Pour le politique et le maire que je suis, les dates qui ne tiennent pas ont toutes été introduites depuis une dizaine d'années. Parmi la douzaine de commémorations dont vous parliez, il y en a ainsi un certain nombre que je ne célèbre pas. C'est le cas de celle du 5 décembre, que la plupart de ceux qui ont vécu la guerre d'Algérie ne comprennent pas ; c'est le cas de celle qui correspond à la guerre d'Indochine.
Les dates qui « marchent » sont sans doute celles qui sont liées aux grandes guerres, surtout si elles ont eu lieu sur notre sol : le 11 novembre, le 8 mai, etc., pour lesquelles il existe encore une mémoire collective, même lorsqu'il n'y a plus de survivants. Le cas de la guerre d'Algérie est un peu particulier, mais la Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie (FNACA), qui est particulièrement active, compte encore 363 000 membres. Ce sont alors des moments de mémoire forts qui amènent les citoyens à se recueillir et à se souvenir devant les monuments.
Les autres dates – le 10 mai et le 23 novembre, par exemple – sont légitimes. On peut comprendre que l'on ait envie de se souvenir de ces moments et de les retenir. Mais, selon moi, elles relèvent difficilement d'une commémoration devant le monument aux morts sur la place du village. Je pense plutôt à une Journée nationale, à un cycle de conférences, etc.
Qui doit fixer la date d'une commémoration : le politique, l'historien ? Je suis partagé, et je reconnais ce que cela peut avoir de subjectif. En fin de compte, je considère que ce doit être le politique, mais après qu'il ait entendu l'historien.
Il faut célébrer les dates de commémoration tant qu'il y a des survivants. Mais fêtera-t-on encore le 11 novembre dans cent ans ? Est-ce que cela aura toujours du sens ? On a sûrement oublié des épisodes de l'histoire de France tout aussi tragiques, qui se sont produits il y a 200 ou 300 ans.
Il est difficile d'amener les jeunes générations au monument aux morts. Pour le quatre-vingt-dixième anniversaire du 11 novembre, j'ai dû me gendarmer auprès des enseignants de l'école de ma commune pour qu'une classe soit représentée à la cérémonie ; et je sais qu'il sera difficile de faire « perdre » une journée aux parents.
Si tant est que la paix dure, il faudra malgré tout conserver quelques dates, en revenant à une proportion raisonnable, pour que les gens puissent se recueillir et se souvenir collectivement de tous ceux qui se sont battus et qui ont souffert pour eux. Pour autant, au moment où je vous parle, je ne suis pas sûr que la loi soit la meilleure des solutions. Et si c'était le cas, il faudrait prendre beaucoup de précautions et recueillir l'avis pertinent des historiens sur la question.