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Intervention de Ivo Sanader

Réunion du 19 février 2009 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Ivo Sanader, Premier ministre de Croatie :

La Croatie a effectivement demandé et obtenu le statut d'observateur auprès de l'Organisation internationale de la francophonie. Les jeunes Croates, de plus en plus nombreux, apprennent le français. Je m'en félicite. Cet intérêt croissant s'explique par l'attraction que la France, et Paris en particulier, exercent depuis toujours sur nos artistes et nos écrivains. La littérature française a nourri plusieurs générations de Croates. Ce fut mon cas : j'ai suivi des études de philologie romane et de littérature française, consacrant mon doctorat à Jean Anouilh.

Vous m'avez interrogé sur la situation dans les Balkans. Je considère que tout élargissement de l'OTAN et de l'Union européenne contribue à réduire l'instabilité dans la région. Je me félicite donc que la Croatie et l'Albanie rejoignent l'Alliance atlantique dans quelques semaines. S'agissant de l'Union européenne, il faut favoriser l'adhésion des pays de l'Europe du Sud-Est qui le souhaitent, si les conditions nécessaires sont remplies. Comme on l'a vu jusqu'à présent, l'adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN est un moteur de réforme. Nos voisins voient en la Croatie une nation qui s'est déjà beaucoup réformée, et ils constatent que ces réformes paient. La perspective de l'adhésion est une incitation à faire siennes les valeurs européennes. L'entrée de la Croatie dans l'OTAN n'est pas seulement une adhésion à une alliance militaire ; c'est avant tout une adhésion à des valeurs communes de paix, de respect des droits de l'homme et de démocratie, et à l'économie de marché.

Mme Karamanli a évoqué la faible adhésion des Croates à l'idée européenne. Il en a été de même lorsque l'hypothèse d'une adhésion à l'OTAN a été évoquée pour la première fois. À cette époque, un quart seulement de la population était favorable à cette idée. Mais lorsque nous avons expliqué qu'il s'agissait de partager des valeurs communes, l'image de l'OTAN a changé au sein de la population et la proportion de refus a diminué. Je suis convaincu qu'il en ira de même s'agissant de l'adhésion à l'Union européenne. Le problème vient de ce que, en cas de difficultés, les gens ont tendance à rejeter la faute sur l'Union, qui impose ceci ou cela à la Croatie – ce qui fait reculer leur soutien à l'idée européenne. Ainsi, en 2005, les négociations d'adhésion auraient dû commencer en mars, mais elles ont été reportées de sept mois à cause du cas Ante Gotovina. Inutile de dire qu'en mars, le soutien à l'entrée dans l'Union européenne était au plus bas. Mais, aussitôt les négociations lancées, la proportion de citoyens croates favorables à l'adhésion a remonté dans des proportions spectaculaires. Je suis certain que ce soutien se renforcera encore et que le référendum se soldera par 60 à 65 % de « oui ». Il est logique que les citoyens suivent les négociations d'adhésion avec attention, mais ils doivent avoir une vision exacte des choses.

M. Lecou m'a interrogé sur le respect des droits des minorités nationales. En 2003 déjà, mon gouvernement a demandé aux représentants de ces minorités de rejoindre notre coalition. Actuellement, le Sabor compte 153 députés, dont huit appartiennent à une minorité – trois Serbes, un Italien, un Hongrois, un Bosniaque, un Tchèque et, pour la première fois, un Rom. J'ajoute que l'un des vice-présidents est un Serbe. Le peuple croate doit faire preuve de sa largesse d'esprit en soutenant ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les minorités nationales. L'accord conclu à ce sujet avec la Serbie est des plus importants ; je l'ai co-signé en 2004 avec mon homologue de l'époque, M. Koštunica.

La Croatie est membre de l'Union pour la Méditerranée, qui instaure de nouvelles collaborations sans aller contre l'Union européenne. Tous les pays riverains de la Méditerranée devraient renforcer leur coopération car la crise énergétique les touche tous. Les propositions formulées à cet égard par la Commission européenne sont excellentes.

En Croatie, un nouveau ministre de l'intérieur et un nouveau ministre de la justice ont été nommés il y a quatre mois, et ils ont déjà obtenu d'excellents résultats. La réforme de la justice est lancée, et la Croatie bénéficie des conseils d'un expert français. Nous avons d'ailleurs décidé de nous conformer au modèle français pour ce qui est de la formation des juges, et une école de la magistrature ouvrira à l'automne à Split. Comme à l'école de Bordeaux, les candidats reçus au concours seront formés pour devenir des juges professionnels indépendants, et seule la compétence prévaudra.

Nous considérons que l'appartenance à l'OTAN et la définition d'une politique de défense européenne sont compatibles. Le partenariat transatlantique est la condition sine qua non de la stabilité, aussi bien pour les États-Unis que pour l'Europe. L'utilité de l'Alliance n'est plus à démontrer, ce qui n'empêche pas que la politique de défense et de sécurité européenne devra s'en émanciper.

Je ne conclurai pas sans remercier M. Patrick Bloche du travail accompli dans le cadre du groupe d'amitié France-Croatie et de ses aimables propos.

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