Avant tout, monsieur le secrétaire général, permettez-moi de vous féliciter pour votre parfaite maîtrise de notre langue.
Dans un discours important de 1962, le président John Fitzgerald Kennedy commit un lapsus, en définissant l'OTAN comme l'alliance des États-Unis et de l'Europe. Il fut immédiatement corrigé par les Britanniques, qui lui rappelèrent que l'OTAN était une alliance entre les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne…, bref, entre différents pays. Nous sommes toujours dans ce débat. En effet, un point n'est pas résolu, et ne le sera pas avant le sommet de Strasbourg-Kehl : il s'agit de la non-duplication des structures.
L'Europe aura-t-elle les moyens politiques et techniques de se doter d'un état-major autonome ? Les pays européens, munis d'une défense commune, peuvent avoir à régler des problèmes politiques et militaires différents de ceux des États-Unis. Or, monsieur le secrétaire général, si l'Europe devait le faire aujourd'hui en dehors des États-Unis, à travers l'OTAN elle ne le pourrait pas.
Un retour complet de la France dans l'OTAN mettrait fin à toute perspective de politique européenne de sécurité et de défense commune et à l'Europe de la défense, parce que la question de la non-duplication serait définitivement réglée : nous ne pourrions plus avoir de moyens propres.
Voilà le réel enjeu. Nous sommes plusieurs ici à refuser d'être soit nulle part, soit derrière les États-Unis – même si le passage de la présidence Bush à la présidence Obama adoucit quelque peu les choses. Il n'y a qu'à examiner l'exemple récent de l'installation d'éléments de défense antimissile en République tchèque et en Pologne : M. Bush a voulu régler un problème de sécurité et d'influence américain ; quand il a vu que les choses tournaient mal, il a essayé de transférer la responsabilité du dossier aux Européens via l'OTAN, en affirmant que c'était à elle de régler la question. Une alliance comme celle-là, je n'en veux pas ! J'aime l'Amérique, j'aime le peuple américain, je suis content que la France soit dans l'Alliance, mais je refuse qu'elle rejoigne le commandement intégré, car ce n'est pas l'avenir que j'escompte pour une Europe que je souhaite indépendante.