Personne – pour revenir sur les interventions de M. Romana et de Mme Vergès – ne peut parler au nom des descendants d'esclaves. Cette dernière notion est d'ailleurs complexe : nul n'est capable de produire un arbre généalogique certifiant qu'il n'a pas d'ascendant esclave ou négrier. Il est vrai que certaines parties de la République outre-mer comptent plus de descendants d'esclaves qu'ailleurs, mais nul n'est fondé à parler en leur nom. Je ne tiens pas d'ailleurs à donner le sentiment que dans les DOM, les descendants d'esclaves sont forcément insensibles aux autres souffrances.
La multiplication de dates décidée à la suite de la circulaire prise au printemps dernier est en outre loin d'avoir fait l'unanimité parmi les Domiens. La date du 10 mai a été retenue à la suite de la loi Taubira de 2001. Je n'y étais pas vraiment favorable – 10 mai 1802, 10 mai 1940, 10 mai 1981…, cela peut évoquer tout ce que l'on veut –, mais il fallait bien s'accorder sur une date et la question a été tranchée par le Président de la République. Pourtant, la date du 23 mai a été brandie par d'autres. Je mets au défi quiconque de justifier l'existence de deux dates pour commémorer l'esclavage. Non seulement je ne l'ai pas compris, pour suivre moi-même ces questions de près, mais ni les Français ni, ce qui est plus grave, les personnes concernées ne l'ont non plus compris.
Autant le 10 mai dernier, place de la République, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont venues non pas manifester pour la reconnaissance d'une « identité noire », mais tout simplement marcher pour les libertés, autant le 23 mai, devant la Basilique de Saint-Denis, lieu que nous avions alors retenu, il n'y avait personne.