Pendant des décennies, dans nos départements d'outre-mer, le terme d'esclavage était un gros mot à ne pas prononcer. On ne fêtait que Victor Schoelcher – le 21 juillet, soit 8 jours après le 14 juillet – pour son action de lobbying auprès des autorités de l'hexagone et pas tous ceux, comme Ignace par exemple, qui s'étaient également battus pour que l'abolition soit prononcée. En 1970, le mouvement nationaliste, par son travail de recherche, permit aux Guadeloupéens de savoir que le 27 mai, le jour où le décret d'abolition avait été pris, était un grand jour. Il y eut alors de nombreuses manifestations en vue d'effacer cet oubli. Cet oubli était pesant et ne permettait pas à la population de fêter le 14 juillet. On se disait en effet qu'il s'agissait de deux fêtes différentes, de deux communautés différentes, de deux nations différentes.
La commémoration doit avoir un caractère national. La proposition de loi de Mme Christiane Taubira, déposée à l'Assemblée nationale le 22 décembre 1998, était d'ailleurs destinée à renforcer la cohésion nationale. Nos jeunes en ont besoin pour pouvoir se reconnaître, pour s'identifier et pour participer à l'évolution de leur pays, à l'intérieur de la France.
Il faut une date nationale unique, qui s'impose à tous et qui permette de susciter la réflexion, aussi bien chez nos jeunes des îles que chez nos jeunes de l'hexagone, dans la mesure où l'esclavage a concerné tout le monde. Il y avait deux fêtes en Guadeloupe, le 26 et le 27, une en Martinique, le 22, une en Guyane, une à la Réunion. Il serait important qu'il y ait une seule commémoration, ici et dans les îles.
Qui devrait décider des axes de la politique des commémorations ? Le travail des historiens est important. Nous devons y prendre appui, mais aussi écouter les acteurs locaux. Pour qu'il n'y ait pas de contestation et de retours en arrière, pour qu'elles puissent s'imposer à tous, il faudrait que la représentation nationale fixe les contours de ces dates de commémorations.