Je regrette de n'avoir pu entendre toutes les interventions, car je me devais d'assister également au débat sur le Grenelle de l'environnement qui se déroule dans une salle voisine. Mais cette discussion étant enregistrée, j'en prendrai connaissance plus tard.
Dans l'immédiat, je souhaite faire quelques remarques sur les points qui me paraissent les plus importants.
On dit qu'il faut laisser les historiens travailler. Rien ne les en empêche. La loi ne fait que donner les moyens de poursuivre les négationnistes militants, ceux qui profitent du public captif des universités et des établissements scolaires pour propager des points de vue idéologiques, qui ne relèvent pas du débat sur l'histoire. Ce débat, lui, se poursuit.
De même, une affirmation récurrente est que les historiens contestent les lois dites mémorielles. Il existe en réalité plusieurs sensibilités : certains historiens ont exprimé, par des tribunes, des ouvrages, des pétitions, des rassemblements, leur soutien à ces lois, parce qu'elles s'adossent à leur propre travail.
En ce qui concerne l'éducation, il est évident que son rôle est essentiel. Nous y sommes particulièrement sensibles, mais il faut se rendre compte que l'Éducation nationale n'est malheureusement plus la source dominante du savoir. Il faut donc réfléchir à des méthodes, à des supports pédagogiques originaux, plus efficaces, pour assurer cette mission. Celle-ci étant par nature régalienne, la nation doit préciser autour de quel axe et avec quel ton doit être enseignée son histoire, afin de faire vivre ses valeurs et de préparer l'avenir.
Sur l'histoire en tant que science non exacte, je renvoie à Marc Augé, qui réfute la possibilité de l'objectivité dans ce domaine. Les historiens sont aussi des hommes, parfois très engagés dans la société. En outre, la relation des faits n'est pas elle-même pleinement objective.
Quant aux dates, contrairement à ce que disait M. Pichot à propos du 10 mai, je pense qu'elles sont importantes. Elles sont les repères autour desquels les choses peuvent se faire. La commémoration est certes un prétexte : prétexte à communier, à transmettre une vision de l'histoire, de la société ou du présent, à élargir les vues, à poser d'autres débats… Elle n'en est pas moins un moment essentiel dans une société humaine.
Bien sûr, les dates font polémique, puisqu'elles commémorent des événements eux-mêmes conflictuels, et parfois même extrêmement douloureux. Il est incontestable que le choix d'une date est un choix politique. Dans de tels conflits, chaque partie défend sa propre date et ce qu'elle signifie pour elle. Mais il faut bien trancher, même si, ce faisant, il se peut que l'on n'ait pas absolument raison. Il faut trancher, et il revient au Parlement d'assumer cette responsabilité.
Les polémiques autour des dates ne sont pas toujours fantaisistes, loin s'en faut. Parfois une confrontation a lieu entre une vision universaliste, qui place chacun dans l'ensemble de l'histoire du monde, et une vision assimilationniste, qui sectarise et segmente. Ce qui importe, c'est que le débat démocratique ait lieu et qu'un arbitrage soit prononcé. Pour les Algériens, le 8 mai 1945 n'est-il pas aussi le jour des massacres de Sétif et de Guelma, et du début de la guerre d'Algérie ?
On a parlé de la tentative d'écrire une histoire commune aux Français et aux Allemands, une démarche qu'ont d'ailleurs également tentée des historiens israéliens et palestiniens. Le projet très politique d'Union méditerranéenne pourrait sans doute servir de cadre à une initiative comparable.