Je formulerai pour ma part deux observations, d'abord à propos du mot « repentance », étant précisé que, n'en déplaise à certains, je suis Français, extrêmement fier de l'être et très attaché aux valeurs de mon pays.
Le français ne connaît pas le mot « repentance », mais le mot « repentir », qui s'inscrit dans un cadre religieux et qui n'est certainement pas d'usage convenable pour une République laïque. Le mot « repentance » est en effet un anglicisme très souvent utilisé depuis les années quatre-vingt-dix. Déjà très connoté, il devrait être réservé au langage journalistique.
Ma seconde observation sera pour faire part de mon étonnement, à l'écoute des travaux de la mission, de n'avoir que rarement entendu un mot qui, finalement, devrait résumer à lui seul nos échanges, celui de « racisme ».
Présent ici en qualité de président d'une association qui essaie, à grand mal, de rendre hommage au général Dumas, le père d'Alexandre Dumas, figure emblématique des questions que nous avons à traiter aujourd'hui, je suis par ailleurs membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, institution honorable, qui va fêter ses soixante ans. Cette Commission m'a permis de constater combien le racisme est largement partagé dans notre pays. Selon un dernier sondage remis à M. le Premier ministre au mois de mars dernier, un Français sur trois se déclare raciste. C'est assez alarmant.
Quel rapport avec notre sujet, me direz-vous ? C'est que rien ne justifierait l'existence des lois « mémorielles » s'il n'y avait pas cette question du racisme.
Qu'y a-t-il de commun entre le génocide arménien, l'esclavage et la Shoah ? Tous ces événements ont impliqué des Français victimes du racisme. Aussi, je regrette que l'on ne souligne pas suffisamment, y compris dans le préambule de textes magnifiques comme celui de Christiane Taubira, que si cela vaut la peine aujourd'hui d'en parler, ce n'est pas pour accuser les uns ou les autres, mais parce qu'il y a une catégorie de Français à part entière qui se sentent blessés lorsque l'on parle de l'esclavage d'une certaine façon, lorsqu'on nie la Shoah ou encore lorsque l'on prétend que le génocide arménien n'en est peut-être pas tout à fait un.
Sans vouloir polémiquer, il est utile de rappeler que le racisme constitue un vrai problème en France. Aussi, j'espère que le rapport de la mission d'information fera avancer le débat en la matière, car je n'ai pas le sentiment que, parmi les plans définis comme urgents par le gouvernement, figure un plan de lutte contre le racisme. Le racisme est pourtant contraire à au moins deux principes fondamentaux de notre République : la fraternité et l'égalité.
Peut-être faudrait-il recentrer le débat et se demander, au lieu de parler de concurrence des mémoires, de repentance, d'auto-flagellation, pourquoi on en est finalement passé par des lois. Si l'on en est venu là, n'est-ce pas parce que des Français se sentent blessés et que d'autres sont solidaires car, on le sait, notre nation est généreuse ? La question du racisme est donc, à mon sens, fondamentale. Voilà pourquoi il convient également d'aborder cette notion.