Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chers collègues, j'étais adolescent lorsque eurent lieu les premiers essais nucléaires au Sahara, et un fait m'avait particulièrement marqué à l'époque : c'était la vision de ces soldats découvrant, à très faible distance, les premières expérimentations avec, comme seule protection pour nombre d'entre eux, le port de lunettes de soleil.
Je n'avais pas encore entrepris mes études de médecine, mais je me rappelle que ce fait m'avait interpellé et que je trouvais cette seule protection pour le moins un peu légère. Mais nous n'étions qu'en 1960 et il est vrai qu'à cette époque beaucoup de choses étaient encore ignorées. Puis eurent lieu les essais en Polynésie. Loin de moi l'idée de remettre en cause leur légitimité. Même si certains de nos collègues ici présents ne partagent pas cette approche – et je respecte leur opinion –, je pense qu'ils étaient malheureusement nécessaires.
Toujours est-il que tout au long de ma carrière professionnelle, j'ai été amené à constater, parmi ceux de mes patients militaires qui avaient vécu des expérimentations, une prévalence de certaines affections, notamment cancéreuses, dont aujourd'hui l'origine ne laisse planer aucun doute.
Je ne jetterai pas l'anathème sur tel ou tel gouvernement de droite ou de gauche pour ne pas avoir pris plus tôt en considération ce type d'affections. Je rappellerai simplement que, sous l'impulsion d'associations nationales telles que l'AVEN, dont je salue la persévérance des dirigeants, et « Moruroa e tatou », des élus, toutes tendances politiques confondues, avaient uni leurs forces pour concocter une proposition de loi destinée sinon à effacer, tout au moins à essayer de réparer au maximum les erreurs du passé.
Or malheureusement, en dépit de ce que nous aurions pu espérer, ce n'est pas cette proposition que nous examinons aujourd'hui. Aussi permettez-moi, madame la rapporteure, sans aucune animosité de ma part, de vous opposer deux remarques. D'abord, je voudrais réaffirmer que le texte examiné ce matin, contrairement à ce qui avait été prévu et à ce que vous dites un peu tardivement, n'est pas celui qui avait été préparé en consensus par les élus de tous bords. Cette démarche me paraît précipitée. Ensuite, je voudrais souligner que nous devons adopter une stratégie commune si nous voulons obtenir un maximum de voix. Or comme vous pouvez le constater, les conditions ne sont pas réunies. Elles le sont d'autant moins que nous venons de prendre connaissance par une communication en commission – M. le ministre ne me contredira pas – de l'existence d'un projet de loi gouvernemental qui sera déposé au premier trimestre 2009 pour être discuté quelques mois plus tard.