Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lorsque le débat sur la révision de notre constitution a été lancé voilà maintenant près d'un an, l'espoir était grand qu'il débouche sur la modernisation tant attendue de nos institutions. À gauche comme à droite, nous étions nombreux à considérer qu'il était temps de rééquilibrer les pouvoirs. Depuis des années, en effet, rien n'est devenu plus consensuel que de déplorer sur tous les bancs l'effacement du Parlement, rien n'assure mieux les suffrages que de revendiquer une meilleure reconnaissance du citoyen, tant il est vrai que notre régime souffre d'une grave crise de confiance – Jean-Jacques Urvoas vient de le rappeler avec force.
Résultats de la réflexion collective d'éminents spécialistes de tous bords, les conclusions du comité Balladur, mis en place par le Président de la République, ont donc été accueillies avec l'attention qu'elles méritaient, et c'est avec l'ambition de participer à la construction de cette maison commune que l'ensemble des députés du groupe socialiste a abordé la discussion de votre projet loi, en mai dernier.
Avec de nombreux collègues, j'ai voulu croire à cette démarche alors même que d'autres commençaient à douter très sérieusement de la volonté qui animait le Gouvernement. Nous avons donc pris la liberté d'affirmer notre conviction que l'importance de la tâche – donner des pouvoirs nouveaux de contrôle et d'initiative au Parlement – justifiait de faire vivre jusqu'au bout l'espoir d'un consensus, d'un compromis.
Plusieurs dispositions du projet pouvaient, en effet, concourir utilement à renforcer les droits du Parlement et du citoyen : le partage de l'ordre du jour, l'encadrement de la procédure d'urgence, la reconnaissance du statut de l'opposition, la création d'un référendum d'initiative populaire. Toutes ces mesures devaient faire l'objet d'un débat dépassant les clivages partisans.
Aujourd'hui, hélas, c'est cette même liberté et ce même souci d'objectivité qui me conduisent à constater que le compte n'y est pas et que la chance historique risque fort de tourner en lamentable gâchis. Je vous le dis : le Gouvernement, la majorité en porteront seuls la redoutable responsabilité. À l'occasion de la première lecture à l'Assemblée, vous auriez dû prendre et construire – parce qu'il s'agissait de votre responsabilité –, avec nous, des engagements suffisamment forts pour qu'ils puissent s'imposer jusqu'au Sénat et à sa majorité conservatrice. Vous portez la responsabilité de ne pas l'avoir fait !