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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 18 février 2009 à 8h15
Commission des affaires étrangères

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

De toute évidence, mesdames et messieurs les députés, votre principale interrogation est de savoir si nous sommes à la remorque des Américains. Je vous réponds clairement par la négative.

À vous écouter, monsieur Boucheron, nous serions les ambassadeurs des Américains. Mais regardez la politique étrangère que nous menons ! En Syrie, nous nous sommes opposés aux Américains. Et l'exemple évoqué par Mme Guigou est encore plus probant puisque, précisément, nous avons refusé qu'un droit d'entrée automatique dans l'OTAN soit accordé à l'Ukraine et à la Géorgie. C'est à la suite de la prise de position de la France et de l'Allemagne que les six pays fondateurs de l'Union européenne se sont déclarés hostiles à cette éventualité.

En Géorgie, la présidence française et l'ensemble de l'Union européenne se sont interposées et ont arrêté la marche des troupes russes vers Tbilissi. Là aussi, nous n'avons pas toujours eu la même position que les Américains. Ne nous qualifiez donc pas d'ambassadeurs des États-Unis !

Toutefois, construire la défense européenne n'est pas chose facile. Les budgets varient considérablement d'un pays à l'autre ; certains bénéficient du « parapluie » américain et ne souhaitent pas y renoncer ; la plupart des opérations militaires communes sont essentiellement composées, pour ce qui est des Européens, de l'Angleterre et de la France, le reste étant constitué de contributions marginales. Bien sûr, il faut convaincre nos partenaires, Lituanie, Lettonie et Estonie comprises, de s'y investir davantage. Mais comment le faire si nous sommes taxés d'antiaméricanisme systématique et si chacune de nos initiatives en faveur de la défense européenne est perçue comme dirigée contre l'OTAN ?

De ce point de vue, le discours de Georges Bush au sommet de Bucarest a été décisif : « Nous comprenons la nécessité d'un pilier européen et d'une défense européenne », a-t-il affirmé. Joe Biden l'a répété avec davantage de lyrisme il y a quelques jours à Munich : non seulement il a accepté l'idée de défense européenne, mais il lui a apporté le soutien des États-Unis. Voilà ce que nous recherchons et, contrairement à ce que vous prétendez, cela n'a rien d'idéologique.

À quoi sert l'OTAN ? Tant que nous n'y participerons pas, tant que nous n'aurons pas conçu un nouveau dispositif dans lequel nous ne serons pas systématiquement opposés aux Américains et à ceux qui, comme les anciens pays de l'Est, recherchent une protection, nous n'aboutirons à rien. Dire que l'OTAN a changé et qu'elle n'est plus dirigée contre le pacte de Varsovie n'a rien d'extravagant : c'est du bon sens !

Vous voudriez qu'on ne revienne pas sur la décision de 1966 ? Que Pierre Lellouche me permette de citer le propos de François Mitterrand dans son intégralité : il évoquait « une volonté d'isolement fondée sur l'idée que le nationalisme est la vérité de notre temps ». Et il ajoutait : « S'il me fallait définir votre politique de façon plus précise, je dirais que c'est une sorte de poujadisme aux dimensions de l'univers. ».

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