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Intervention de Michel Buillard

Réunion du 27 novembre 2008 à 9h30
Reconnaissance et indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Buillard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier mes collègues du Sénat et de l'Assemblée nationale qui, par leur ténacité à déposer inlassablement des propositions de loi touchant aux conséquences des essais nucléaires sur la santé, ont enfin permis l'ouverture d'un débat dans notre hémicycle.

En tant que député polynésien, je me réjouis que le sujet soit enfin débattu, et je remercie Christiane Taubira d'avoir su faire bouger les lignes et obtenu la confiance de ses collègues socialistes. En tant que député de l'UMP, je regrette que, malgré les efforts louables de certains de mes collègues, notre groupe ne soit pas à l'origine de cette initiative.

Moruroa signifie « l'atoll du grand secret ». C'était le terrain idéal pour l'installation des sites du ministère de la défense, aussi appelé « la grande muette », mais ce temps est révolu : le maître mot est désormais la transparence.

Si, au niveau international, la France peut aujourd'hui participer sur un pied d'égalité aux réunions des grandes nations et faire entendre sa voix, c'est grâce à la Polynésie française ; grâce à trente années d'essais nucléaires effectués sur le sol polynésien, entre 1966 et 1996. En tant qu'élu de la Polynésie française, en tant que Polynésien, je tenais à le rappeler, car je constate que l'on a un peu trop tendance à oublier, ces derniers temps, l'engagement sans condition d'un peuple pour assurer la souveraineté de la France. Les Polynésiens ont travaillé sur les sites d'expérimentations ; ils ont contribué à la dissuasion nucléaire de la France et ont fait confiance à l'État, privilégiant l'intérêt supérieur de la nation au détriment, peut-être, de leur propre santé.

Aujourd'hui, les temps ont changé. On nous dit que, au nom de la moralisation, il faut mettre fin aux abus, aux injustices et aux erreurs du passé. La responsabilité de l'État implique qu'il agisse dignement en indemnisant les personnes qui ont subi les effets des essais nucléaires.

J'assume ma participation à la mise en oeuvre de la politique de dissuasion nucléaire, tant lorsque j'étais vice-président de l'exécutif local qu'aujourd'hui, en tant que député-maire. Il ne s'agit donc pas d'un problème d'idéologie. En 1995, à la reprise des essais, les jeunes polynésiens se sont révoltés et ont brûlé une partie de ma ville, Papeete. J'ai recueilli à la mairie des familles qui avaient tout perdu. J'ai assumé mon soutien à la politique de la France, et n'ai pas réclamé l'aide de l'État pour ces victimes collatérales des essais. Cela étant j'ai aussi, comme élu chargé de représenter les Polynésiens, une responsabilité envers eux.

Je pense, chers collègues, que vous vous êtes demandé dans quelles conditions l'industrie nucléaire a été installée en Polynésie française. Tous les partis politiques qui se sont succédé au gouvernement de la France ont une responsabilité à assumer en ce domaine. Le choix s'est porté sur la Polynésie française pour des raisons que nous connaissons tous. La population a-t-elle été consultée ? Non. Aujourd'hui se pose toujours la question de savoir si la France s'est assurée l'entière coopération des responsables politiques polynésiens en empêchant toute expression de l'identité politique polynésienne, incarnée notamment, à l'époque, par le sénateur Pouvanaa a Opaa.

À ceux qui se demandent pourquoi la Polynésie française, avec tous les transferts financiers, a des difficultés à assurer son autonomie économique et son développement endogène, je rappelle qu'en quelques années, les Polynésiens ont dû s'adapter à une véritable révolution économique et sociale, passant d'une économie rurale et autosuffisante à une société moderne et artificielle de consommation.

Depuis l'arrêt des essais nucléaires en 1996, la Polynésie se trouve à un nouveau tournant de son histoire. Signée en octobre 2002, la convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française concrétise l'engagement de l'État de maintenir de façon permanente le niveau des flux financiers qui résultaient de l'activité du CEP, le Centre d'expérimentation du Pacifique. Il s'agit donc bien d'une dette morale plutôt que d'une rente nucléaire. Les essais nucléaires font peut-être partie de l'histoire et du passé pour les militaires et le Gouvernement français, mais pour nous, dans le Pacifique, c'est un souci permanent de savoir si les essais ont été propres ou s'ils ont eu des effets néfastes sur la santé des populations.

À l'heure où la Polynésie est en proie au doute, avec des réformes menées tambour battant qui menacent ses fragiles équilibres économiques et sociaux ; à l'heure où l'on nous annonce, et cela vous concerne directement, monsieur le ministre, le retrait de deux tiers des effectifs militaires de Polynésie pour faire de la Nouvelle-Calédonie, je vous cite, « la nouvelle base militaire de la France dans le Pacifique »,…

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