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Intervention de Alexandre Lamfalussy

Réunion du 27 février 2008 à 10h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Alexandre Lamfalussy :

S'agissant des Britanniques, je crois qu'ils ont pris la bonne solution – la seule solution – et ils auraient même pu la prendre plus tôt. Quand l'argent des contribuables est engagé à un tel point, l'État se doit de renationaliser l'institution, même provisoirement. L'on peut difficilement confier à une entreprise privée l'argent des contribuables.

L'affaire Northern Rock soulève d'autres difficultés, notamment en matière de prévention. Cette banque hypothécaire prêtait sur le long terme en se finançant de manière croissante dans le marché monétaire à court terme. Qui était en charge d'alerter sur les risques d'un tel modèle ? Le système triangulaire britannique de surveillance de l'ensemble du système financier n'a pas fonctionné. Je ne sais pas quelle conclusion en tirer. Le résultat n'aurait peut-être pas été meilleur si tout le monde avait été sous le même toit. Mais il y a là quelque chose de très difficile à comprendre.

Il est certainement possible que soient prises aux États-Unis des dispositions pour éviter que de tels abus et dysfonctionnements ne se reproduisent. Je crois qu'ils vont les prendre, mais je ne sais pas à quel rythme.

Vous avez raison, la centralisation de l'information permettrait de rendre les marchés moins opaques, ce qui est toujours préférable.

S'agissant de ces instruments très complexes, je pense qu'une certaine standardisation est indispensable car dans le système actuel de gré à gré, aux formules très variées, la traçabilité est impossible. Je reviens également sur l'idée d'une obligation, pour ceux qui sont à l'origine des prêts, de conserver une proportion relativement importante de ces créances dans leur portefeuille. Il faudrait aussi préciser leurs engagements formels en matière notamment de provisions et de liquidités.

Peut-on parler de crise morale ? C'est vrai que l'on se sent mal à l'aise. L'on pourra clarifier au maximum le système, disposer de codes de conduite, la tentation de gagner rapidement des sommes extravagantes sera toujours là. Heureusement, cette crise morale ne touche pas tout le monde. De toutes manières, il n'y a pas d'autre solution que d'introduire davantage de clarté et de sanctions. Les Américains appliquent assez rapidement les sanctions, encore que, quand la sanction implique que l'on rentre chez soi avec 80 millions de dollars, elle n'est pas vraiment dévastatrice.

Pour ce qui est des agences de notation, elles commencent à faire leur propre examen de conscience. La question prioritaire est celle des incompatibilités. Il faudrait mettre fin aux conflits d'intérêts. Je sais qu'elles sont en train de réfléchir à des unités de conseil parallèlement à des unités de notation, au sein d'une même entreprise. Je ne suis pas certain que ces « murs chinois » seront efficaces. Ne devrait-on pas exiger que les entreprises soient scindées ?

Concernant la BRI, sa force a toujours été de prendre des mesures qui n'étaient pas prévues, en saisissant les opportunités. Évidemment, la création de la Banque Centrale Européenne l'a profondément transformée, en réduisant son rôle. Pendant 25 ans, le comité des gouverneurs des banques centrales de l'Union Européenne se réunissait à Bâle dans les locaux de la BRI. Le Comité Delors s'y réunissait. Il y avait des petits « murs chinois », ceux qui étaient en charge des secrétariats du comité des Gouverneurs n'étant pas en charge du secrétariat des G10. C'est une institution relativement petite – 450 personnes –, mais d'une très grande flexibilité et dotée d'une capacité financière non négligeable. Elle peut financer elle-même toute une série d'activités de coopération.

Après le départ du comité des Gouverneurs à Francfort, la BRI s'est orientée dans deux directions. Tout d'abord, elle maintient encore une possibilité de contact entre les banques centrales de milieux géographiques très divers. S'étant étendue vers les grands pays qui sont devenus actionnaires – la Chine, Singapour, le Brésil, l'Arabie Saoudite, l'Inde… –, elle est devenue un lieu assez privilégié de rencontres d'une quarantaine de banquiers centraux.

Ensuite, elle s'est attachée aux problèmes de stabilité financière, plus qu'à l'étude de l'efficacité de la politique monétaire, plutôt du ressort de la FED et de la BCE. En revanche, en matière de stabilité financière, ses contributions sont d'une grande richesse. Les rapports annuels depuis quatre ou cinq ans ont tous signalé, avec un grand sérieux analytique, la possibilité ou la probabilité d'une crise de dimension et de nature imprévues.

La BRI a un avantage sur le FMI, qui tient à sa taille et au fait qu'elle n'est pas intergouvernementale, ce qui la rend plus mobile.

Quant au FMI, il peut jouer un rôle de jonction entre les G7 et un club plus vaste qui s'occupe des problèmes macro-économiques mondiaux.

Le Président Didier Migaud : Merci de votre contribution.

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