents Etats membres ; la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et le Danemark l'ont déjà ratifiée et en France, un projet de loi de ratification a été déposé au Sénat le 8 novembre 2007.

La Convention prévoit que les Etats parties érigent en infraction pénale la provocation publique à commettre une infraction terroriste, le recrutement et l'entraînement pour le terrorisme et adoptent les mesures nécessaires pour qu'elles soient passibles de peines effectives, proportionnées et dissuasives.

Il convient de souligner qu'en France, la Convention du Conseil de l'Europe ne nécessitera pas de modification de la législation interne. L'article 24, alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprime la provocation directe aux actes de terrorisme et l'apologie de ces actes. Ces faits sont punis de 5 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Le recrutement et l'entraînement pour le terrorisme sont incriminés par le biais de l'association de malfaiteurs dans le but de préparer un acte de terrorisme (article 421-2-1 du Code pénal), punie par 10 ans d'emprisonnement et 225 000 euros d'amende.

Par rapport à la Convention du Conseil de l'Europe, la Commission met en avant les avantages d'une intégration des infractions concernées dans la décision-cadre de 2002 : le cadre institutionnel plus intégré de l'Union européenne (procédure d'adoption plus rapide, mécanismes de suivi, interprétation commune par la Cour de justice), le régime des sanctions pénales, les règles de compétence obligatoires, le déclenchement des mécanismes de coopération de l'Union européenne (décision du Conseil 2005671 JAI sur l'échange d'information et la coopération relatifs aux infractions terroristes), l'application automatique du mandat d'arrêt européen.

La proposition de décision-cadre est conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. La base juridique est triple. L'article 29 du Traité UE dispose que la lutte contre le terrorisme est un moyen pour l'Union d'assurer un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice ; l'article 31 e) prévoit que l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise à « adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue » ; enfin, l'article 34 b) prévoit l'adoption de décisions-cadres dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale.

La lutte contre le terrorisme est également l'une des priorités du programme de La Haye pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice, adopté par le Conseil européen en novembre 2004. Les Etats membres ont alors souligné qu'une réponse globale est indispensable pour combattre le terrorisme.

Les aspects transnationaux du terrorisme sont évidents : plus que jamais, le terrorisme est un phénomène mondial. Le développement d'Internet, son utilisation à des fins criminelles ignorent également les frontières. Il paraît donc légitime et souhaitable que l'Union européenne intervienne dans ces domaines. L'action de l'Union présente des avantages certains, en raison de ses dimensions et des mécanismes qu'elle implique, en particulier l'application du mandat d'arrêt européen.

Par ailleurs, l'intervention de l'Union européenne ne saurait être qualifiée d'excessive, dans la mesure où la proposition ne prévoit pas d'harmonisation des sanctions, mais implique seulement, comme on l'a vu, des peines minimales d'un an d'emprisonnement, ce qui est très inférieur aux peines encourues en droit français pour les mêmes infractions.

Les mesures proposées ne sont pas non plus excessives par rapport aux libertés fondamentales. La définition des infractions établit clairement un lien avec les actes terroristes. En particulier, la définition de la provocation publique au terrorisme, qui serait susceptible d'entrer en conflit avec la liberté d'expression, prévoit l'existence d'une intention spécifique d'inciter à la commission d'un acte terroriste et d'un danger qu'une infraction terroriste soit commise.

Enfin, la proposition ne crée pas d'obligation nouvelle pour les fournisseurs de services de télécommunications et les opérateurs par rapport aux mécanismes existants prévus par les directives sur le commerce électronique et sur la conservation des données. Ainsi, la directive sur le commerce électronique prévoit que les États peuvent instaurer l'obligation, pour les opérateurs de sites, d'informer dès que possible les autorités publiques compétentes d'activités illicites alléguées qu'exerceraient des internautes. De la même manière, les États membres peuvent prévoir l'obligation, pour les fournisseurs d'hébergement, de communiquer aux autorités compétentes les informations permettant d'identifier les propriétaires des pages hébergées, ainsi que de retirer les informations illégales. La directive sur la conservation des données prévoit que les autorités publiques compétentes peuvent demander aux fournisseurs d'accès de fournir les données relatives au trafic et les données de localisation, ainsi que les données connexes nécessaires pour identifier l'abonné ou l'utilisateur dans le but de prévenir, rechercher ou poursuivre des infractions pénales.

Pour toutes ces raisons, les rapporteurs considèrent que ce texte est conforme au principe de subsidiarité et qu'il n'y a donc pas lieu à avis motivé de la part de l'Assemblée nationale.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité que l'Assemblée exerce le contrôle de subsidiarité, tel qu'il est défini dans le traité de Lisbonne, dans un esprit positif et non pour jouer un rôle d'opposant systématique, comme pourraient le faire certains parlements dans lesquels domine l'eurosceptiscisme. En pratique, le fait que les parlements nationaux estiment qu'une proposition est conforme à la subsidiarité peut justement fournir des arguments pour répondre aux critiques des eurosceptiques.

Le rôle des rapporteurs est important, car il leur appartient d'alerter la Délégation lorsqu'il y a véritablement un problème de subsidiarité. Le réseau IPEX est également essentiel, car, avec les nouveaux mécanismes introduits par le traité de Lisbonne, il faut pouvoir être informé rapidement des avis adoptés par les autres parlements nationaux.

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