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Intervention de Ivo Sanader

Réunion du 19 février 2009 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Ivo Sanader, Premier ministre de Croatie :

Je remercie une nouvelle fois M. Axel Poniatowski et M. Pierre Lequiller de m'avoir invité à m'exprimer devant vous. Je les remercie aussi de leurs paroles d'encouragement et du désir qu'ils ont exprimé de voir la Croatie devenir le 28e État de l'Union européenne.

En engageant les démarches d'adhésion à l'OTAN et à l'Union européenne, la Croatie n'a pas pour autant tourné le dos à ses voisins. Elle continue de coopérer avec tous les pays de l'Europe du Sud-Est. Ainsi, je me rendrai le mois prochain en visite officielle à Belgrade pour poursuivre le dialogue fructueux engagé de longue date avec la Serbie. La Croatie et la Serbie ont, en particulier, signé dix accords bilatéraux relatifs à la protection croisée des minorités nationales - les Croates de Serbie et les Serbes de Croatie. Le dialogue entre Zagreb et Belgrade a un effet bénéfique pour tous les pays de la région. Certes, après que la Croatie a reconnu le Kosovo, des problèmes ont surgi entre nos deux pays, mais je suis convaincu que nous les surmonterons. Dans tous les cas, le dialogue serbo-croate est nécessaire, et la Croatie appuie la candidature de la Serbie à l'Union européenne et à l'OTAN.

D'autre part, j'ai reçu les représentants des trois communautés de Bosnie-Herzégovine. Dans ce pays, la réforme de la Constitution doit impérativement conduire à garantir à la fois l'unicité d'une Bosnie indivisible, l'égalité entre les trois communautés – serbe, bosniaque et croate – qui la constituent et une orientation euro-atlantique. La Croatie appuie sans faillir le dialogue entre les chefs de file des trois peuples qui, dans la Yougoslavie de Tito, étaient des peuples souverains traitant sur un pied d'égalité. Le maintien de la force multinationale de paix est encore nécessaire en Bosnie-Herzégovine, mais il serait bon que ce pays parvienne à s'émanciper politiquement et à devenir réellement indépendant.

La semaine dernière, j'ai reçu le Premier ministre albanais. Je m'apprête à me rendre en visite officielle au Monténégro et je suis aussi allé en Turquie. Comme vous le constatez, les efforts que nous déployons pour adhérer à l'Union européenne et à l'OTAN ne signifient pas que nous nous soyons le moins du monde détournés du reste de la région.

S'agissant de la Slovénie, je m'entretiendrai, la semaine prochaine, avec mon homologue, le Premier ministre Borut Pahor. Cette rencontre a bien entendu été préparée par des contacts diplomatiques. Je souhaite revenir un instant sur la question litigieuse du tracé de certaines de nos frontières communes, qui préexistait à l'adhésion de la Slovénie à l'OTAN et à l'Union européenne. Outre que le problème ne se pose que pour des segments limités de nos frontières communes, j'observe que la Slovénie a pu adhérer à ces deux organisations internationales alors que la question était déjà en suspens. Il n'y a aucune raison qu'il n'en soit pas de même pour la Croatie, d'autant que la situation était plus délicate lors de l'adhésion de la Slovénie : ce qui était alors en jeu était le tracé des frontières extérieures de l'Union européenne. La Slovénie étant désormais membre de l'Union, le différend porte sur des frontières intérieures ; le problème est donc beaucoup moins important. En 2004, la Croatie s'était félicitée de l'adhésion de la Slovénie à l'Union, sans avoir songé à bloquer le processus.

Le mieux serait de trouver une solution fondée sur les principes du droit international, en chargeant la Cour internationale de justice de La Haye de définir le tracé des frontières. Il faut que Zagreb et Ljubljana s'engagent, avant même l'ouverture de la procédure, à accepter la décision de la Cour. Les deux Parlements doivent faire une déclaration en ce sens. Même s'il en va autrement, les décisions de la Cour internationale de justice, organe judiciaire de l'Organisation des Nations unies, doivent s'appliquer. Privilégier une solution politique ne serait pas judicieux car le tracé des frontières ainsi déterminé ne pourrait que susciter des frustrations dans les deux pays. Mieux vaut, sans conteste, que la Cour tranche. Un différend du même type a opposé la Roumanie à l'Ukraine ; il leur a fallu dix ans pour trancher, mais elles y sont parvenues. En ce qui concerne la Croatie et la Slovénie, le litige est déjà vieux de dix-huit ans... Cela étant, la Slovénie est un pays ami et nous considérons que ce qui nous lie est bien plus important que ces quelques questions en suspens. En résumé, si la Slovénie a pu adhérer à l'Union européenne et à l'OTAN sans que le litige ait été réglé, la Croatie doit pouvoir le faire elle aussi.

La question m'a été posée des relations entre la Croatie et le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie – le TPIY – et, en particulier, de la remise au bureau du procureur des registres d'artillerie dont il a demandé la transmission. Je tiens à vous faire savoir qu'hier, le procureur du TPIY, M. Serge Brammertz a souligné devant le Coreper que la coopération entre la Croatie et le tribunal était très bonne et qu'il pensait avoir communication des documents demandés d'ici fin juin. La Croatie tient à respecter tant ses engagements internationaux que la loi constitutionnelle relative à la coopération avec le TPIY qu'elle a adoptée en 1995. Le TPIY, émanation du Conseil de sécurité des Nations Unies, est une excellente institution, puisqu'il est destiné à punir les auteurs de crimes et d'atteintes au droit international. Je me félicite donc de l'opinion très favorable exprimée hier par son procureur sur la coopération apportée par la Croatie.

Vous m'avez demandé quel a été l'impact de la crise financière sur la Croatie. Pour l'instant, les banques croates ont plutôt bien traversé la crise. Le système bancaire croate est assez stable. Quatre-vingt-dix pour cent des banques ont été privatisées ; elles sont désormais pour la plupart filiales de banques italiennes, allemandes et autrichiennes. La Société générale a aussi une forte présence dans notre pays. Notre système bancaire est solide et la crise ne l'a pas bouleversé. Les sociétés mères n'ont pas l'intention de retirer les dépôts constitués en Croatie, et les bénéfices des filiales croates des établissements bancaires étrangers continueront d'être réinvestis dans notre pays. J'ai eu des assurances à ce sujet, en particulier du nouveau gouvernement autrichien.

On peut craindre, en revanche, un plus fort impact de la crise économique, ce qui nous a poussé à constituer, il y a deux mois, un conseil économique composé d'experts chargés de conseiller le Gouvernement et les partenaires sociaux. Il est difficile de savoir si la saison touristique sera aussi bonne cette année que les années précédentes mais nous l'espérons ; nous nous félicitons en tout cas de ce que le nombre de touristes français en villégiature en Croatie ne cesse de croître. Le plus grave sera, à n'en pas douter, l'augmentation du chômage. Les experts du Conseil économique nous aideront à trouver des mesures évitant que nos PME soient contraintes de licencier.

S'agissant de la privatisation des chantiers navals, nous entretenons des contacts permanents avec la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne. En accord avec elle et avec les partenaires sociaux croates, nous allons lancer des appels d'offres internationaux concernant nos six chantiers navals les plus importants. À l'époque yougoslave, 90 % des chantiers navals de la Fédération étaient situés en Croatie. Nous disposons ainsi d'une main-d'oeuvre très qualifiée, et nous souhaitons maintenir cette activité et les emplois qu'elle représente. Nous attendons des nouveaux investisseurs qu'ils renforcent ce secteur important pour notre économie. Bien entendu, les appels d'offres seront faits avec l'aval de la Commission européenne.

La production gazière croate, qui provient d'une part des plateformes offshore situées en mer Adriatique, d'autre part des gisements exploités en Slavonie, couvre 60 % des besoins du pays. Les 40 % manquants sont importés de Russie, aux termes d'un accord passé avec Gazprom. La Croatie, membre de la Communauté de l'énergie, contribuera à ce titre à trois projets européens. Elle entend par ailleurs participer à trois projets lui permettant de diversifier l'origine de ses importations de gaz. Il s'agit en premier lieu de l'édification d'un terminal de regazéification de gaz naturel liquéfié, situé sur l'île de Krk. La construction et l'exploitation seraient assurées par un consortium au capital duquel Total et une société allemande participeraient à hauteur de 75 %, et la Croatie à hauteur de 25 %. Toutes les études techniques et d'impact environnemental ont déjà été faites et nous souhaitons que les travaux commencent au plus tôt. Je me suis par ailleurs entretenu avec M. Erdogan, Premier ministre de Turquie, de la construction d'un gazoduc reliant la mer Caspienne à l'Italie, et nous sommes convenus d'organiser une conférence ministérielle en Turquie à ce sujet. Ce projet intéresse un consortium constitué d'une société suisse et d'une société norvégienne. S'il aboutit, une interconnexion vers l'Albanie est prévue. Enfin, nous souhaitons importer du gaz d'Algérie, via l'Italie, en utilisant pour cela le gazoduc existant. Pour autant, nous ne souhaitons pas interrompre nos relations avec Gazprom, avec lequel notre accord arrive à échéance fin 2009 ; des contacts ont eu lieu hier encore, mais nous ne voulons pas dépendre de ce seul fournisseur.

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