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Intervention de Ivo Sanader

Réunion du 19 février 2009 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Ivo Sanader, Premier ministre de Croatie :

J'ai accepté avec grand plaisir votre invitation, qui me donne la possibilité d'engager un dialogue ouvert avec vous. Permettez-moi d'abord exprimer ma reconnaissance au Parlement français pour le soutien qu'il a apporté à la Croatie en vue de son adhésion à l'Union européenne et de son entrée dans l'OTAN. Je tiens à souligner l'importance de la décision prise par l'Assemblée nationale et le Sénat d'autoriser la ratification du protocole relatif à l'adhésion de la Croatie à l'Alliance atlantique, qui ouvre la voie à d'autres, jusqu'à l'achèvement du processus de ratification. Aussi, je l'espère, nous apprêtons-nous à célébrer dans un mois et demi, à Strasbourg et à Kehl, en même temps que le soixantième anniversaire de l'OTAN, le retour de la France dans sa structure militaire intégrée et l'adhésion de la Croatie, une adhésion qui contribuera également à accroître la capacité de défense européenne. La Croatie est déterminée à soutenir le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense, ce qu'elle fait déjà en participant aux missions de l'Union européenne au Tchad, en Afghanistan et au Kosovo. Le partenariat transatlantique, auquel notre pays apporte son plein soutien, a besoin d'une Europe forte, unie sur les principes du droit, de la solidarité et de la coopération.

C'est cette vision d'une Europe unie qui a inspiré des générations de Croates. Ils ont rêvé du jour où la Croatie, à nouveau aux côtés de la France et des autres démocraties occidentales, apporterait son concours à la construction de l'Europe de l'avenir. Nous n'oublions pas la déclaration de Robert Schuman, dans laquelle il affirmait : « Il n'est plus question de vaines paroles, mais d'un acte hardi, d'un acte constructif. La France a agi, et les conséquences de son action peuvent être immenses. Nous espérons qu'elles le seront. » Elles l'ont été, conduisant à l'intégration européenne. Ce processus doit aujourd'hui se poursuivre et s'approfondir.

À cet égard, je souligne mon plein accord avec le Président Nicolas Sarkozy quant à la nécessité d'achever le processus de ratification du traité de Lisbonne. Je ne le dis pas seulement à Paris : je l'ai dit l'an dernier à Dublin, et je l'ai redit à Prague, à la convention de l'ODS, à l'occasion de la réélection de M. Topolánek à la tête du parti au pouvoir.

Au moment où nous sommes confrontés à une crise financière et économique mondiale, il est plus que jamais indispensable que l'Europe se dote de mécanismes modernes lui permettant d'agir efficacement. Cette crise représente un grand défi, mais c'est également une chance pour approfondir de manière résolue l'intégration européenne. C'est pourquoi je soutiens ardemment le traité de Lisbonne, qui doit permettre le bon fonctionnement d'une Union européenne comptant en son sein la Croatie, vingt-huitième État membre. Le Président Sarkozy a clairement exposé cette perspective en décembre dernier, à Bruxelles et à Strasbourg. La Croatie s'en félicite car elle correspond aux valeurs fondatrices de l'Union européenne.

Notre pays a déjà accompli de grands progrès pour répondre aux critères d'adhésion. C'est pourquoi la Commission européenne a élaboré, en novembre dernier, une feuille de route en vue de la conclusion des négociations en 2009, processus confirmé en décembre par le Conseil européen, sous présidence française.

Toutefois, une semaine seulement après les conclusions de ce Conseil européen de décembre, le Gouvernement de la Slovénie a décidé de bloquer nos négociations d'adhésion en raison d'un contentieux frontalier bilatéral non résolu. Ce faisant, les Slovènes ont négligé le fait qu'ils avaient eux-mêmes rejoint l'Union européenne sans que ce problème ait été réglé. À l'époque, nous ne l'avions pas porté au niveau européen ; au contraire, nous nous étions félicités de l'adhésion de nos voisins à l'Union. Aujourd'hui, les mêmes règles doivent s'appliquer à la Croatie. Les deux processus, celui des négociations d'adhésion et celui du règlement de la question frontalière, sont tout à fait indépendants et doivent être clairement distingués.

Permettez-moi de rappeler que pour éviter toute nouvelle tension, l'ancien Premier ministre slovène Janez Janša et moi-même, forts du soutien des dirigeants des partis de l'opposition, en Slovénie comme en Croatie, sommes convenus en août 2007, à Bled, de soumettre ce litige à la Cour internationale de justice de La Haye. Nous avions alors conclu d'un commun accord – et cette conclusion vaut toujours – que, le droit international et les conventions auxquelles nos deux pays ont souscrit constituant la pierre angulaire de l'ordre européen, la seule solution durable était de nous en remettre à l'arbitrage de la Cour internationale de justice.

Conformément à l'accord de Bled, la Slovénie et la Croatie ont installé des commissions mixtes chargées de préparer la procédure à engager auprès de la Cour de La Haye. Mais, alors que ces commissions sont allées très loin dans l'harmonisation des critères à retenir dans la procédure auprès de la Cour, nous assistons à une tentative visant à résoudre notre litige frontalier en pesant sur le cours de nos négociations d'adhésion avec l'Union européenne. Nous rejetons ce faux dilemme. La Croatie rejoindra l'Union européenne comme la Slovénie l'a fait, et sous les mêmes conditions.

Je tiens à souligner aussi que, demain, la Croatie, membre de l'Union européenne, s'engagera en faveur d'une perspective européenne pour tous ses pays voisins d'Europe du Sud-Est, et que jamais elle ne bloquera leurs négociations d'adhésion en raison de questions bilatérales. N'est-ce pas la force même de l'Union européenne que la primauté du droit, la solidarité, la tolérance ? N'est-ce pas la force de la déclaration Schuman d'avoir mis fin aux affrontements frontaliers et fait prévaloir la paix et la prospérité dans un espace élargi ? Au cours de ces six dernières décennies, par son influence et son autorité, la France a contribué, avec les autres démocraties européennes, à l'aboutissement de ce projet. Je suis convaincu que le temps des « actes hardis et constructifs » est à nouveau venu, celui de la consolidation des principes fondamentaux d'une Union européenne forte, à l'avenir de laquelle la Croatie entend apporter sa contribution en tant que vingt-huitième État membre.

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