Monsieur le ministre de la défense, vous avez dit que la décision du Gouvernement nous ferait devenir adultes ; j'ai au contraire le sentiment qu'en revenant dans les structures intégrées de l'OTAN, la France va être infantilisée. En effet, vous rompez avec la position exposée par le général de Gaulle lors du discours de Phnom Penh, qui avait fait la force de notre pays et avait donné lieu à un consensus national entretenu par les présidents de la République et les gouvernements successifs.
Comme l'a dit Élisabeth Guigou, cette démarche remet en cause l'image de la France dans le monde, si précieuse pour une puissance de notre taille, ainsi que notre marge de manoeuvre politique qui, bien que modeste, nous est nécessaire. La géographie influe sur la politique de défense et sur la politique étrangère et nous ne pouvons pas avoir la même position que les États-Unis sur la Méditerranée, la Russie, la Chine ou ce que l'on appelait auparavant le tiers-monde. Qu'est-ce que la France peut y gagner, alors que nous vivons dans un monde de plus en plus dangereux et que l'OTAN va désormais rassembler, au-delà de l'Atlantique Nord, des pays d'Europe de l'Est, voire de plus loin encore, pour mener des actions dans le monde entier ? Pour assurer des postes à quelques officiers généraux qui seront, de toute façon, sous commandement américain, on ferait des Français des enfants ? La précipitation avec laquelle les pays d'Europe de l'Est ont voulu entrer dans l'OTAN, de préférence à l'Union européenne, montre bien qu'il ne s'agit pas d'une européanisation de l'OTAN, mais d'une « otanisation » de l'Europe.
Il nous faut alerter le peuple français sur la perte future de son indépendance nationale et de sa souveraineté. C'est une décision idéologique, en totale cohérence avec le projet que le Président de la République cherche à imposer à la France, tant sur le plan économique, sociétal, sécuritaire que militaire.