Il y a dans notre histoire une seule date où, le même jour, à onze heures, les maires des 36 000 communes de France se rendent au monument aux morts. Je n'en dirai pas autant du 8 mai, ni même du 14 juillet. Cela signifie qu'il y a des commémorations plus importantes, plus générales que d'autres.
Un intervenant s'est demandé si la commémoration du 11 novembre aurait encore lieu dans cent ans. Je n'en sais rien. Mais il est sûr que, sauf cataclysme, les monuments aux morts seront toujours là. On peut donc penser que dans cent ans, on continuera à commémorer le sacrifice de 1 400 000 Français.
Il y a des commémorations de toutes sortes. Certaines ne concernent qu'un groupe et n'en sont pas moins légitimes. Mais sur le plan national, il ne peut y avoir qu'un petit nombre de commémorations. Nous savons à peu près lesquelles. Je parle là en tant que président de la commission qui devait s'occuper de la commémoration du quatre-vingt-dixième anniversaire.
En tant qu'historien, je voudrais parler du rapport entre la commémoration, la mémoire et l'histoire. Les trois notions ont des points communs, mais elles sont différentes et il faut y faire attention. L'Assemblée nationale a voté plusieurs lois dites mémorielles, vis-à-vis desquelles nombre d'historiens ont été très réticents. Ces lois ne partent pas d'un mauvais sentiment, mais la loi est-elle le meilleur moyen de faire l'histoire et de la régler ? Sans compter que des sanctions sont prévues et que l'on peut interdire de dire telle chose ou de faire telle ou telle analyse.
On a évoqué le repentir – ou la repentance. Pour un historien, le repentir constitue une absurdité. Il convient d'analyser ce que fut l'histoire, et dire tout ce qu'elle fut. Cela ne signifie pas pour autant qu'il faille se repentir. Comment se repentir ? Sur le dos de nos ancêtres ? J'y verrais là une sorte de dérapage.
Enfin, il n'y a pas de peuple sans histoire, et donc sans commémoration. Il faut laisser évoluer les commémorations en fonction des circonstances et du temps qui passe. Les commémorations sont indispensables. Mais l'histoire, c'est autre chose.