Nous avons travaillé trois années de suite sur des questions connexes à la PAJE. Le chapitre consacré à ce sujet dans le rapport de 2008 porte d'ailleurs le titre « Les aides à la garde des jeunes enfants » car il nous est apparu que la PAJE ne pouvait pas être isolée des prestations qui lui ont préexisté ni de l'usage qui peut en être fait, compte tenu que, comme vous l'avez rappelé, madame la rapporteure, les objectifs de la loi qui a créé cette prestation était de permettre une simplification du dispositif d'aide à la garde des jeunes enfants, un libre choix d'activités pour les parents et un libre choix du mode de garde. Ces points méritent tous d'être discutés car tout le monde n'est pas d'accord sur les résultats obtenus. Il existe de nombreux rapports sur la question. Nous ne manquons pas de littérature. Pour nos travaux, nous avons regardé les rapports de Mme Pécresse, de M. Hirsch et du centre d'analyse stratégique. Le rapport de Mme Tabarot est paru après.
Nous avons constaté que la PAJE était un dispositif assez peu simplifié, ce qui n'est pas étonnant quand on veut cibler des prestations familiales sur des besoins particuliers – l'objectif était certainement un peu ambitieux. La PAJE est un label puisqu'elle regroupe six ou sept prestations différentes existant précédemment. Sa création s'est accompagnée d'une réforme des conditions d'octroi, d'un élargissement des conditions de ressources afin d'augmenter le nombre des bénéficiaires et d'une revalorisation du montant des prestations. L'augmentation du complément mode de garde – CMG – « assistante maternelle », l'élargissement du plafond de ressources pour les allocations de base et les primes de naissance et l'ouverture du complément optionnel de libre choix d'activité – COLCA – pour les parents d'au moins trois enfants ont nécessairement eu un coût. Le montant des prestations petite enfance est passé de 8 milliards d'euros en 2003 à 10,4 milliards en 2007, l'année 2009 devant être le terme de la montée en charge du dispositif, dont on déplore parfois que le coût ait été sous-estimé.
La réglementation reste très complexe. Les personnels des caisses d'allocations familiales – CAF – ont eu du mal à l'« ingérer ». Mais, pour les bénéficiaires, il ressort des sondages qui ont été réalisés que, si elle a complexifié le complément de libre choix d'activité, elle a nettement amélioré les relations avec l'URSSAF – Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales – grâce, notamment, à l'usage du CESU – chèque emploi service universel. En dehors de ce progrès, il reste très difficile pour les familles de savoir à quelles prestations elles ont droit, d'autant que les appellations ne sont pas faciles à retenir.
La Cour considère que le coût de la réforme a été volontairement sous-estimé. L'écart est trop important pour résulter d'une difficulté normale d'évaluation. Le Gouvernement avait chiffré le surcoût à 800 millions d'euros, la CNAF – la Caisse nationale d'allocations familiales – entre 900 millions et 1,2 milliard d'euros. Il est finalement de 2 milliards, les deux tiers de ce surcoût étant relatifs aux prestations de garde elles-mêmes.
Mis à part le desserrement important du plafond de ressources, qui a forcément un coût, l'évolution des comportements encouragée par la réforme n'a pas été intégrée dans les prévisions financières. La même mésaventure est arrivée en matière de retraites. Il faut reconnaître à la décharge de l'administration, qu'il n'est pas facile de calculer précisément les effets d'une réforme.
Il était attendu de la simplification du dispositif d'aide à la garde des jeunes enfants une économie sur les coûts de gestion des organismes. Il appartiendra à l'Observatoire national des charges de gestion de vérifier si cette ambition a été atteinte. La branche famille était en déficit en 2004 au moment où a été lancée la réforme de la PAJE. Celle-ci n'a pas arrangé la situation. Il n'y a pas eu de mesures financières correctrices depuis. Plusieurs propositions ont été faites mais elles n'ont pas été retenues. On est donc resté sur le schéma initial.
L'autre objectif de la réforme était d'offrir un libre choix d'activité aux parents. Le complément de libre choix d'activité – CLCA – à taux partiel avait pour but d'encourager les femmes à ne pas s'arrêter complètement de travailler afin qu'elles ne perdent pas le contact avec l'activité professionnelle. Or il a plutôt incité des femmes de milieux moyens ou aisés à alléger leur activité tout en bénéficiant d'un complément de garde. La cible n'a pas été celle qui était recherchée.
À l'inverse, le CLCA à taux plein continue à s'adresser prioritairement aux femmes qui soit ne trouvent pas de solutions de garde, soit n'ont pas les moyens de la payer et se trouvent écartées du marché de l'emploi. Entre un salaire modeste dont il faut retirer le coût résiduel de la garde d'enfants et une prestation non imposable, le choix est rapide pour les personnes qui ont des petits salaires.
Quant au COLCA, dernier né des prestations, à destination des familles de trois enfants, il n'est versé que pour un an, cette période intégrant le congé de maternité, ce qui n'est pas très incitatif. Il a un succès d'estime, sans plus.
Éviter d'écarter les femmes du marché de l'emploi est un objectif important, notamment dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. L'impact des CLCA et du COLCA n'a pas été évalué mais on peut penser qu'il est assez faible. Les programmes de qualité et d'efficience – PQE – devraient calculer à partir de 2009 la proportion de femmes qui retrouvent un emploi après un CLCA. Beaucoup de travaux ont été réalisés sur le sujet, qui montrent que les femmes qui s'arrêtent de travailler pendant un certain temps ont beaucoup de difficultés à se réinsérer, surtout quand elles sont peu diplômées.