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Intervention de Yves Bur

Réunion du 25 juin 2008 à 14h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, Rapporteur :

, a estimé qu'il fallait se diriger vers une révision générale des exonérations de cotisations sociales. Tel sera le titre du rapport de la mission d'information commune constituée en novembre dernier par les commissions des Affaires sociales et des Finances.

Pourquoi une révision générale ? Parce que nous sommes face à 72 dispositifs : dans ce foisonnement peu cohérent, certains se cumulent entre eux, d'autres n'ont pas prouvé leur efficacité, d'autres encore ont un coût considérable pour nos finances publiques. Il faut donc mettre en place une nouvelle gouvernance – ou même tout simplement une gouvernance de cet ensemble dont le coût avoisine 50 milliards d'euros pour la sécurité sociale, en grande partie – mais pas parfaitement – compensés par l'État.

En particulier, il faut instaurer une évaluation systématique ex ante, sous la forme d'une étude d'impact, des mesures d'exonération envisagées : Quel outil pour quel besoin ? Quel calibrage et quel chiffrage, brut et net ? Quel gage, quelle compensation pour assurer la neutralité financière du dispositif ? Quelle durée d'application, et quelles modalités d'évaluation périodique ? La loi de financement pourrait voir sa dimension de pilotage renforcée, à la fois à travers le vote d'un « objectif de coût des exonérations de cotisations sociales » et la ratification, pour l'année à venir, de l'ensemble des nouvelles mesures d'exonération votées dans l'année écoulée. Ce sujet a d'ailleurs fait l'objet tout récemment au Sénat d'une modification du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions. À la tacite reconduction aujourd'hui trop souvent de mise, doit succéder une discipline de réévaluation systématique des exonérations en vigueur.

La mission a distingué trois grandes catégories d'exonérations : les allégements généraux, les exonérations ciblées et les exemptions d'assiette ou « niches sociales ».

– Depuis quinze ans, les allégements généraux ont présenté un intérêt certain au cours des deux phases, « offensive » puis désormais « défensive », de leur application. Les évaluations sont partielles et peu cohérentes entre elles en termes de méthode, mais une chose est certaine : la première phase de cette politique, dite « Juppé », jusqu'en 1997, a permis de prouver clairement qu'elle avait un effet sur l'emploi. Dès lors, la suppression du dispositif serait très préjudiciable à notre économie, sans doute à hauteur de 800 000 emplois, ce que tous les partenaires sociaux et experts entendus par la mission ont admis, quoiqu'à des degrés divers. Il est cependant envisageable d'atténuer le coût des allégements généraux, qui s'élève à 23 milliards d'euros en 2008. Plusieurs pistes sont ouvertes par la mission, afin d'offrir une sorte de boîte à outils pour une réforme. Il ne s'agit pas en effet de dicter au gouvernement les contours d'un dispositif futur.

On peut ainsi envisager de passer progressivement de 1,6 à 1,4 SMIC (soit, à terme, un gain de 6 milliards d'euros), par étapes, dont la première pourrait consister à abaisser le seuil de sortie des allégements de 1,6 à 1,55 SMIC, la deuxième de 1,55 à 1,5, etc. Une autre réforme envisageable serait de réserver les allégements généraux aux 500 ou 1 000 premiers salariés des entreprises, pour un gain de 3 à 4 milliards d'euros, là où la Cour des comptes recommandait de manière beaucoup plus drastique de réserver les allégements aux entreprises de moins de 20 salariés. Il est également possible d'instaurer une conditionnalité en termes d'ouverture d'une négociation salariale, ou encore d'adapter les allégements généraux afin de limiter le développement du travail à temps partiel. En effet, celui-ci a pu être encouragé par le passé, avant 1993 ; il est en revanche aujourd'hui trop souvent subi plutôt que choisi. On pourrait enfin introduire progressivement l'annualisation du calcul des allégements, afin de lutter contre les comportements d'optimisation de certaines entreprises, et ne plus calculer le seuil en fonction du SMIC voire, au-delà, introduire une désindexation permettant une extinction progressive de ces allégements.

– Pour les exonérations ciblées, la révision générale doit consister à réexaminer, dispositif par dispositif, au moyen d'un cahier des charges type, la pertinence des mesures existantes. Celles-ci sont en effet foisonnantes et leur impact marginal est mal évalué, bien que leur coût avoisine 5,5 milliards d'euros. Ciblées tantôt sur des personnes à protéger, tantôt sur des secteurs d'activité à encourager, tantôt sur des territoires à accompagner, elles répondent à des logiques croisées qui ne forment pas un ensemble cohérent. Quant à leur efficacité individuelle, elle est sujette à caution. La mission s'est penchée en particulier sur trois politiques : le zonage prioritaire (ZFU, ZRU et ZRR), l'outre-mer et le secteur des hôtels, cafés et restaurants (HCR). Chacun de ces exemples montre le déficit d'évaluation et le coût important des mesures en place, pour un impact marginal qui n'est pas évident.

Dès lors, plusieurs améliorations sont envisageables, une fois acquis le principe d'un réexamen systématique :

– la suppression du cumul parfois possible entre exonération ciblée et allégements généraux et la remise en cause des exonérations ciblées dont l'efficacité ne serait pas démontrée ;

– la recherche d'un financement direct sur crédits budgétaires, mieux susceptibles, par rapport à de moindres recettes, de faire l'objet d'une gestion par la performance ;

– a minima, une harmonisation des dispositifs, par secteur ou par public visé ;

– l'enrichissement des annexes aux lois de finances et de financement dans le but d'un meilleur pilotage.

– S'agissant enfin des niches sociales, les études sont rares également, circonscrites pour l'essentiel à deux rapports : le premier rapport ad hoc du gouvernement, quinquennal, remis à l'automne dernier, et le rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement, qui s'est emparé du sujet en 2002 et de nouveau en 2007. Bien que le champ couvert comme les méthodes de calcul diffèrent d'un rapport à l'autre, la mission a pu conclure à l'existence d'exemptions d'assiette caractéristiques d'un régime trop favorable en l'état actuel des comptes sociaux.

En effet, pour le Gouvernement, la somme des niches relatives à l'épargne salariale et à l'actionnariat salarié, des aides directes consenties aux salariés, des dispositifs de prévoyance complémentaire et de retraite supplémentaire et des indemnités de rupture du contrat de travail aboutit à une perte totale d'assiette de quelque 41 milliards d'euros. La Cour des comptes est allée plus loin, d'une part en élargissant les pertes d'assiette aux prestations sociales, revenus de capitaux mobiliers, revenus fonciers et cotisations des employeurs publics, d'autre part en traduisant ces pertes d'assiette en pertes de recettes, pour un total de 32,1 à 36,6 milliards d'euros.

Le premier réflexe d'amélioration doit consister à clarifier la ligne de partage entre exonérations de cotisations, qui doivent être compensées et continuer à couvrir des droits, et exemptions d'assiette, non compensées mais n'ouvrant pas de droits et contribuant de façon spécifique au financement de la protection sociale.

La discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a montré, avec l'exemple des stock-options, la difficulté qu'il y a à se saisir d'un dispositif particulier, de telle sorte qu'il vaut mieux aborder la question dans son ensemble. Le rapport préconise ainsi l'instauration d'une flat tax sur la quasi-totalité des niches sociales :

– 5 % sur tous les dispositifs d'épargne salariale avec franchise de 200 euros et affectation aux régimes obligatoires de base, pour un rendement potentiel de 650 millions d'euros ;

– 5 % également, sans franchise ni annualisation de la perception, sur les autres niches sociales, regroupées en trois catégories (prévoyance complémentaire et retraite supplémentaire, avantages directs consentis au salarié et indemnités de rupture du contrat de travail), pour un rendement potentiel de 1,23 milliard d'euros.

La flat tax ayant pour définition une vocation générale, il ne serait pas opportun de recréer en son sein de nouvelles niches en faveur de tels ou tels bénéficiaires ou secteurs.

Ces premières préconisations pourraient être encore détaillées mais elles forment d'ores et déjà un ensemble assez ambitieux, qui permet de donner corps sans plus tarder à la perspective d'une révision générale des exonérations de cotisations sociales.

En conclusion, il ne s'agit pas de proposer au gouvernement de cumuler toutes les mesures proposées par le rapport, mais simplement de constituer une boîte à outils à laquelle il pourra être recouru dans la perspective des débats sur les prochains projets de loi de finances et de financement.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

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