Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 8 juillet 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

Madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, les parlementaires socialistes se sont souvent interrogés sur les raisons de l'ostracisme dans lequel une certaine pratique de la Ve République place le Parlement dès qu'il s'agit de politique étrangère et de défense.

Dans le cadre de la révision constitutionnelle qui nous est proposée, je souhaite donc intervenir plus particulièrement sur ce point, traité notamment dans l'article 35 de notre Constitution.

Nous attendons en effet que ce projet de loi constitutionnelle apporte des changements significatifs. Selon une logique déjà en place dans la plupart des grandes démocraties, le Parlement doit bénéficier d'une information de qualité et être associé aux décisions qui concernent les opérations extérieures de nos armées.

Il y a aujourd'hui à l'égard des assemblées une méfiance qui n'a plus lieu d'être. Les représentants de la nation ne sont pas moins soucieux de notre sécurité que les membres de l'exécutif. Il n'est pas acceptable qu'ils soient, encore aujourd'hui, informés par la presse de l'envoi de nos forces sur les terrains extérieurs. Ce nécessaire renforcement du Parlement apparaît donc comme une mise à niveau de notre démocratie, face à nos voisins et alliés qui ont depuis longtemps engagé ces avancées sans pour autant affaiblir leurs forces.

Le sujet est d'autant plus important que les opérations extérieures se sont multipliées. Elles sont aussi de plus en plus longues et de plus en plus coûteuses – un milliard d'euros pour l'année 2009. Comme l'a rappelé le ministre de la défense, ces dépenses ont été évaluées à 880 millions d'euros pour l'année 2008. Or seulement 475 millions d'euros avaient été programmés dans la loi de finances. Le contrôle du Parlement est donc plus que jamais indispensable, tant pour éviter l'enlisement de nos troupes que celui de nos finances publiques.

À l'issue de la première lecture devant les deux assemblées, le Gouvernement devra, en cas d'envoi de forces sur le théâtre d'opérations extérieures, en informer le Parlement dans les trois jours. Et, à l'initiative du Sénat, il devra également, par le vote d'une loi non amendable, obtenir l'accord des assemblées pour toute prolongation des opérations extérieures au-delà de quatre mois.

Une véritable réflexion s'impose sur les interventions qui devront faire l'objet de cet agrément. Il ne s'agit pas pour le Parlement de se prononcer sur des accords humanitaires ou sur des opérations qui nécessitent à la fois confidentialité et rapidité. Il en est de même pour certaines opérations qui ne mobilisent que quelques militaires, comme la mission d'observation de l'ONU au Sinaï.

En revanche, lorsqu'il s'agit d'envoyer des militaires en corps constitués à des fins opérationnelles, il est indispensable que les élus du peuple puissent prendre leur responsabilité et se prononcer par un vote. Un groupe de travail pourrait cependant être constitué, afin de déterminer quelles interventions seront concernées et quel sera le point de départ du délai de trois jours.

Afin que les dispositions de cet article soient réellement effectives, il est nécessaire de compléter le dispositif en précisant que, si besoin est, le Parlement se réunit en session extraordinaire. Personne ne souhaite ici entraver la capacité d'action et de défense de la France. Mais si de graves circonstances l'exigent, le Parlement ne devrait pas être écarté au seul motif qu'il n'est pas en session. Il est donc souhaitable qu'il puisse être convoqué en session extraordinaire par le Président de la République si cela est nécessaire.

Dans les cas où les opérations extérieures se prolongeraient dans le temps, les assemblées doivent y être associées de manière régulière. Nous demandons donc le renouvellement de six mois en six mois de l'autorisation donnée par le Parlement d'engagement des forces. En effet, la première autorisation ne doit pas être un blanc-seing entre les mains du Gouvernement. Le Parlement doit, tout en restant responsable, avoir la possibilité d'éviter l'enlisement de nos troupes.

Je souhaite enfin insister sur la nécessaire information du Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaires.

Nos interventions militaires à l'étranger, à l'exception de celles auxquelles nous participons en vertu d'un mandat international, se fondent souvent sur des accords de défense signés avec des pays tiers. La plupart d'entre eux ont été conclus avec des pays africains dans le contexte particulier de leur accession à l'indépendance.

Ces accords ne sont pas anodins puisqu'ils légitiment juridiquement et politiquement l'engagement de nos troupes et déterminent le caractère de nos interventions. Ce fut notamment le cas au Rwanda, en Côte-d'Ivoire et plus récemment au Tchad.

D'ailleurs, la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale s'est unanimement prononcée pour considérer que les accords de défense devraient désormais être transparents et connus du Parlement. Il serait d'autant plus étonnant qu'on n'accède pas à cette demande au sein de la représentation nationale aujourd'hui que le Président Sarkozy s'est lui-même engagé publiquement « à rendre publics tous nos accords de défense » le 28 février dernier devant le Parlement – il est vrai qu'il s'agissait du Parlement sud-africain !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion