a déclaré que dix ans après l'achèvement du marché intérieur du transport aérien, la présente proposition était une nouvelle initiative pour tenter d'harmoniser les conditions de fixation des redevances aéroportuaires. A cette fin, elle s'inspire des recommandations de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) de 2004 sur la politique des redevances d'aéroport et de services de navigation aérienne, qui préconisent l'instauration d'une régulation économique des aéroports fondée sur l'application non discriminatoire des redevances, l'exigence de garanties de transparence et de consultation, ainsi que l'établissement et le réexamen de normes de qualité.
Tout en émettant des craintes sur le risque de déboucher sur une harmonisation a minima, du fait de certains amendements adoptés par la commission des transports du Parlement européen, la rapporteure a plaidé en faveur de l'instauration d'un véritable cadre harmonisé, dans un contexte marqué par la hausse du trafic et par des distorsions de concurrence que favorise notamment le développement des compagnies low-cost.
Abordant les disparités actuelles, la rapporteure a souligné que seuls certains Etats membres étaient dotés d'une réglementation, mais dont le contenu est variable. Au Royaume-Uni, seulement quatre aéroports sont soumis à une régulation, définie par le DOT (c'est-à-dire le ministère des transports) et mise en oeuvre par une autorité indépendante, la Civil Aviation Authority (CAA). La CAA élabore, tous les cinq ans, après consultation, une étude détaillée des plans d'investissements des aéroports. Au terme de cette étude est fixé le montant maximal de la redevance susceptible d'être appliquée dans les quatre aéroports concernés : Gatwick, Heathrow, Manchester et Stansted. Si les compagnies aériennes jugent le montant excessif ou constatent une pratique discriminatoire, elles peuvent se plaindre auprès de la CAA, qui examinera le bien-fondé de leur plainte.
Dans les autres aéroports où, en revanche, le jeu de la concurrence est considéré comme étant normal et satisfaisant, les compagnies aériennes et les aéroports règlent leurs litiges d'un commun accord, la CAA n'intervenant qu'en dernier ressort. Cette réglementation dite « passive » fonctionne correctement dans les petits aéroports mais peut aussi être étendue aux grands aéroports, puisque ceux de Manchester et de Stansted pourraient très prochainement y être inclus et ne plus relever de la CAA.
Un deuxième facteur de disparité tient à ce que les aéroports se livrent une concurrence accrue, étant devenus de véritables entreprises commerciales. Des variations significatives du montant des redevances en résultent, tout particulièrement dans le domaine du financement de la sûreté.
Dans ce contexte, Mme Odiles Saugues a indiqué que la démarche d'harmonisation proposée par la Commission s'appuyait sur les principes de non-discrimination, d'une part, et, d'autre part, sur ceux de consultation obligatoire et de transparence.
Au fil des discussions qui se sont déroulées au sein du Conseil ou de la commission des transports du Parlement européen, le dispositif initial est passé d'une interdiction de la discrimination entre compagnies aériennes ou passagers à la possibilité d'une modulation des redevances pour des raisons d'intérêt public et d'intérêt général - y compris d'ordre environnemental - à condition que les critères utilisés à cette fin soient pertinents, objectifs et transparents. De même la possibilité prévue par le texte initial, d'une différenciation du montant des redevances aéroportuaires en fonction de la qualité et des possibilités d'utilisation de certains services, a été subordonnée par la commission des transports à des critères transparents, objectifs et non discriminatoires, ce qui contribue à prévenir des distorsions de concurrence, puisque les compagnies low-cost ont parfois pu bénéficier de redevances inférieures à celles facturées aux autres compagnies.
Pour ce qui est de l'exigence de consultation obligatoire, il est prévu que les autorités aéroportuaires consultent les compagnies aériennes au moins une fois par an sur le fonctionnement du système des redevances et leur montant.
En cas de désaccord entre deux parties, chacune d'entre elles peut faire appel à l'autorité de contrôle indépendante, à qui il incombe d'examiner les motifs justifiant la modification du système de redevances ou celle de leur montant. La rapporteure a relevé que le Conseil, tout en maintenant le principe de la consultation obligatoire au moins annuelle, a autorisé les Etats membres à imposer une autre périodicité. Il a également conféré un effet suspensif au recours à l'autorité de contrôle indépendante, tout en précisant qu'elle peut prendre une décision provisoire sur l'entrée en vigueur de la modification des redevances. En revanche, la commission des transports du Parlement européen, tout en modifiant les modalités de la consultation obligatoire, a limité les possibilités de recours des usagers des aéroports à l'autorité indépendante à ceux qui représentent au moins deux compagnies différentes ou au moins 10 % du trafic et a écarté tout effet suspensif de la saisine de l'autorité indépendante de contrôle. Quant à la portée du principe de transparence, le Conseil a supprimé certaines informations que les autorités aéroportuaires sont tenues de communiquer aux usagers des aéroports une fois par an, comme, par exemple, la structure globale des coûts de l'aéroport. Pour sa part, la commission des transports a limité la communication de la structure globale des coûts à certains cas.
Pour garantir le respect des principes de consultation obligatoire et de transparence, la Commission a proposé l'institution d'une autorité de contrôle indépendante et la séparation entre la fonction de régulation et les activités de propriété et de contrôle. Evoquant la nouvelle rédaction adoptée par le Conseil, la rapporteure a indiqué que dans le cas où les Etats membres conservaient la propriété ou le contrôle d'aéroports, d'autorités aéroportuaires ou de compagnies aériennes, les fonctions liées à cette propriété ou à ce contrôle ne seraient pas confiées à l'autorité de contrôle indépendante. Elle a également précisé que la DGAC faisait procéder actuellement à une expertise juridique approfondie pour savoir si, compte tenu du rôle joué par les deux autorités de tutelle - DGAC et DGCCRF - la situation de la France était conforme à ces nouvelles dispositions.
Constatant que, du fait de l'importance des enjeux pour les différents acteurs, la proposition de directive donnait lieu à des appréciations contrastées, Mme Odile Saugues a noté que pour les uns, elle serait inutile, et pour d'autres, au contraire, nécessaire.
La directive est jugée inutile au Royaume-Uni. Tous les interlocuteurs rencontrés ont déclaré leur hostilité à ce texte, le ministère des transports ayant même indiqué que le souhait des autorités britanniques serait de parvenir à une harmonisation a minima.
Les Britanniques contestent que le champ d'application soit fixé à un million de passagers, puisque les aéroports qui seraient ainsi régulés passeraient de 4 à 22. Le nouveau seuil de cinq millions préconisé par le Conseil et la commission des transports du Parlement européen, s'il abaisse ce chiffre à onze, ne supprimerait toutefois pas toutes les difficultés car la directive imposerait une obligation de consultation de nature bureaucratique. Quant à l'autorité de contrôle indépendante, à la différence de la CAA, elle pourrait intervenir non pas en dernier ressort mais, de façon quotidienne dans tous les désaccords concernant le montant des redevances.
En ce qui concerne la France, les ministères de tutelle - transports et économie - considèrent que le texte modifié par le Conseil contient - pour l'essentiel - des dispositions analogues à celles du droit français, telles que l'exigence de consultation, laquelle est prévue au niveau national et au sein de chaque aéroport ou encore l'exigence de transparence, qui est remplie à travers la consécration de la liaison entre les redevances et les coûts.
Evoquant le risque que les discussions en cours - en particulier au Parlement européen - ne débouchent sur une harmonisation a minima, Mme Odile Saugues a noté que le Conseil, à l'exemple de la commission des transports du Parlement européen, avait porté le seuil d'un million de passagers à cinq millions de passagers, en y ajoutant le plus grand aéroport de chaque Etat membre, ce qui, à ses yeux, a pour effet de réduire le champ d'application de la directive.
En ce qui concerne la France, le nombre d'aéroports concernés passerait ainsi de 16 à 6. Si était retenu le seuil de 2 millions privilégié par les autorités françaises, ce chiffre serait de 10.
En second lieu, la rapporteure a constaté que le Conseil n'avait pas maintenu la disposition destinée à consacrer la liaison entre les redevances et les coûts dans un article défendu par la France, notamment. Bien que cet article soit conforme aux recommandations de l'OACI, l'Allemagne et le Royaume-Uni s'y sont opposés, au motif qu'une telle disposition limiterait la souplesse de gestion des recettes commerciales dont ont besoin les réseaux aéroportuaires de certains Etats membres. La rapporteure a déploré que le compromis, adopté par le Conseil, qui renvoie dans un nouveau considérant la mention du principe de liaison des redevances et des coûts, ne réponde qu'indirectement à l'exigence de transparence.
Enfin, la rapporteure a relevé que la suite de la procédure de codécision demeurait incertaine. Comme le lui ont indiqué les services de la Commission, la question des redevances de sûreté prévue à l'article 9 de la proposition risquerait de faire ressurgir les débats qui ont opposé le Conseil et le Parlement européen lors de la discussion du règlement 23202002 sur le financement des mesures de sûreté. Voulant prévenir une telle perspective, la Commission et le Conseil ont préféré réserver cet article 9 jusqu'à la fin de la première lecture, qui devrait intervenir le 15 janvier 2008.
A la différence des Etats, qui sont donc sceptiques sur la portée de la directive, Mme Odile Saugues a indiqué que les compagnies aériennes étaient, en revanche, favorables à l'initiative de la Commission, tout en exprimant leur inquiétude devant le risque de sa dénaturation par les amendements du Parlement européen, qu'elles jugent trop favorables aux intérêts des aéroports. En ce qui concerne la France, elles soutiennent en particulier l'institution de l'autorité de contrôle indépendante, dans laquelle elles voient le garant d'un contrôle beaucoup plus impartial que celui exercé par la double tutelle actuelle de la DGAC et de la DGCCRF.
Face à ces appréciations, la rapporteure a déclaré avoir pris le parti de soutenir le texte, sous réserve que certaines améliorations y soient apportées. Elle a considéré que, tout en étant nécessaires puisqu'elles ne sont toujours pas appliquées par tous les Etats membres – les recommandations de l'OACI lui paraissent toutefois insuffisantes pour faire face aux distorsions de concurrence.
Dès lors, pour prévenir le risque d'une harmonisation a minima, Mme Odile Saugues a estimé qu'il importait d'agir dans trois directions, qui sous-tendent la proposition de résolution qu'elle a soumise à l'approbation de la Délégation :
- revoir le seuil d'application de la proposition de directive ;
- consacrer clairement, dans un article, le principe de la liaison entre les redevances et les coûts ;
- mettre en place des mécanismes efficaces de règlement des conflits.
En conclusion, elle a estimé que les discussions sur ce texte confirmaient de nouveau, à ses yeux, les difficultés déjà rencontrées dans d'autres modes de transport et auxquelles mène le souhait de la Commission de procéder à une libéralisation sans harmonisation. Elle a souligné que les dysfonctionnements qui en résultent appellent une régulation, car le seul jeu du marché ne peut contribuer à les corriger.
En résumé, Mme Odile Saugues a précisé que cette proposition prenait acte des propositions de l'OACI qui est connue pour sa sagesse, tout en les renforçant et leur donnant un caractère plus formel. Si les Britanniques pensent que tout peut se réguler par le marché, la France a une façon d'appréhender les choses qui correspond plus à la vision de l'OACI. Ainsi, le code de l'aviation civile dispose qu'un lien sérieux doit être établi entre les coûts et les redevances et pose une exigence de transparence, des commissions aéroportuaires intervenant dans le contrôle de l'équilibre entre le coût et la redevance. Ce même souci de transparence l'a amenée à introduire dans la proposition de résolution l'association des passagers à la procédure de consultation obligatoire dans la mesure où ils ont un intérêt à savoir à quoi correspondent les coûts. Cette proposition de directive se heurtera sans doute à la crainte des aéroports d'avoir à rendre des comptes sur la façon dont ils réalisent des bénéfices.