Et puis, parce qu'ici comme ailleurs, de prétendues avancées masquent des reculs ou des silences, il aurait sans doute été utile de définir précisément le champ des nominations présidentielles avant de prévoir leur contrôle. La majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour un avis négatif rend par ailleurs la procédure somme toute assez peu ouverte et peu démocratique.
En l'état des textes, la liste des emplois pourvus en Conseil des ministres et exigeant donc la signature du président de la République est notamment établie par décret en Conseil des ministres, autrement dit à la discrétion du Président de la République ! On se souvient peut-être que François Mitterrand, à la veille de la première cohabitation, avait utilisé ce moyen pour accroître considérablement le nombre d'emplois publics dépendants de la signature présidentielle. Votre texte ne met pas fin à cette possibilité pour le Président de la République.
Les avancées apparentes se révèlent, quand on les examine de plus près, d'une portée limitée. La réforme constitutionnelle prétend, dans son article 13, permettre un meilleur contrôle du Parlement sur les opérations militaires extérieures. Ainsi, le Parlement devra dorénavant être informé de ces opérations « dans les délais les plus brefs » – c'est-à-dire bien après les médias – et cette information pourra donner lieu à un débat – ce qui est déjà possible aujourd'hui –, étant précisé que ce débat ne pourra être suivi d'un vote. Bien sûr, le plus important n'est pas là, mais dans l'alinéa qui suit : « La prolongation de l'intervention au-delà de quatre mois est autorisée en vertu d'une loi. Aucun amendement n'est recevable. »
L'expérience prouve que ce type de disposition est relativement inefficace pour assurer un véritable contrôle parlementaire sur des opérations militaires.
En réalité, sauf à se payer de mots, la question du contrôle parlementaire doit se poser bien en amont de l'intervention des forces militaires à l'étranger, comme l'avait d'ailleurs envisagé le rapport du comité Balladur. II faut, car ce n'est pas le cas la plupart du temps, que les accords de défense et les engagements d'assistance militaire souscrits par la France soient systématiquement transmis au Parlement pour information et que ce dernier puisse alors en juger à froid.
En lançant le processus de révision de la Constitution, dans un discours du 12 juillet 2007 à Épinal, Nicolas Sarkozy expliquait à ses auditeurs que « dès lors que le Président gouverne », ce dernier doit être « responsable ». Mais comment organiser cette responsabilité ? Comment et devant qui doit-elle être engagée ? La réponse pour Nicolas Sarkozy était simple : il fallait que le Président « puisse s'exprimer au moins une fois par an devant le Parlement pour expliquer son action et pour rendre compte de ses résultats ».
L'idée est assez curieuse : généralement, on rend compte de son action ou de ses résultats devant ceux qui vous ont mandaté pour agir. Ainsi, un Premier ministre dans un régime parlementaire rend compte de son action – et rend des comptes – devant le Parlement. Or, en France, le Président de la République ne doit rien au Parlement ; il a d'ailleurs été élu avant les élections législatives. Pourquoi faudrait-il alors qu'il se présente devant lui ? En réalité, cette disposition aurait du sens si le Président de la République devenait constitutionnellement et explicitement le chef de l'exécutif – ce qu'avait proposé le comité Balladur.
Mais alors, puisque nous restons dans un régime parlementaire, il devrait être responsable au sens constitutionnel du terme, devant l'Assemblée nationale, autrement dit prendre le risque de subir sa censure. C'est difficile à imaginer. Pourquoi, en effet, la légitimité élective des députés l'emporterait-elle sur celle, de même nature, du président de la République ? Mais alors, si le vrai chef de l'exécutif ne peut pas être renversé par l'Assemblée nationale, nous sommes, non plus dans un régime parlementaire, mais dans un régime présidentiel et il faut l'assumer. Dans ce cas, il faut augmenter considérablement les pouvoirs du Parlement, assurer sa totale indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif, et supprimer le droit de dissolution de l'Assemblée nationale par le Président de la République. Solution que personne ne souhaite véritablement...
D'où la curieuse idée de Nicolas Sarkozy, à l'article 7 : le Président de la République, quand il le souhaitera, viendra vanter son action devant les parlementaires, puis s'en retournera tranquillement à l'Élysée, son devoir de communication accompli, tandis que « hors sa présence » les parlementaires pourront débattre mais... pas voter. La responsabilité politique selon Nicolas Sarkozy se résume donc à cela : un président tout puissant qui, sans prendre le moindre risque et en conservant l'arme ultime de la mise au pas des députés – le droit de dissolution –, daigne venir expliquer sa politique devant les parlementaires, relayé par des médias parfois bienveillants (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), avec notamment un service public sous contrôle. La presse n'est-elle pas actuellement tenue par des amis du Président ? On se demande vraiment dans ces conditions où est le rééquilibrage annoncé des institutions...