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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 27 novembre 2008 à 9h30
Reconnaissance et indemnisation des victimes des essais ou accidents nucléaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons ce matin afin de discuter de la proposition de loi de nos collègues socialistes, radicaux et citoyens visant à la reconnaissance et à l'indemnisation des personnes victimes des essais ou accidents nucléaires.

Cette question très sensible dépasse les clivages politiques traditionnels. En effet, depuis six ans, dix-huit propositions de loi venant de tous les bords de notre assemblée ont été déposées. Je me félicite donc que notre collègue Christiane Taubira aborde à son tour le sujet.

Il existe en effet un réel consensus national sur cette question. Je tiens toutefois à préciser que ce consensus ne se limite pas à la seule indemnisation des victimes d'essais nucléaires. Il existe également sur le bien-fondé de la politique de dissuasion nucléaire, qui n'est pas remise en cause.

Revenons sur la question de l'indemnisation. Il est indéniable que les 210 essais nucléaires menés entre 1960 et 1996 ont eu de graves conséquences pour certaines catégories de notre population. Reconnaître un droit à indemnisation pour les victimes des essais nucléaires répond ainsi à un principe d'équité. D'ailleurs, tous les États qui ont réalisé des essais nucléaires ont admis qu'ils avaient pu entraîner des conséquences dommageables sur la santé des militaires et des populations habitant à proximité des sites concernés et ont prévu des mécanismes d'indemnisation. Nous sommes en retard. C'est, dès lors, un devoir moral pour l'État français de se saisir à bras-le-corps de cette question.

Nombre de vétérans se sont lancés ces dernières années dans des procédures judiciaires civiles ou militaires afin d'obtenir droit à pension ou à indemnisation pour le préjudice subi mais, en dépit du succès croissant de ces procès, la procédure se révèle bien souvent longue, coûteuse et aléatoire pour les plaignants. Il convient donc d'agir.

Je me félicite que le Gouvernement, par la voix de son ministre de la défense, se soit engagé à déposer au premier trimestre 2009 un projet de loi reconnaissant les conséquences sanitaires des essais nucléaires et prévoyant une indemnisation. Ce sont 150 000 civils et militaires qui ont pris part aux essais français. Il n'y a pas eu, bien sûr, de conséquences néfastes pour tous, mais ceux qui sont malades attendent une réparation rapide.

Le projet de loi reconnaîtrait le droit à l'indemnisation en fonction des irradiations reçues et d'une liste de maladies. En outre, le ministère s'est engagé à ne plus faire appel contre les décisions judiciaires accordant une indemnisation.

Dès lors, la discussion de cette proposition de loi paraît quelque peu prématurée. De plus, bien que je partage les objectifs poursuivis par la rapporteure, je critique la méthode retenue pour les raisons suivantes.

L'article 1er de la proposition de loi s'attache à établir une présomption de lien de causalité lorsque les personnes, y compris, le cas échéant, leurs descendants et ayants droit, ont été en contact avec des activités nucléaires. Ce faisant, il met injustement sur un pied d'égalité ceux qui ont été réellement exposés aux rayonnements ionisants et ceux qui ne l'ont pas été.

De plus, cet article ne prévoit pas de critère d'inclusions dosimétriques, ce qui a pour effet de le rendre applicable au premier becquerel artificiel. Or la dose d'exposition peut être établie, car il s'agit d'une mesure physique qui peut être individuelle ou collective. Je sais bien que certaines dosimétries peuvent avoir disparu ou ne pas avoir été prises en compte mais, si les dossiers personnels ne peuvent être retrouvés, on pourrait se référer à ceux d'autres personnes présentes à la même date et au même endroit.

Par ailleurs, cet article laisse, à tort, à une commission constituée de personnes non expertes en la matière la faculté de donner un avis au Conseil d'État pour constituer une liste de maladies supposées être radio-induites, sans considérer les connaissances scientifiques et médicales.

Enfin, que dire de l'inégalité de droit qu'induit cet article entre les personnes ayant participé aux essais nucléaires ou résidant à proximité des sites d'expérimentations et les autres populations, en considérant pour les unes et les autres des listes, qui peuvent être différentes, de maladies supposées radio-induites ?

L'article 2 fixe les catégories d'individus pouvant obtenir réparation intégrale de leurs préjudices. Trois catégories sont définies, dont les descendants des personnes irradiées. Cet article vise donc à reconnaître les effets héréditaires des irradiations. Or, la science n'a jamais réussi à mettre en évidence de tels effets, y compris chez les irradiés d'Hiroshima et de Nagasaki.

L'article 3 crée un fonds d'indemnisation des victimes des essais et des accidents nucléaires chargé d'assurer une réparation intégrale des préjudices subis. Si, là encore, je partage l'objectif qui est fixé, je tiens toutefois à émettre certaines réserves au regard de l'extrême complexité juridique qu'implique la création d'un tel établissement. L'administration d'une telle commission de suivi devrait plutôt relever du Premier ministre ou du ministre de la santé.

Enfin, l'article 4 crée auprès du Premier ministre une Commission nationale de suivi des essais nucléaires. Je m'interroge sur la pertinence de cette commission. Ne serait-il pas préférable d'instituer une commission de suivi scientifique et technique compétente capable d'évaluer les dossiers ?

En conclusion, pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette proposition de loi. Il attend avec impatience le projet de loi promis par le ministre de la défense pour les prochaines semaines, en demandant que ce texte prévoie une indemnisation juste et équitable pour les personnels civils et militaires exposés aux essais nucléaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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