Pour ce qui concerne tout d'abord l'européanisation de l'OTAN, la démarche du Président de la République est extrêmement claire et a été annoncée dès son entrée en fonction : il s'agit, d'une part, de construire l'Europe de la défense et, d'autre part, de permettre aux Européens de devenir en quelque sorte « adultes » en matière de sécurité et de défense pour participer davantage à l'Alliance atlantique, tout en faisant justice de l'idée, répandue chez la plupart de nos collègues européens, selon laquelle la France voudrait promouvoir l'Europe de la défense contre l'Alliance atlantique.
Tous ceux qui, autour de cette table, ont exercé des responsabilités ou connaissent les relations européennes savent en effet que la plupart des Européens – sinon la totalité d'entre eux – voient dans l'Alliance atlantique le système qui assure leur sécurité collective depuis 1949. Plus encore que le camp occidental traditionnel, les pays qui ont rejoint l'Union européenne depuis la chute du mur de Berlin la considèrent comme la garantie de sécurité de leur indépendance. La démarche du Président de la République a donc consisté à convaincre nos partenaires européens que la construction de l'Europe de la défense soutenue par la France donnait à l'Europe une capacité autonome de mener des opérations militaires – comme celle qui est actuellement engagée, sous le commandement d'un amiral britannique, contre la piraterie dans le golfe d'Aden.
Il s'agit également de faire sortir les Européens de l'infantilisation dans laquelle ils sont plongés depuis longtemps et de leur faire prendre conscience que l'Europe que nous voulons n'est pas dirigée contre l'Alliance atlantique. Lever ce doute était indispensable pour que l'Europe de la défense puisse progresser.
L'Europe s'est construite en renonçant aux instruments traditionnels de la puissance et a été conçue comme une école de paix et de stabilité, comme une puissance normative, et non comme une puissance militaire. Jusqu'au milieu des années 1990, aucune déclaration politique des chefs d'État et de gouvernement n'évoque même le terme d'« Europe de la défense ». Des avancées importantes ont été réalisées dans ce sens durant la présidence française de l'Union européenne, qui se traduisent en particulier par le lancement du programme d'imagerie spatiale MUSIS, la mise en oeuvre d'un programme de rénovation des hélicoptères, la mise en place d'une flotte commune de transport tactique répondant à un besoin criant, l'élaboration d'un plan d'évacuation des ressortissants européens en cas de crise, la création d'un réseau permettant de mutualiser la surveillance et la protection des côtes européennes de la Baltique à la Méditerranée et le lancement de programmes tels que l'ERASMUS militaire, qui permet aux officiers de tous les pays de suivre une partie de leur formation dans un autre pays.
Je le répète, le Président de la République souhaite convaincre les Européens que la construction de l'Europe de la défense ne se fait pas contre l'Alliance atlantique. Les Européens doivent devenir responsables de leur propre sécurité et ne pas la faire reposer sur les autres. La montée en puissance de l'Europe de la défense nous permettra de peser davantage au sein de l'Alliance atlantique et de nous inscrire dans un rapport plus équilibré avec nos alliés et nos amis américains.
J'en viens à la question des postes. Indépendamment des questions politiques, qui seront étudiées en leur temps, le retour de la France au sein du commandement intégré se traduira par la participation au comité des plans de défense, dont la France est aujourd'hui absente, et par un net renforcement de la présence française dans les états-majors. Si cette présence devait être comparable à celle des autres pays participant au commandement intégré, on compterait environ 900 militaires français dans ses différentes structures, contre 100 actuellement. La négociation de postes de responsabilité est menée au plus haut niveau avec les chefs d'État et de gouvernement concernés. Le symbole de l'européanisation de l'OTAN serait bien évidemment que soient confiés à des Français des postes aujourd'hui occupés par des Américains – ce qui est précisément le cas du commandement opérationnel de Lisbonne et du commandement stratégique de Norfolk, que vous évoquez.