Au prétexte de l'urgence qu'il y aurait à adopter une quantité incalculable de textes, dont le nombre et l'ordre d'examen ne cessent d'ailleurs de varier d'un jour sur l'autre, de même que leurs thématiques, nous enchaînons à une cadence infernale l'étude de projets de loi en fonction des décisions de l'Élysée. Et d'ailleurs, durant les questions d'actualité, tout à l'heure, le président de l'Assemblée nationale l'a rappelé : on légifère beaucoup ici, beaucoup trop.
Nous voici donc aujourd'hui face à un texte à traiter dans l'urgence, une fois encore. Mais où se situe l'urgence, madame la ministre ? Pourquoi doit-on réformer l'audiovisuel public si rapidement ?
Les citoyens eux-mêmes s'y perdent. En effet, l'extrême nécessité de conduire cette réforme dans les plus brefs délais est totalement incomprise par les téléspectateurs. Il suffit de se rendre sur le blog de la médiatrice de France Télévisions pour voir à quel point ceux-ci sont désemparés devant « l'impérative nécessité » de réformer l'audiovisuel public. Pourquoi ? Que faut-il lire entre les lignes ? Car ils ne sont pas dupes. Même si cette idée peut les ravir dans un premier temps – je pense en particulier à la suppression de la publicité –, ils ne peuvent s'empêcher de se demander ce qui se cache derrière. Et je ne peux, malheureusement, qu'abonder dans leur sens.
Notre rôle n'est pas de faire en sorte que l'exécutif tout-puissant voie ses desiderata exaucés à peine évoqués. Non, notre rôle de législateur est encore de donner notre avis, de retravailler le texte en l'amendant. Le temps du débat parlementaire est indispensable, même s'il est esquivé chaque fois un peu plus, comme le confirme une nouvelle fois ce texte, qui renvoie systématiquement les dispositions les plus importantes à des décrets.
Mais plus grave encore, vous faites passer la réforme du CNC sous forme d'ordonnance, via les articles 47 et 48, qui recomposent intégralement son organisation, son mode de financement. Là encore, le Parlement est mis de côté, comme si la réforme de l'outil central de la politique cinématographique française ne nous concernait pas, ne méritait pas un débat spécifique au sein de notre assemblée.
Ainsi peut-on se demander, mes chers collègues, à quoi nous servons. Et pas seulement du côté gauche de l'hémicycle ! Je passe sur les textes de loi définitifs qui nous arrivent tout juste avant la discussion en commission, je passe sur les délais de plus en plus courts pour déposer des amendements, je passe sur les procédures d'urgence devenues la règle depuis un an et demi.
Cette méthode ne fait que renforcer le pouvoir présidentiel, faisant fi des parlementaires dans leur diversité, alors qu'ils sont pourtant les représentants de la nation, tous autant qu'ils sont et à quelque courant de pensée qu'ils appartiennent.
Ah, voici M. Copé ! Il a dû m'entendre dans les couloirs.